J’ai utilisé tout un stock de matériaux de récupération pour concevoir les Palissades. Ce genre d’assemblages in situ, tout comme mes interventions dans les lieux publics, participent d’une attitude séditieuse à l’égard de la culture officielle. Les palissades, dans la mouvance du Junk Art, se sont distinguées par l’importance accordée à l’aléatoire. J’ai parcouru des centaines de kilomètres à la recherche d’objets détériorés pour dénoncer les déchets d’une classe riche qui constituent pour les plus pauvres leurs réserves en matière première. La valeur ajoutée à un objet qui n’en a pas devient politique. Je me suis servi de rebuts industriels, de structures trouvées sur place, sur des chantiers, des voies de chemin de fer ou dans des entrepôts d’usines. Graffiti, tôles rouillées, épouvantail, panneaux de signalisation, bâche goudronnée, brouette, échelle, carcasse d’automobile, enseignes, pneus, tuyaux d’échappement, écrans implosés, bidons, portières, vélos, affiches arrachées, bornes kilométriques… Matériaux choisis pour témoigner de la réalité quotidienne des sous-cultures urbaines. Elles furent photographiées, toujours en hiver, à dix mètres : l’unité des tons vient de là. Inspiré par l’esthétique des abris de jardins ouvriers et des bidonvilles, je n’ignorais pas ce qui me motivait tout au long de cette entreprise obsessionnelle. Les Palissades contenaient sans doute le rêve de leur disparition car certaines furent victimes d’actes de vandalisme. En 2001, elles furent broyées par des bulldozers sous prétexte qu’elles risquaient de s’effondrer, malgré une vigoureuse campagne qui permit de prouver leur solidité. Seuls, ces 17 clichés, témoins d’un art du transitoire, sont rescapés.