> Le Rat'Art


> Incartades du Rat’Art
> Manifeste pathologique
> Leitmotive du Raté
> K, la rature
> La Ratery
> Mémoire ratartienne
> Radieux, le premier Raté
> Le Ratage
> Flashback
> Excipit
> Remerciements
> Post-scriptum
> Postface



> Incartades du Rat’art

Désintoxiquons-nous ! De tout : de la fatalité, de l’autorité, de la croissance, de l’es­cla­vage, de l’impérialisme, du patriarcat, de la violence... Faisons l’amour dans la posture du grand écart ! Improvisons des funérailles nationales pour une boîte d’allumettes. Manifestons-nous par une insurrection soudaine ! Si l’on nous parle avec solennité, avant tout rions ! Désertons la pensée unique et encourons l’irrégularité ! Devenons les chefs de file radicaux de la patate chaude ou les leaders des ornithorynques. Une autre nouveauté déjà nous amuse ? Nous n’avons plus à suivre les errements d’un parti. Stimulons-nous par la recherche de conceptions hétérodoxes ! Vivons un grand dévergondage de l’esprit ! Heurtons de plein fouet les correcteurs de nos fautes ! L’art est le meilleur subterfuge pour nous disculper. Les potins sur nous iront bon train. N’évitons plus l’attaque cérébrale ! Crions mille algarades incohérentes ! Inquiétons-nous de savoir si tous les « O » ne devraient pas être chapeautés d’un accent circonflexe. Réceptifs aux idées subversives, rallions-nous aux causes nouvelles, tracassons-nous à propos du futur. Agissons de façon offensive sans craindre rien. Que nous préférions l’art dégénéré, c’est un bruit que les panouilles feront courir. Ne soyons pas destinés à être stigmatisés et il existera des milliers de cas d'inconduite. Laissons-nous follement inspirer ! Manquons à nos corvées par des escapades engagées ! Qu’on n’approuve rien de nos extravagances ! Débitons des inepties avec une remarquable assurance. Rassemblons les dissidents en œuvrant sans désemparer pour des résultats concrets, en Afrique, contre la famine, pour un imaginaire proliférant. Un faux pas ne nous coûtera pas notre liberté. N’em­ployons que des tirades impertinentes com­me si les éléphants à nos côtés barrissaient. Poussons l’inconvenance jusqu’à nous coiffer d’un bonnet à grelots aux bords retournés. Vive les incorrections de style ! Déposons plainte contre X, partout. Que nos réactions soient disproportionnées. Nous n’en serons pas à notre dernière frasque. Exploitons tout parfum de scandale ! Artistes, oublions les musées, la providence des médias. Vive la contre-culture ! Vive la gratuité en art ! Ne craignons pas de nous montrer occupé aux petites choses qui seront importantes au succès des plus grandes. Suscitons nos déviations à s’inscrire dans un mouvement jubilatoire ! Passons au rire sans motifs ! Nos embardées langagières seront causées par une stratégie idéaliste. Que nos écrits soient placés sous le signe d’une rieuse utopie ! En luttant contre la littérature pompeuse, grognone ou insipide, on nous condamnera à d’éternels barbarismes. Alors, faisons affront à ces lézardés avec toutes les infamies imaginables. Soyons hors d’atteinte, des disciplines et des genres, intentionnellement caustiques comme le sont à notre endroit les institutions et les stratégies internationales ! Antidatons notre bulletin de naissance. Il ne sera pas facile de nous couper le sifflet. Exposons-nous à quelque avanie paradoxale. Lançons à tout va des incartades, défions les pollueurs cérébraux, affichons notre indignation sans états d’âmes ! Qu’on nous exclut de partout pour cause d’indignité ! Réinventons-nous ! Les abstracteurs de quintessence ne prétendent déjà plus tout nous apprendre. L’art est ouvre-boîte.  Enfin, blasphèmez ! Ne fléchissez pas le genou devant Sainte Garde-Chiourne, jetez-là rageusement à terre, jusqu’à percer son auréole. Vous serez son homme à tout faire ! Elle finira par vous harceler jusqu’aux confins des villes ouvrières, en agitant le bout de sa langue, sous peine de mots orduriers.Vous la baiserez jusqu’à la jouissance et la défaite, avec au bec une cigarette. « Supplie-moi d’arrêter ! », vous dira-t-elle les mains jointes. Pas le temps de vous reposer d’une demi-somnolence, de tirer une longue bouffée, ou de laver le foutre séché. Il lui faudra sucer à pleine bouche, à quatre pattes, la langue pendante. Vos dents lui prendront la peau des cuisses nouées à vos hanches, son sexe y sera encore imprimé. « Dis-moi que je suis une salope ! Crache-moi dessus ! » Vos yeux agrippés aux siens, avec une feinte dévotion, vous la lécherez du visage aux pieds et vous la prendrez, même en marchant. Elle dira : « D’habitude je ne vais pas avec les hommes ! » Vous serez sa Sainte Verge !
Y en a marre des ultrafriqués escrocs mais pas trop, des bienfaits du libre-échange sauvage, des faux-culs, du box-office, des gens incapables de tenir une conversation plus de cinq secondes ; des alléluias en veux-tu en voilà, de choisir entre carotte ou bâton, d’entendre partout « Rentabilité oblige ! ». Tout ça se boit comme du petit-lait pour qu’on arrive à dormir dans le noir. De la culture par le décervelage. On n’en peut plus d’encaisser crochets, directs, uppercuts : une plaidoirie de l’impossible pour po­taches rebelles jetés dans un western planétaire. On vit pour des cacahuètes avec la rage des sursitaires. Ce n’est pas qu’on n’aime pas l’art, mais l’art-business, joujou préféré des puissants, ça finit par taper sur le système. Notre inspiration parviendra un jour à un raffinement tel qu’il sera aussi ridicule de faire de l’art qu’aujourd’hui de croire aux fantômes. Suffit-il de chercher à ne rien trouver ? Et tout le monde d’applaudir. Voyez-vous ça !



> Manifeste pathologique

Sus à l’art !

Abordons ici le sujet grave et facétieux de l’art comme maladie. Cet essai est destiné aux compagnes d’artistes qui ne trouvent aucun réconfort auprès des médecins, eux-mêmes impuissants devant la maladie de l’art. C’est pourquoi les artistes Ratés sont célibataires. Si le généraliste juge l’affection prise à temps et pouvant être soignée avec des marques de tendresse, ayez confiance. Mais s’il estime la chose dramatique et prescrit une lourde médication érotique, laissez tomber. Quelle est cette infirmité de l’artiste qui lui rend impossible toute vie sociale ? Le Rat’art rend l’artiste fautif de son manque de rébellion. La maladie de l’art, dépressive, interminable et débilitante, fait frémir bien des gens qui lui prêtent un symptôme d’aliénation. Et qui ne songe pas, sans épouvante, à la possibilité de voir un proche devenir fou ? Seul l’artiste Raté revendique la folie. Cette maladie est fréquente dans tous les courants littéraires et picturaux ; mais elle ne frappe pas les Ratés puisqu’ils le sont, fous, cela s’entend. Les galéristes se frottent les mains quand l’un de leurs poulains en est at­teint. Ils n’ignorent pas que le suicide d’un artiste fera grimper sa cote. Ceci dit, aucun Raté n’a mis fin à ses jours. Faut-il repousser cette illusion qu’est la foi en un talent artistique ? Le Rat’art fustige le talent. Pour lui, l’art traditionaliste a une position indigne, qui plus est dans une société bien-pensante. Ce mal funeste est encouragé par les critiques d’art qui y voient une source de domination. L’art peinturlures­que et gribouillistique se développe dès l’enfance et effraie fort les pa­rents. Le Raté dit : « N’approuvez vos mômes que s’ils bâillent aux corneilles ! Vous qui aimez vos enfants, redoutez l’art ! » Qui les a vu étreints par les affres de la création s’en souvient sa vie entière. L’entourage est aussi malade que l’artiste en herbe - à propos d’herbe : l’angélique agit surtout chez les bébés mélancoliques. Mais le Raté fait le procès de l’angélique. Qui dit Raté dit neurasthénique réjoui. L’imminence du danger se vérifie quand le bébé-artiste se plaint de bruits en jet de vapeur dans les oreilles. On pourrait arrêter le cours de l’infection naissante par des badigeonnages avec de la peinture anti-rouille ; certes, on aurait pu, mais quand c’est trop tard… Qui n’a pas décelé le symptôme du désœuvrement par un dimanche après-midi pluvieux, et con­nu cette perverse tentation de faire de l’art ? Le Rat’art exècre le dimanche. Ce mal siège dans la tête, l’organe le plus mobile après la langue. L’art est le juste châtiment d’un abus de marginalité ; l’artiste en est seul responsable. Le Rat’art incrimine l’artiste. La société y est pour quelque chose. Le Rat’art condamne la société. Les convenances sociales incitent le malade à peindre des merveilles qui ne conviennent pas à son tempérament. Le Raté désavoue les convenances et les chef-d’œuvres. « L’art em­bourgeoisé est une affection si désolante qu’il se forme jusque sous l’épiderme et au pli de l’aine. Il siège même à la marge de l’âme en laissant des sortes de fistules ». Le Raté maudit l’âme. Il proscrit même la station debout devant un chevalet. Jadis, pendant qu’il peignait un portrait, le peintre avait des crises qui étaient considérées comme un avertissement céleste. La séance de pose était interrompue et le modèle s’écartait en disant : « Laissons-le, c’est le haut mal ! ». La maladie de l’art est occasionnée par la réaction des éléments de défense qui entourent les germes infectieux et les détruisent. Ces microbes furent apportés de Damas, lors de la deuxième croisade par le Comte de Brie. Le Rat’art réprouve les guerres des religions. La maladie se contractait dans les milieux où les intellectuels se livraient à une vie de débauche. Le paysagiste perdait subitement connaissance. À peine avait-il pu dire quelques mots, com­me par exemple : « Ma tête s’en va ! ». Autour de lui on s’empressait. Il avait le visage congestionné et les yeux révulsés, ses joues étaient gonflées. En terme d’hôpital, on dit qu’il « fume sa pipe ». L’art était la terreur des mères qui voyaient leurs pères, oncles, frères, maris et leurs fils perdre les forces de la jeunesse juste avant la deuxième guerre mondiale. Le Rat’art prohibe la guerre, mais ce n’est pas le propos. Une maladie d’une ténacité si désespérante qu’elle faisait reculer les femmes les plus intrépides. Heureusement, grâce au savant Aimé Rythe, martyre de la science, mort zinzin, nous savons aujourd’hui que l’art sert de vestibule à la folie. Avant lui, le seul traitement connu était d’étouffer l’artiste entre deux matelas. L’art, de nos jours, se traite avec des lavages de cerveau en décapant le canal d’excrétion aux glandes sébacées engorgées, suite à des analyses de l’urine prélevée dans un verre à pied conique en vente dans les magasins de verrerie. Le Rat’art n’a rien à dire là-dessus. Un laboratoire préconise un appareil individuel que l’artiste porte accroché à l’oreille. Des messages de flatterie, d’encouragements préenregistrés donnent un retour d’aplomb égocentrique appréciable. Le Raté, lui, ne cautionne pas les basses complaisances. À l’aide d’une aiguille, il faut piquer le crâne, sans qu’aucune goutte de pus ne jaillisse car cela peut causer l’apparition du génie. Presser, vider, cataplasmer, sans trop serrer. Après avoir tracé au feutre une ligne de haut en bas du visage, il faut dessiner une croix et presser au centre avec l’aiguille. Si le patient souffre de la maladie de l’art, il ressentira un mal effroyable et arrachera la main qui le blesse. À la longue, les Ratés vous réhabiliteront. Ainsi fixé, vous téléphonerez au médecin des artistes. Ne lui proposez surtout pas d’admirer l’œuvre d’un grand maître, il avalerait sa langue et pourrait s’étouffer. Passer de la pommade, matin et soir, fait sa petite sensation. Si l’individu ne mène toujours pas une vie sociale, c’est le signal d’une affection profonde. Et les Ratés s’en réjouissent. La consultation d’un génie diplômé est indispensable. Si le mal s’avère inefficace, persiste et s’étend, c’est à une clinique qu’il faudrait s’adresser, car un vaste débridement de la tumeur est recommandé. Il amènera la guérison, à la condition que tout le matériel de peinture soit brûlé. La plupart des artistes en sont bouleversés. Quand on leur parle d’intervention chirurgicale, ils poussent aussi de hauts cris. Et si rien n’y fait, conduisez l’artiste dans un asile d’aliénés. Le Rat’art tente d’y imposer ses convictions. Avec un appareil inventé par le Dr Casimir Aku­leux, on mesurera la pression du sang dans les artères. Si elle dépasse le chiffre 20 de son cadran, il saura quoi faire. Ce sera pour lui un mal sans gravité, demandant un séjour de sept années, le temps nécessaire pour que la science fasse des progrès. Le Rat’art est bien fâché de ne pouvoir affranchir le monde des arts de cette tueuse. De tout cela, il en résulte que les psychiatres verront les internements d’artistes augmenter et que, de ce côté, un monde sans art se portera mieux. À bon entendeur... sus à l’art !



> Leitmotive du Raté

À l’adresse des transfuges

Le Raté l’est subjectivement. Il tourne toute marmelade cérébrale en altercations. Il mène un combat désespéré : des troncs d’arbres, il en fait des allumettes ; autrement dit, il perd son temps à des broutilles. Il a des rats dans la tête. C’est un velléitaire plein de bizarreries. Le Raté ne redoute pas un conflit d’idées avec un ermite, un réactionnaire ou un petit-bourgeois s’il se coiffe d’une perruque verte ou violette. Le Raté autoproclamé se met en contradiction avec les principes grégaires, en ayant le souci du contraste des idées, par jeu, rivalité et hardiesse. C’est un vérolé de la tête : un intellectuel non récupérable. Les crises économiques donnent au Raté des diarrhées. C’est l’antihéros moderne par excellence. Non un monstre sadien, plutôt un kafkaïen.(24) Son tempérament est aussi peu glorieux que possible, antihomérique. Par la feinte, il prend à contre-pied les idées reçues d’artistes convenus. Le Raté est triplement critique quand il publie un démenti cinglant. Le flux des mots où se noie sa pensée n’est plus le monopole des fous. Le Raté tente de faire sortir l’artiste du chaos mélodramatique et l’esthète de sa promiscuité avec le marasme du marché. Il fait une littérature incurablement dépressive. (106) Il surprend par sa pensée complexe qui soutient des paradoxes spécieux. Sa singularité est accordée d’ordinaire à l’immaturité de la jeunesse, à l’originalité créatrice. Il est si sincère qu’il en devient énigmatique et cocasse. Mis à part le karaté raté, il n’y a aucun débouché respectable dans le ratage.


> K, la rature

Qui n’a rien raté dans sa vie n’a rien vécu. Il faut bien qu’un Raté le rappelle de temps en temps. L’ennui est d’abord d’être privé de « K ». K n’est pas une œuvre d’art, mais une rature. Dire que K existe, sans dire ce qu’il est, équivaut à ne rien dire. Face à cette rature, on ne doit pas rêver, mais s’attacher à en percer la signification.

Si le Raté lui vend son âme, c’est que le Rat’art n’en est pas toujours acquéreur.
Le Raté roule pour le ratage quand il proclame un mépris rageur pour les valeurs en place. Quelle est cette chose joliment turlupine qu’il appelle K ? S’il y a deux substantifs que l’on redoute, c’est « culture » et « art ». K s’offre à nos regards avec du coton dans les oreilles. Et si K était idiot ?
Qu’est-ce qui nous fait peindre des K ? Pourquoi le mettre au clair par écrit, le jouer en fanfare ou l’époumoner ? Attendez qu’on s’explique ! K, le carabiné, le balèze, c’est le K des idées. Et il en fourmille. Un phraseur, réfractaire à tout, est pléthorique quand il s’exprime en son nom. K est-il le rêve des artistes ? Ce serait trop beau. L’art est-il le rêve de K ? Ce serait abominable. Il tombe sous le sens que toute rature est une solution, mais attention, elle doit nous rendre libres et quittes d’elle.
K ne signifie rien, ne supporte aucune définition, c’est une solution qui multiplie les problèmes en feignant de les résoudre. Quand on vous parle de ratage avec solennité, avant tout riez, riez ! K n’aime pas beaucoup qu’on l’entretienne d’art ; vite il se réfugie dans d’habiles digressions. Une autre nouveauté déjà l’amuse. Le ratage est pour lui le meilleur subterfuge pour se disculper. Il agit comme un défaiseur de sens ; ce qui le garantit contre les idées fixes.
K ne doit pas rester un secret qu’on transmet comme un message entre conspirateurs. Les ragots sur lui vont bon train. « Ne comporte-il pas un accent circonflexe ? », ou bien « Au mot « Rat’art », ne doit-on pas remplacer l’apostrophe par un point-virgule ? » Jolie trouvaille !
K produit le cri dans lequel il s’écoute. C’est une maladie de la formule, un ouï-dire qui, peu à peu, se donne une certaine véracité.
Pour avoir une idée juste d’une rature, il ne suffit plus de prendre la signification opposée à celle qu’on donne à une œuvre d’art. Il faut libérer la langue, les mentalités, les matériaux et les formes d’expression plastique et littéraire.
Un Raté a trop tendance à se satisfaire de sa déplorable renommée. D’où son faible pour le chaos. Désormais, dans le destin de tout Raté, il y aura un K à l’affût.
Au commencement, K n’eut pas l’intuition froudroyante qu’il serait K. Au Kazakhs­tan, il fut ainsi surnommé, à l’heure du thé, juste avant la publication du manifeste « Knnibale ».
Si le Rat’art n’existait pas, un autre simple d’esprit l’aurait inventé. Nous n’avons pas déposer son brevet ; de sorte que le premier pillard peut en faire autant. Que les Ratés soient instruits qu’ils ont des plagiaires, c’est un bruit que les petits démiurges font courir.
Ce serait du temps perdu si les critiques d’art s’épuisaient à chercher une définition de K. Un ratage ne se résout pas comme un problème de géométrie euclidienne. D’autant qu’il se veut polémique, embobelineur et incisif.
Serait-ce à tort que l’on considère K comme un k ? Le décrire consiste à faire des boucles sur une calvitie. Quand vous lirez « K », il faut comprendre « K ». Une autre interpétation, prise à repousse-poil, serait erronée. Une rature est une valeur absolue, hors toute référence.
Les Ratés débitent des inepties sur K avec persuasion. Il n’y a que l’inutilité de cette première rature qui empêche le Raté d’en réaliser une seconde.
Les piafs, disent-ils, gazouillent K, les éléphants le barrissent, l’Himalaya le résonne, les océans lui jettent des œillades, quant aux pinces à linge, elles se tordent de rire. Tout ce qu’on ignore d’une rature, il faut s’empresser de le dire. Et ce qui se dira, pourra ainsi durer.
Un Raté a découvert que K est kaki, surtout pour des raisons technologiques, car il vivrait dans une nuée sirupeuse de la pensée qui sent la tuyauterie au kérosène. N’en croyez rien ! Mais c’est sans doute vrai.
K a de bien qu’on peut l’entériner sans le comprendre. Comme les dents de sagesse, K ne sert à rien ; c’est notre pourboire aux dentistes qui sont peintres le dimanche.
Le Rat’art nie tout. Vive rien !, puisque c’est la seule chose qui existe ! K fut notre première pensée, la déraison fut la seconde, l’artiste la dernière. Agir ou ne pas agir par le ratage sont deux positions idéologiques. Il vaut mieux rester dans l’inconfort de la question.
Une rature donne la gale, mais donne aussi les ongles pour la gratter. Cela paraît l’œuvre d’un anachronique qui en a abandonné l’exécution à un Raté  fossilisé. K est dû à une succession de concepts qui dérivent en mutations rusées de la métaphore.
Puisque le milieu artistique n’est pas impartial, le Rat’art fignole un projet mégalomane. Le destin du Raté s’épuise à l’idée de K. Il n’arrive qu’attiré par le souvenir d’une visite parmi les imaginations. Plût aux marchands d’art que K ne fût jamais né !
L’art est aujourd’hui condamné au musée, de sorte qu’il fallut le réinventer, en faire de la contre-culture. K a un grand lit ; et il compte recevoir. Il a l’air d’un grand fauve à qui la liberté a soudainement été rendue. Nombre d’artistes, turbineurs du beau, aimeraient l’évincer, le subroger par un sordide décorum bourgeois, coqueluche des galeries, chouchou des friqués, providence des médias, un vrai rêve de publicitaire. Et voilà qu’à la suite de ces gens carriéristes, de leurs travaux éminents qu’on a définitivement enterrés, apparaît K.
Qu’est-ce donc ? La question ne serait qu’anecdotique si K ne posait, de manière iconoclaste, la question du rapport de l’argent avec la création. En somme, vive la gratuité !
Juste retour des choses, le Rat’art, sans Ratés, est pour soi peu de chose. Il s’est im­posé l’art pour châtiment.
N’ayant pu faire de nous des humbles, l’art a fait de nous des humiliés. Mais nous sommes Ratés, sinon de naissance, du moins en esprit. K a été conçu et affabulé d’uncohérence pour que les artistes ne puissent rien comprendre à l’art.
Il fallait qu’on ait de biens violentes coliques de cerveau le jour où l’on fit nos nécessités d’un pareil K. Et dans la crainte d’attirer les regards, K se précipite dans la nullité pour échapper au danger d’être pris avec sériosité.
K est une pathologie dont le sommeil nous soulage toutes les seize heures ; c’est un palliatif. Il exige de nous l’incongru. Si le Raté avait voulu que son art soit esthétique, il se serait arrangé pour que les conditions de son désir le demeurent.
Mais voilà, avec le Rat’art, tout est permis. K signifie qu’il n’y a rien d’impossible. Les névrosés talentueux le démontrent à chaque instant. S’ils le désiraient, les musiciens accoucheraient leurs ratures par les oreilles. K est absolument cette chose qu’un Raté est dans ses meilleurs moments. Le Rat’art prône que K est tonique pour la glande pinéale. « L’art, c’est l’ouvre boîte de K ».
Le Raté en arrive à singer des catastrophes pour se rendre intéressant. Quand un Raté fait des ricochets, les cailloux ont l’air d’obéir à un ressort qu’ils auraient avalé.
À ne connaître K qu’à moitié, on ne le connaît pas. Ne le connaître qu’aux trois quarts, on ne le sait pas. Ces réflexions suffisent pour apprécier tous les discours qui se tiennent sur lui. Il est à l’usage de ceux qui se voient comme quantité négligeable. 
Le raté qui ne croit plus à l’art écrit des turlupinades par des ratures qui n’ont jamais existées. Cela fait partie du galimatias culturel. Il suffit d’être très fort à ce jeu : on finit par décrocher son fauteuil académique où l’on demeure tranquillement à se gratouiller comme un chimpanzé.
K est une chose informe à parois indéfiniment extensibles, qui contient ce qu’il plaît à chacun d’y mettre. Il est fourré des sornettes apprises depuis l’enfance. Ces automatismes sont donc revisités. K est une lettre valise truculente. On y range des choses des plus antinomiques. Non sans une ironie un peu bravache, c’est de l’anti-art.
K paraît plus bataillonnaire qu’un tournevis et un rideau de douche réunis. C’est un névrosé de bonne composition. Il demande un génie particulier qui ne s’accommode pas trop avec le bon sens. Nous avons le vif sentiment que si les critiques parlent de lui, ce n’est pas sans une intense rigolade.
Le Raté ne s’accorde pas avec les règles qui se piquent de purisme. On se condamne déjà à de beaux barbarismes. À voir une rature comme une quelconque croûte, on renonce d’emblée à entendre la part de souffrance qu’elle charrie secrètement. K passe du rire aux larmes sans motifs et se réinvente sans cesse pour le tourment des abstracteurs de quintessence qui prétendent tout lui apprendre.
Entre K et l’art, tout n’avait pas si mal commencé. Pourtant ces deux-là ont autant de points communs qu’un activiste underground et un patron de multinationale. On n’en finirait pas d’épiloguer sur leurs démonstrations lénifiantes destinées à prouver leur estime réciproque. Il n’en est rien. K n’exige pas que nous fléchissions le genou devant lui. Avec dix fois plus d’intuition que ses pareils, il a vite fait le diagnostic qui réitère la mort de l’art.
Il y a à parier que le Rat’art est plein de gaucherie, une bévue qui ne peut convenir au plus grand nombre.
K synthétise le Raté lui-même, dans sa subjectivité sans bornes et absolument libre. Il aurait pu se nommer autrement, mais le Rat’art se situe dans le prolongement de Dada. Il est un autre édifice, bâti sur les décombres du premier. Alors K est né avec un sourire jusqu’aux oreilles.
Où pensez-vous le trouver ailleurs qu’entre les bras de sa mère qui est la Sainte Vierge barbue ? K s’efforce de faire sortir du fond de lui-même le son qui le rendra au cri dont il a été tiré. Tout serait plus simple si on acceptait d’emblée lesrebelles. K n’est rien moins qu’un aphrodisiaque subventionné pour mettre au monde plus de bébés poètes que d’habitude.
K a fuit les dictionnaires. Il risque de se voir emprisonné dans des in-folio, sans pouvoir sortir des bibliothèques où il ne serait plus qu’objet d’érudition.
De quelle imagination est-il né ? À quoi ressemblent ses parents biologiques ? Voici le moment où devrait défiler le générique. Ce souci d’épingler notre état civil nous semble profondément puéril. Vous devrez ravaler vos interrogations ; ça irrite dans le meilleur des cas. Face au rouleau compresseur des normes artistiques, nous n’avons pas l’intention de nous dévoiler, d’éclaircir cette énigme. Nous n’avons nul besoin de pontifier en public. Ainsi K ne prendra pas une ride, échappera à ce putain d’art-business et aux dicktas de la culture.
K veut rester un mystère, y compris pour ses auteurs. On accumule déjà sur eux quantité de bêtises : « Ils cherchent à passer inaperçus comme les passeurs de drogue ! » La question n’est pas de savoir qui est l’assassin, mais plutôt quel est son mobile.
Même un ténor du barreau en revendiquera la paternité. Celui qui se la découvrira  tardivement sera le prétendant le moins crédible.
Dans l’art, le ratage se promène incognito. Attendons pour le nier qu’on ait prouvé qu’il n’existe pas ! Tout ce qui n’est pas raté sera compté pour rien. Avec le Rat’art, le Raté s’est donné du superflu. S’il n’y a pas de K chez vous, il faut tâcher de mériter qu’il y en ait.
Les critiques d’art, ou bien le nient, ou bien le prouvent : ce qui revient au même. Au lieu de chercher d’abord à le voir, ils commencent par le concevoir. L’idée de K étant bien difficile à définir, elle leur paraît difficile à combattre.
K est une conséquence aux questions restées sans réponse. Il ne peut donner de réponses à toutes les questions, mais il peut faire des questions avec toutes les réponses.
Le Rat’art, naguère moins vivant qu’on ne l’a cru, est aujourd’hui moins mort qu’on ne le dit. Ce que révolution veut, K le veut. Il n’inspire pas les cornichons spirituels. S’il y avait un seul artiste libre, il n’y aurait pas K.
Il s’agit d’entraîner les artistes à réinventer l’art, perpétuellement. Mais le Rat’art ne nous récompensera en rien de prendre des risques en son nom. Voilà la cause de la méfiance actuelle à son égard.
La légende qui fut entretenue, racontant que K aurait été trouvé sur une étiquette arabo-gaélique d’aliments pour kangourous, a le mérite d’inscrire K dans le langage, et hors de celui-ci, en permettant d’emblée de le situer dans une dimension internationale puisque cette lettre existe dans de nombreuses langues. À la différence d’autres mouvements, le nom de K se démarque de ceux en « isme » par sa polysémie.
Le Rat’art est en réalité une zone sinusoïdale et intemporelle, c’est-à-dire ouverte, s’opposant à l’ignorance. Le Rat’art est polyartistique, multimédia, pluridisciplinaire et transgénérique. Au Raté d’exploiter cette situation. Est-il égal au Rat’art d’inspirer un génie ou un crétin ? Toute interprétation récupératrice de K, autre que la sienne, est déjà une trahison, mais il arrive que les petites trahisons génèrent de grands quiproquos. Et là, le Raté jubile !
K conteste ouvertement toute autorité artistique autre que les choix stratégiques à géométrie variable. K a viré les marchands d’art comme on vire n’importe qui pour lui substituer des transfurges. K est un sacré fouteur de merde.
Si l’on ne pouvait jouer avec K, ce serait la chose la plus énorme qu’on eût jamais faite. Si le fusible de l’art a fait long feu, c’est que les Ratés avaient prévu de s’en débarrasser.
Sa naissance est un paradoxe : on le nomme pour le faire exister, mais aucun manifeste ne montre K avec une volonté de s’afficher comme un mouvement. D’autant que les Ratés déclarent volontiers que le Rat’art comporte trois millions de présidents, ce qui est évidemment vrai, puisqu’ils ont été pris au petit bonheur dans le fichier d’un asile.
Voilà l’occasion d’envoyer un signal fort à l’art actuel. Nombre de critiques évoquent l’idée de mettre un point final à son invraisemblable destin. En bref, il était urgent que les Ratés reprennent la main. Ils l’ont fait en coupant une grosse tête, celle des marchands d’art. Ce n’est pas les voir soumettre le Rat’art qui importe, mais la raison qui les y pousse.
Le Rat’art bouscule toujours les meilleures justifications d’agir.
L’intention de K n’est pas de fonder une nouvelle école. Il ne renvoit pas à une esthétique particulière, mais à un état d’esprit. Une rature n’a aucune des qualités intrinsèques que l’on suppose d’une œuvre d’art.
K, qu’est-ce dont, dis donc ? Question faite aux bébés et à laquelle les critiques ont bien de la peine à répondre. Quiconque, en art, prétend s’ériger en juge s’expose à périr sous les éclats de rire. Le non-savoir est le fondement de tout. Le non-savoir est la gigantesque méprise qui sert de base à toutes nos certitudes.
K se médite avant de devenir écho dans l’oreille. Surgit une phonétique qui a la volonté d’être hurlée. Par une rature, le Raté n’est plus astreint à représenter quelque chose au préalable. Ne connaîtrions-nous K que par une sensation de man­que ? Il correspond en fait au zéro des mathématiques, sans valeur en lui-même, mais indis­pensable à la numération.
Il a plus d’imagination que n’en portent nos rêves. K est grand et l’idiot est son prophète. Les Ratés, quand on leur fait guili-guili, croient à la publicité.
La grande prouesse du Rat’art est de durer sans jamais cesser d’être ridicule. Ne lui cherchez pas d’autre nom, il s’appelle K. Aux promeneurs d’entre les mots, il reste K. Cettre seule suffit. Supprimez tout l’appareil des autres lettres, et vous verrez sa vérité qui tue le temps la bouche ouverte. Lorsque, par fantaisie, il peut se tirer des griffes de l’art, l’artiste devient Raté. Mais s’il y a un K pour les artistes, pourquoi le reste de l’humanité en est-il privé ?
K, c’est une lettre à tatouer sur bon nombre de dos. Nos œuvrettes, nos arrières-pensées sont K. L’extension logique de l’égo est K. C’est une marque non commercialisable. Depuis Adam, le premier anti-héros, être Raté est le propre de l’homme. K est une invention, pas une abréviation ; un terme générique qui se situe en dehors de toute appropriation politique.
Le Rat’art est réfractaire aux autres lettres. D’ailleurs, le plus acceptable des alphabets ne reconnaît pas le K comme une simple lettre. K  fait tomber de la neige comme s’il plumait des angelots.
Le Raté fait de la vérité une impossibilité. Il y a trois choses vraies : la sottise, le rire et K. Puisque les deux premières ne dépassent pas notre entendement, nous devons nous arranger au mieux avec la troisième.
K donne le ton, un mélange brouillon, jouissif, du pur jus de cerveau, jamais hors service quand il s’agit de sortir de ses gonds. Le genre décalé où le fiasco fait office de normalité. Où l’artiste voit finir son pouvoir, K commence. Il commence par une dissidence.
Ne comprend vraiment le concept de K que l’artiste seul qui, s’il écoutait son instinct le plus profond, pousserait un « au secours ! » si dévastateur, qu’aucun n’y survivrait. L’avenir ne retiendra de K que l’image de frasques et de débordements. L’indigestion a été inventée par lui pour philosopher avec les estomacs.
Une rature veut être moulue sous les dents des sots. Pas d’inquiétude, nous allons le difffuser en morse depuis une station orbitale dans une pléthore d’effets pyrotechniques. Quand le Raté aura fini de mettre du désordre et qu’il aura beaucoup désacralisé, de cet instant dateront des jours et des nuits prélablement confondus en une sorte de magma gris sale assez difficile à coloriser.
Nous rassurerons les logovores : dans le jaune du K, il n’y a pas d’arôme synthétique de citron. En définitive, K est semblable à du chewing-gum, plus on essaie de s’en débarrasser, plus ça colle !
K  associe des idées qui en art ne se connaissaient pas jusqu’alors. Il n’est pas sur des voies cérébrales étroites.
Tout a commencé avec K, né sous X. Pourquoi pas X alors ? Parce qu’on bafouillerait comme avec un morceau de laitue entre les dents. L’amour seul est classé X. Alors que K trouve sa pleine dimension dans un art atypique qui met le doigt là où ça fait mal.
Nous voudrions parler du Rat’art la bouche pleine. Si l’art est sujet au vagabondage, K l’est au dévergondage. La montée en charge du K est non sans casse. Le mot « tigre » ne mord pas. Le sigle « K » non plus. .
Qui veut se venger, qu’il en charge K. Il a disposé de nous jusqu’à l’absurde. Il est comme un mirage qui existe, mais pas de la manière dont il paraît exister. Il nous a maintenu vivants dans un vide de négation, de reniements acharnés, il a détruit en nous jusqu’aux moindres poussées de la vie pensante.
K est le placard fourre-tout de théories très controversées. Pour l’art officiel, c’est l’opposition illégitime. Il s’est endetté par les dommages qu’il doit à une société dévastatrice. Question : les artistes péteurs de plombs ont-ils quelque chose à dire ? Oui, K est par nature pluraliste, violet et transversal. Sur un seul point, la puissance du Raté est en défaut : il ne peut faire que ce qui est arrivé en art ne soit pas arrivé.
Anonyme, vindicatif, irrespectueux, K a surgi d’un monde dont le conformisme ignore à peu près tout. Ou plutôt d’un univers artistique dont nous pensions tout savoir. L’art croyait s’être débarrassé de l’art. C’était même le fond de son propos. Là, où nous n’imaginions que de la jouissance, existait des revendications radicales. Avec K, nous entrevoyons l’envers d’un monde enchanté. Quant à l’establishment, il a découvert la question politique, quasi anarchisante, celle justement dont il se croyait à jamais protégé. Ce n’est plus un secret connu de la seule France d’en haut que K détient le monopole de la nocivité. K est aujourd’hui un fait avéré, c’est un mal qu’il leur faut combattre.
Concocté par une tripotée d’intègres aux groins hypersensibles, K est un produit de la dérision, une forme de rébellion. Ce n’est pas de la camelote, même si cela ressemble à un décor de carton pâte. K est nettement moins rébarbatif que son graphisme ne le laisse penser. K est féminin et pluriel si ça vous chante. Il va du remède contre l’accès de neurasthénie au mètre carré d’un détenu. Il n’est pas trop tard pour y voir autre chose : l’art de gérer les crises ou un chassés-croisés entre virtuel et réalité.
Si vous ne comprenez rien à l’art, nous ne disons pas qu’il soit impossible que nous y comprenions quelque chose. Le Raté vous force à la révolte. Les peintres, décorateurs d’appartements, sont pour lui des chiards qui font pipi dans leurs couches. Il y a, on ne peut le nier, des K dont on ne peut comprendre comment ils ont été peints ou sonorisés : ils semblent comme des cariatides dans un entresol.
K, serait-ce la localisation du gène de l’humour rance ? Un placebo ? Ou davantage un lapsus révélateur ? Pourquoi le destiner aux seuls gangs d’activistes arnachistes ? K donne au raté l’occasion de faire son trou. Bref, on est toujours le K de quelqu’un au potentiel de séduction zéro.
Nous autres, Ratés, sommes conscients de notre incapacité à dire quoi que ce soit à propos de ce qu’il est convenu de désigner par le logo K. Les artistes ne se reconnaissent en K que pour posséder un espace où ils puissent étendre leur individualité bornée et pitoyable.
K n’est qu’un logo pour untel. Un verbe à conjuguer pour untel 2. Un yoyo ou un pare soleil, c’est selon. Rien n’est aussi trompeur : comme s’il y avait plus de K dans toutes les galaxies que toute autre chose. K n’est pas en arrière de nous ; mais ce n’est jamais le slow guimauve des artistes pour appart bourge. On ne se tire pas dessus pour s’assurer la suprématie dans le milieu.
Cette France, qu’on avait imaginée rayonnante sur le plan artistique, est tombée ; il faut bien admettre cette vérité toute bête. Pire encore, elle est tombée sans combattre. Une certaine maladie de langueur, mieux connue sous le nom de « déclin », l’a achevée. Le milieu élitiste de l’art se presse autour du convoi funéraire.
La plus grande connerie qui ait jamais été faite - il y en a qui disent que c’est K. Ne nous frappons pas, le Rat’art a sagement agi en se plaçant au-dessus de l’esthétique. L’art, c’est trop peu ; K, c’est bien trop. Il ne faut pas croire ce qu’on dit de K si on ne le pense pas comme nous le pensons. K se dit en lui-même : « Suis-je moi, ou ce qui m’est objecté ? ».
Utilisées à-tout-va, ses définitions se vomissent toutes seules. La parade toute trouvée lorsqu’on ne sait plus quoi créer pour saborder l’art. C’est en plein tintamarre qu’il faut prêter l’oreille aux chuchotements du Rat’art. À partir de son K, on connaît l’artiste, et inversement. Ce n’est point l’art qu’il s’agit de remplacer, c’est sa place même qui ne se trouve plus.
Le Rat’art déborde de promesses inutiles et organise des séances de rattrapage. À priori, il se garde de tout enrôlement pharmaceutique. Il se garde de nous satisfaire par un régime de médiocrité, parce que c’est la médiocrité, plutôt que la nullité flagrante, qui exerce une influence sur la majorité. Il y a une élite dont il ne faut pas dire qu’ils  s'alarment du Rat’art, mais bien qu’ils en ont peur. K sourit à nos gros mots, car le Raté en lâche bien de plus gros par temps d’orage.
Peut-être est-on fondé à reprocher à K d’avoir fait les artistes des ratés, mais il faut le louer d’avoir placé en contrepoids à leur fiasco l’extraordinaire idiotie qui, elle, heureusement, ne fait aucun doute. Gloire à K qui a voulu, pour des raisons que nous ignorons, que l’idiotie conduise l’art ! Tout sentiment pieux envers K est un sentiment servile et quiconque s’agenouille devant lui n’est bon qu’à se prosterner comme devant un roi.
Le ratage consiste à nous faire oublier qu’il emploie le côté subversif des mots. K accouche d’un monde qui est libre et ressemble à un satellite lancé dans les espaces intersidéraux et qui, à un moment donné, échappe à la tour de contrôle.
Quand vous croirez très sincèrement avoir des idées sur l’art, ces prétendues idées ne seront que de pseudo-idées. Les artistes qui n’éprouvent pas le désir de s’amender sont les plus malheureux, car ils deviennent avides et voraces, et quoi qu’ils ingurgitent, il ne peuvent pas se rassasier.
Reste à canaliser notre euphorie. Qui s’obstine à mordre K ne réussit qu’à se briser les dents. L’artiste est Raté avant tout par son attitude, son état d’esprit. Il ne jubile que quand ça cafouille un peu partout. Sa façon de s’engager,ne le fait pas se prendre pour un justicier de la noirceur obsessionnelle.
Il ne s’agit pas de se demander ce que représente ce concept, non, il faut se demander quelle est sa place dans un ensemble d’autres concepts.
Oyez, de K, privez-m’en et je mords ! Pus d’une fois, nous avons songé à dynamiter les musées jusqu’à la moindre croûte qui n’aurait pas été réduite en poudre.
Les doigts de K se fourrent partout. Savez-vous que K est un caillou ? Mais que nous le soulevions, et il se trouve toujours un autre K dessous.
L’art nous flique avec sa vidéosurveillance. Alors que K apparaît sur les paquets de SKip, dans la morve au creux d’un Kleenex, dans les croquettes FrisKies pour chats. Nous pourrions vous en tartiner des pages. Un effet coupe-faim garantit qui devrait stopper net toutes velléités artistiques.
On dirait une mauvaise farce à petit budget ou de l’autocélébration forcenée. Dans un monde aussi incohérent, le Rat’art ne serait pas une chose plus folle que son absence. Encore que l’on présuppose que le raté ne soit pas facile à contenter. Avec une campagne de presse bien menée, au bout d’une semaine, les Ratés croiraient aux possibilités indémodables de K. Qu’il y ait, là-dessous, de l’art ou rien, n’est pas de notre fait, car ce rien ou ce quelque chose font partie de la manière dont la question est posée. Reste, puisqu’elle est ainsi posée, à ne pas la poser.
K en dit long. Sa forme ? La pièce d’un puzzle, ou, vu son graphisme, celle d’un idiot qui inflige à l’art des KO expéditifs. Sous le cambouis, il libère des culpabilités ; un leurre pour l’artiste-requin-poubelle qui gobe tout ce qui se présente à ses mâchoires. L’insensé c’est que K puisse capoter !
Fini les allusions quasi obligées à l’histoire de l’art. On ne peut pas réfléchir sur K sans être frappé par un sentiment de comique si profond qu’on ne serait pas excusable de ne pas s’en apercevoir. L’idée que nous nous faisons de la présence du Rat’art dans le monde de l’art, c’est une idée joyeuse.
L’artiste flotte pour ne pas couler, il n’en finit pas de se mouvoir pour ne pas som­brer dans les grands fonds. Le Raté, qui s’amuserait, ne serait-il pas aussi cruellement innocent qu’un enfant qui, sachant que le hanneton va mourir, lui arrache d’abord les ailes, puis les pattes, puis la tête ?
Le Raté soigne sa mauvaise conscience en se mêlant de tout, même s’il ne fait pas le poids devant les modes proprement ridicules et les comportements débiles. K décerne un coup de pied au cul à celui qui doit recevoir un coup de pied au cul.
Toutes sirènes hurlantes, c’est K qu’on assassine !
Mais sentez-vous libre de décrocher quand vous voulez ! Le Raté n’est pas en quête d’authenticité ; il ne cherche pas des causes importantes susceptibles de conférer du sens à sa marque. K, c’est de l’art underground qui ne grimpe pas, à tel point que vous ne miserez plus vos économies sur tout ce qui bouge. L’heure est venue de vous ensorceler en continu, de vous logotomiser.
K est une supermarque qui ne vend rien, nada, aucun gadget ni marchandise. Ne cherchez pas de contrat d’exclusivité avec une firme de trucs jetables. K n’est ni même la part secondaire de notre activité, non, y a rien à vendre. Cependant c’est l’achat le plus rentable que vous puissiez faire. Le Rat’art s’est débarrassé de l’univers de l’objet d’art, des galeries-boutiques, des livres d’or sur présentoirs et des emballages cadeaux. Le Raté se contente seulement de diffuser l’image de K : l’appropriation d’une lettre devenue label, un slogan, une langue internationale, un concept, c’est de l’art. Ça s’appelle remuer le couteau dans la plaie.
Un bon conseil : assignez-lui une valeur abstraite, suffisamment élastique, non quantifiable. Nous, artistes boulimiques y avons trouvé notre credo, avec une constante : être subversifs sans en avoir l’air. Par exemple, l’œuvre d’un Y ou d’un Z paraît toujours d’une banalité désespérante.
N’importe quelle chose peut servir de K quand il manque. Fabriquez une moustache, un tableau, et collez-y la marque K. C’est libre de droit, c’est de l’anti-copyright, nous sommes tous copropriétaires de K. Vous aurez une signature d’artiste, un badge, un autocollant, un tatouage, vous ferez office d’encart publicitaire : homme-sandwich à toute heure. Faites de ce concept un virus. Tout message subliminal douteux n’est pas fortuit.
Le crayon de K lui-même n’est pas sans gomme. Quand un Raté efface une œuvre, c’est qu’il s’apprête à raturer. En masquant le sigle de n’importe quel produit par un K, vous mangerez du beurre K, votre taxi sera un K sur roues, vous masserez vos orteils meurtris avec une pommade K.
Il y a pénurie d’artistes, tout se presse vers le joliment décoratif. Le véritable connaisseur, c’est quelqu’un qui parcourt des milliers de kilomètres pour se faire photographier devant un K.
On le trouvera là où on s’y attend le moins, sur les banderoles de n’importe quelle manifestation, projeté dans un ciel nocturne, sur des fringues moulantes, dans un coin de paysage vierge de marketing, ou encore sur les panneaux d’autoroute une fois détournés. Le ver, sous la motte de gazon, se lève pour rendre hommage à K.
Toutes les conceptions de K : celles du maladroit ou du réactionnaire, en cuirasse ou en string, puis les négations basées sur la logique, toute la puérilité des principes, la violence féroce des faiseurs d’hypothèses, prouvent que le Rat’art a été jeté dans la société uniquement pour enquiquiner le monde et pour passer le temps.
Engagez la conversation en parlant de K comme d’un truc grand public qui vient de sortir. Il suffit d’utiliser un certain nombre de mots-clés et d’y glisser le terme K, par-ci, par-là. K est la  perspicacité réduite en théorie. Retournez le col de votre chemise, des fois que sur l’étiquette il ne s’y cache.
Plus contagieux que le choléra, K se communique en un clin d’œil. Sa tactique de contagion intrigue. Il ne connaît qu’un cas d’amour total : celui qu’il se porte à lui-même. Faites-le graver sur votre pierre tombale.
Un passant, laissez-le seulement parler : au bout de dix secondes, il vous demandera K. Untel ressemblera trait pour trait à Monsieur K, à tel point que vous l’aurez pris en filature croyant le reconnaître. Raison de plus pour devenir un champion K toutes catégories. Revendiquons sa libre expression, pour ses valeurs, en rebaptisant les rues, ou en coupant le son de votre téléviseur. Ne regardez que la publicité tout en débitant des slogans K tour à tour hurlés ou zozotés : « Les nudistes, sans K là où il faut, n’auront plus qu’à aller se rhabiller ! ».
Pourquoi se rendre à un enterrement si l’on oublie ses autocollants ? Fourrez-vous en plein les poches !
Il n’y a que la barbarie la plus sauvage, que la plus insigne bêtise, que l’ambition la plus aveugle qui crétinisent les Ratés. Eux-mêmes, à défaut de penser la modernité, s’acharnent à classer les idées en guise d’inventaire. En art, tout est rangé de A à Z : les œuvres, les artistes, les mouvements. Dans ce bilan, le Rat’art revendique des choix subjectifs, des partis pris et même des manques, inévitables.
K donne l’impression qu’il est déjà ce qu’il cherche à devenir. Il est un déclencheur d’autonomie, il n’offre pas de solution toute faite. Avec K les portiques de détection vous rendront invisibles.
K sponsorise tout. Plus on est dépossédé de K, plus on le cherche. Avec lui, vous n’aurez de cesse de rattraper le temps perdu, de multiplier courbettes et bassesses pour placer vos K un peu partout.
Sur l’affiche d’une exposition, K utilise l’imparfait du subjonctif : « Que vouliez-vous que je fisse de ma vie, sinon une K attitude ? » Il ne sera pas dommage de chercher à en faire un peu trop. Une affiche sans lieux ni dates, juste : « La Révolution K, défense aux artistes de faire œuvre en ce lieu ! »
L’idiotie est devenue le terrain de la reconquête de l’art par le Raté. Quelquefois, nous trouvons qu’il pousse un peu. Le Rat’art, c’est l’opium des gens lucides. La bêtise ne consiste pas à n’avoir pas d’idées, cela, c’est la bêtise bienheureuse des animaux. La bêtise artistique de K consiste à avoir beaucoup d’idées, mais des idées bêtes.
K verse de l’eau dans l’enfer artistique et met le feu au paradis des esthètes afin que les artistes cessent de courber l’échine devant les marchands dans l’espoir d’entrer dans la postérité. Quel poids, la présence de K, quand on ne la désire pas !
Virez parano pour de bon : une prise de K au réveil contre les tondeuses à gazon. La survivance de l’idée de K doit quelque chose à la mauvaise littérature. K est un monosyllabe commode, toujours bienvenu dans un alexandrin. Ce que les hommes ont nommé, ajoutez y un K. Tordez les crucifix en forme de K !
Le Raté voit tout, entend tout, confond tout. Il invente avec mille manières de délirer. Il se peut qu’il soit doué sans être savant, ou bien le contraire. Artistes capillaires, peignez des K avec vos cheveux. Ce qu’il y a de terrible, c’est qu’on ne sait jamais si ce n’est pas le coup d’un poète. L’ennui, quand on n’est pas des leurs, c’est que les gens pensent qu’on ne comprend rien à K.
Ayez l’impertinence de ricaner en provoquant du ressentiment par le gavage. Justifier K, c’est justifier une certaine conception qu’on a de lui et c’est, par conséquent, se justifier soi-même.
K sera la première lettre d’une série dont il faut revoir l’alphabet. K a mauvais goût : il aime à l’excès les dorures et la crotte, ses expositions sont des entassements de pâtisseries, ses artistes des déguisés de carnaval.
Débourrons les crânes ! K et la Sainte-Vierge sont des concubins notoires. Pourquoi n’ont-ils pas donné à leur merde une plus mauvaise odeur ? K est fait par des gens qui n’ont pas de talent, vendu par des escrocs et acheté par des ignares. Une autre méprise de l’art officiel est précidément de faire de K un mouvement anarchiste, et de prétendre s’en emparer par l’intelligence.
Le but d’un Knular est de satisfaire le Raté d’avoir berné un grand nombre de personnes. Les conséquences des Knulars sont multiples : l’engorgement des réseaux en provoquant une masse de données superflues ; la désinformation, ou faire admettre de faux concepts et véhiculer de fausses rumeurs ; l’encombrement des boîtes aux lettres électroniques ; la perte de temps, tant pour ceux qui lisent l’information que pour ceux qui la relayent ; la dégradation des valeurs ; à force de recevoir de fausses messages les usagers risquent de ne plus croire aux vrais.
Si un Raté vous parlait droit dans les yeux et disait : « Je vous recommande d’être révolté aussi longtemps que vous vivrez », que feriez-vous ? Certes, on ne parle pas de K à quelqu’un qui a les pieds froids !
L’art ? C’est un piquet autour duquel l’artiste tourne comme une chèvre enchaînée. L’explosion mentale n’a pas lieu. Dans cette volière, l’artiste est prisonnier. Et rien ne changera s’il est accro aux hallucinations collectives.
Le Rat’art lance des appels. Pourquoi supprimer tous les Ratés, puisqu’il est semblable à vous ; il ne sert à rien de détruire vos portraits ; il faudrait vous suicider au milieu des tombes.
Quand les artistes ne pourront accuser ni leurs marchands ni les musées, ils s’en prendront au Rat’art de leur mauvais sort. Si l’art subversif est entretenu par lui seul, le Raté demeurera un arriéré, un impulsif, un caractériel infantile. En somme, un dingue qu’on voudra reclure pour qu’il fiche la paix au gratin en faisant joujou sur son tas de sable.
Celui qui trouve la vie trop longue, qu’il se tourne vers un Raté, en qui toute inspiration a trouvé son positif ennui.
Est-ce facile de réaliser soi-même K le logo ? Ça l’est davantage qu’une ogive nucléaire. On naît, on meurt, c’est mieux si entre les deux on a utilisé K.
Y a-t-il un après K ? Sa disparition ne serait pas un événement culturel plus important que les autres. Ce serait le moment ultime d’une tragédie où se joue le sort de la modernité.
Soyons donc dans le gai désespoir et faisons en sorte qu’on s’en réjouisse !
Considérez que nous nous éloignons infiniment de ce que nous désirons. K est le dépotoir de tous les concepts mal définis. Autrefois, il lui fallait des tableaux blancs, mais en murissant il se contente des fumées d’un autodafé. Tandis que l’art est entré dans son quartier d’hiver, K veut qu’on l’y laisse respirer.
En hurlant à tue-tête, le Raté ne jouit pas sans rectifier un équilibre tordu. Ainsi va l’art ! Qu’importe si, par veulerie, le Rat’art continue à tenir le rugueux pour réel. Il nous parait monstrueux qu’un artiste ait besoin de l’idée de K pour se sentir d’aplomb ; qu’il soit forcé de consentir à des absurdités pour édifier quoi que ce soit de fort. Nous aimons mieux le raté qui blasphème que le sceptique qui ergote.
L’art est dans un cul-de-sac, et plus il l’ignore plus la production de néant s’accroît. Le Rat’art, ce Père Noël des artistes obscurs, s’offusquerait de ce qu’on le couvrît de louanges ridiculeusement exagérées. Il ne s’en relèverait pas.
Toute l’affaire K est dans le discours. Si l’on peut fixer son esprit sur lui, on s’imagine avoir une attitude artistique. Si l’on s’en distrait, n’en pouvant plus, le désespoir s’empare de nous, et l’on se croit perdus. On pensera alors que K s’intéresse aux courgettes et au squash, et on aurait bien raison.
Sans K c’est le néant, avec K c’est le néant suprême. En le supprimant, on créerait un art du dégoût et du désespoir. Et l’artiste se forgerait un nouveau maître, le plus tyrannique, le plus sordide qui soit : l’art des notables. Lorsqu’il s’agit de questions commerciales, certains artistes se rendent coupables de toutes les malhonnêtetés possibles.
Il faut avoir une âme de prêtre pour écrire contre le Rat’art. Une rature est la plus flagrante démonstration de la versalité du monde. Les critiques étirent la signification des mots jusqu’à ce que ceux-ci conservent à peine quelque chose de leur sens d’origine. Ils appelleront « rature » une vague abstraction, mais les voilà déjà dévots, et ils s’enorgueillissent d’avoir reconnu ce concept, bien que leur pensée ne soit plus qu’une ombre sans substance.
Longtemps on n’ouït rien. Le silence était bleu. Et le cri si rouge ! En inventant la fuite d’eau, K se fit rouge. Ses pensées sont des fêtes oubliées.
Regardons ce que fait K : il inspire des Ratés avec du néant battu en neige. Il peut bien attendre un siècle ses lecteurs, puisqu’il a attendu six mille ans ses phraseurs.
Il n’y a pas de mauvaises œuvres, mais quand on est un artiste, on fait semblant. Dans l’art, rien n’est mineur par définition.
Son cadavre bougerait encore, que K se sentirait très bien. Nous aimons celui qui rêve l’impossible. Quand un fou dit deux mots de bon sens et qu’on l’écoute, c’est que K n’est pas loin. Nous avons la spécialité de ne réussir que ce que nous n’entreprenons pas.
Et si vous voulez aborder une rature, ne vous préoccupez pas de résoudre des énigmes. Tout ce qui a été affirmé depuis les Grecs est faux. Nous pardonnerons à tout le monde, mais davantage aux faussaires.
La  fine fleur, s’imaginant qu’on puisse passer les Ratés sous silence, les persécuteront avec une vigueur sans égale : et ils aboliront K par décret. Mais dès que la révolution jettera sa gomme, K sera bizarrement rétabli ; alors naîtra un K romantique et pittoresque, accommodé par une sorte de meneur aux goûts de l’aristocratie triomphante. C’est pourquoi, quand nous raturons, il doit en résulter quelque chose assez voisin du fiasco. L’art, cet imposteur, nous le violons. K sera toujours parfaitement content et à son aise.
On se prépare un grand vocabulaire et, toute sa vie, devant un coucou suisse, on attend K.
Le Rat’art ou rien : à choisir, dur dilemme où chacun est terriblement libre. Si K est refoulé par la culture, il reviendra bientôt, même convulsif. Il pousse sans qu’on l’arrose. Toujours, il reviendra, déguisé sous un autre nom, ou sous celui que nous avons choisi, et il se fera aimer sans qu’on le sache. L’art dont on a assez n’est pas de l’art



>La Ratery


La Ratery est le repaire secret des artistes Ratés. (Ne pas confondre avec le château de la Raterie dans la Creuse). La Ratery est à la fois, une sorte d’abri anti-artistique, d’atelier où s’expérimente l’art du ratage et de « Quartier Général de Ceux qui Tran­chent de l’Art ». Devenus les bêtes noires des critiques d’art, les Ratés, en cas de danger, disparaissent par les égouts. Situation : bâtiment à localisation variable, quelque part en France et non à mi-chemin entre l’Argentine et l’Arizona comme l’a suggéré un cartographe. Problablement dans le Tarn, puisque le nom de ce département contient les lettres du mot « Art ». Coïncidence parlante : les Tarnais de souche occultent le « n » et prononcent « Tar ». Étymologie : « Rat » vient de l’allemand « Ratz », onomatopée née du bruit du rat qui grignote, et de « Rater » : manquer son coup. « Ry », vient de « ridere » : rire. Vocabulaire se rapprochant du substantif rat : razzia, rapt, racket, ravage, ratage… Concept : l’art du ratage est le concept artistique privilégié des artistes Ratés. Le Rat’art est leur mouvement : une parodie des mouvements artistiques. En numérologie, Rat’art donne zéro. Démonstration : R.A.T. : 9 + 1 + 2 = 12 + A.R.T. : 1 + 9 + 2 = 24 + ’ (apostrophe) : - 6 = 0. Les rats forment à la Ratery l’espèce animale dominante, on n’y trouve aucun autre quadrupède. Menaces : les artistes locaux briguent de dératiser la Ratery, de la raser et d’élever sur ses ruines un terrain de marelles pour les enfants. Accès : si l’on retient l’hypothèse tarnaise, une carte routière révèlera, grâce aux positions du T, du A et du R, trois localisations possibles de la Ratery. En choisissant le A central, aux alentours de Gaillac et selon un axe est-ouest, on atteindra à pied le bâtiment par un raccourci de seize kilomètres à peine praticable. Ne pas suivre les flèches peintes à la chaux : cet ancien accès est bloqué par des éboulis. Le parcours est clairement désigné si l’on déniche les « guetteurs », des bornes barriolées qui peuvent revêtir diverses formes. Changer ces jalons de place est un moyen de tromper tout le monde. Si l’on a le sentiment de s’éloigner de la Ratery, on ne comptera pas sur les autochtones qui conseillent de n’emporter aucun bien en dehors du strict nécessaire. La « Ratière », comme ils disent, est le centre de tous les commérages ; nous ignorons l’issue du conflit qui les lie avec ces artistes, mais on mesurera l’ampleur de ces ravages au nombre d’infirmes qui vous dévisagent avec des yeux de verre. Environnement : l’endroit est ceinturé par des taudis et un conglomérat de baraquements. Il est signalé que les pique-niques sont interdits sur les pelouses. Les Ratés n’entretiennent pas les alentours qui restent en friche, aussi leurs voisins n’éprouvent-ils aucune sympathie pour eux. L’enceinte extérieure offre un aspect assez banal et n’engage pas le tourisme artistique. Rabelais n’est pas loin : « Où mur il y a, devant et derrière, il y a force murmure, envie et conspiration mutuelle ». En collant l’oreille contre l’enceinte, on entend des éclats de rire et le son du fameux « Harmonicasthmatique ». L’enceinte : les travaux de percement des fenêtres débutèrent en 1980. Elles sont pour la plupart aveugles ou à peine assez grandes pour s’y engouffrer. Les vitres brisées n’ont jamais été remplacées. Inutile de prendre en compte les témoignages de ceux qui en sont revenus, car la porte d’entrée se trouverait en plusieurs endroits. Des bruits courent à propos d’une pierre logée dans l’enceinte. Elle est située dans un profil qui est suffisamment perceptible sur ce mur. Cette pierre déclencherait le mécanisme de la porte d’entrée. Une chose est sûre cependant, non loin de l’enseigne de la Ratery, une affiche donne cet avertissement : « Moins nous serons nombreux, mieux ça vaudra ! ». D’ailleurs, ils ferment certains jours sans explications. Origine : la Ratery occuperait l’ancien emplacement d’une société de dératisation. On ne sait rien de plus sur l’histoire du bâtiment jusqu’à ce que les Ratés l’élisent pour s’y fixer. Fondation : la Ratery fut fondée, soit disant, pour remonter le moral des artistes fatigués le lundi matin. On y rencontre surtout des contestataires qui se sont dressés contre les pratiques artistiques en usage en Occident : le mercantilisme, le vedettariat et l’élitisme. Les Ratés ont inventé l’anti-copyright, innovent par la gratuité en art et prônent l’anonymat car « il faut une sacrée personnalité, disent-ils, pour exister sans être vu ». Ils impriment des tracts remplis de coquilles, d’erreurs et de mensonges. La Ratery comporte plus de quarante boîtes aux lettres et devient de plus en plus renommée pour son cosmopolitisme. Zéro est le Journal de ces rats de bibliothèque. Il ne devrait plus tarder à paraître ; les raisons de ce retard sont éludées par les intéressés. Le seuil : pour le franchir, le visiteur doit connaître deux mots de passe : celui qui permet d’entrer et l’autre de sortir. Les laissez-passer sont examinés de près. Si les groupes scolaires n’ont qu’une priorité relative, les institutionnels de l’art n’en ont pas du tout. En essayant de résider intra-muros, ne fut-ce qu’une nuit, on risque d’essuyer leur mauvaise humeur. Ateliers : hormis le plancher de la Rat’artothèque qui est recouvert de peaux de rats, l’intérieur n’a jamais été décrit, pourtant les avis placardés sont en français et en anglais. Ils sont d’autant plus lisibles qu’une lumière naturelle est diffusée par des fentes pratiquées dans le toit. Il y a encore des travaux de raccordement d’eau inachevés. Un couloir, pourvu sur les côtés de trottoirs, de caniveaux et de feux bloqués au vert, a le sol zébré de passages cloutés. La signalisation routière se mélange aux passerelles qu’on emprunte pour passer d’un atelier à l’autre. Dans un râtelier sont ménagées des couchettes pour la sieste. Une armoire renferme des centaines d’objets et chacun porte une étiquette avec son nom. Le papier peint est le grand absent. Un ventilateur a été fabriqué à partir d’un rotor d’hélicoptère. Les ateliers rayonnent à partir d’une pièce centrale où se dresse sur ses pattes arrière un rat gris en papier mâché qui atteint une longueur de trois mètres. Il remplace la mascotte du Rat’art qui s’est enfuie de sa cage ; elle est recherchée avec, à la clef, une forte récompense : un rat dodu au poil noir et pelucheux, deux fois plus gros qu’un lièvre et qui, détestant la ligne droite, ne se déplace qu’en zigzags. Les Ratés : un vagabond est l’auteur du tag : tîalpiulli’uqectiafétarel, qu’il faut lire dans un miroir. Les Ratés ne s’habillent jamais de la même façon jusqu’à l’âge de trente ans. À partir de cet âge, ils sont libres de faire la même chose. La robe en fleurs fanées vaut le détour. Les habitués ne sont soumis à aucune limite d’âge, car il n’en ait pas parmi les escrocs, les prostituées, les paumés rabat-joie, la racaille, les brebis galeuses, les blagueurs, le menu fretin, les dandys bavards, les bidouilleurs, les guérilléros anti-pub, les mathématiciens moralistes, les proscrits scélérats, les médiums octogénaires, les exclus… et autres ratapoils. Seul, un mendiant consacre tout le samedi au marché pour être certain de se faire voir. Désinvolture : aux dires des mauvaises langues, aucun Raté ne se surmène, n’a d’ampoules aux mains ou ne se vante de gagner son pain à la sueur de son art. Quand un Raté commence à vieillir et que ses sommes sont de plus en plus fréquents, ses proches lui coupent les ongles qui, faute d’activité, ont tendance à pousser exagérément. Ils ne lui refusent pas leur at­ten­tion, sous prétexte qu’il n’est plus productif. Humour : le Raté est un zigoto qui utilise ses zigomatiques pour se passer lui-même à la moulinette. Bouche ouverte, yeux clos, nez retroussé, grinçant des dents et faisant claquer ses lèvres, il bat des mains en lançant des « ho, ho, ho ! ». Il rit de ce que craint son public en l’invitant à des combats ludiques. Son contrepoison est l’humour noir, il en pleure, il en bave, il en pisse de rire : « qui se marre sans plisser les yeux est un tricheur ! ». Organigramme : pour ceux qui sont repartis sans avoir vu rien ni personne, le pape du Rat’art change chaque semaine - c’est l’Architaré. Pour en être, il suffit de se dissimuler derrière le panneau papal et de glisser la tête par un trou. Sur le cliché qui sera pris automatiquement figure la date de cette prise de pouvoir. L’Hypocondriaque, lui, répond aux requêtes des journalistes, il est élu à vie. Visiteurs : à celui venu de loin qui préconiserait l’activisme, lui est offert un repas pantagruélique dont le dessert est un pudding à la passiflore. Si cela ne suffit pas à calmer son excitation, lui sera débité un long poème de ratorique où il est de règle de versifier pour ne rien dire. À la fin du repas, le rot ou le rut, mots voisins du mot « rat », sont tenus pour signes d’appréciation. Contacts : il est permis de poser des questions auxquelles le Raté de permanence répondra en ne terminant jamais ses phrases. Dans le parlé ratartien, plein de chuintements, un mot peut vouloir dire une chose et son contraire. Sa signification change aussi selon l’intonation. Leur forme de pensée est de ne jamais croire ce dont ils sont tout à fait sûrs. Le dialecte utilisé ressemble phonétiquement à du hollandais, en plus euphorique toutefois. Ratures : aucune des œuvres d’un Raté, ou ratures, n’est achetée ni vendue. Elles sont offertes, comme le Multipot. On trouvera le présentoir du Multipot sur la troisième étagère de la cinquième salle du corridor de l’aile gauche du bâtiment central. La Ratery est renommée pour son exportation gratuite de Multi­pots dans les pays voisins. Les plaintes des marchands d’art auprès de la Ratery, à cau­se de la gratuité de leurs œuvres, demeurent sans réponse. Le danger est si grand que les marchands restent sur le pied de guerre. Censurat : avant qu’elles ne puissent sortir, les ratures sont examinées par le Censurat qui condamne celles qui ne sont pas assez subversives, ludiques ou absurdes. En avançant à reculons, il leur attribue un prix très élevé quand elles sont trop joliesques. Ravages : il n’est jamais facile pour un galeriste de prendre la décision de se défaire d’un peintre qu’il a soutenu durant de longues années. Si le poulain décide de s’affranchir en devenant Raté, soit lui est offert de s’installer outre-atlantique, soit l’euthanasie lui est imposée par injection d’une overdose de barbituriques. La stratégie choisie est consternante : l’artiste s’endort et meurt paisiblement en quelques minutes. On laisse l’infirmière seule avec le Raté, sinon celui-ci pourrait ressentir la détresse du galeriste. Délibérations : chaque dimanche, les Ratés discutent des choses survenues en art depuis leur dernière assemblée. Ils débatent dans une pièce de neuf cent centimètres cubes par personne. Il s’agit de « l’Entrepôt des Réponses aux Questions Laissées en Suspens ». Des girouettes, facteurs déterminants du comportement humain, les aident dans leurs délibérations. Ces artistes du ratage ont entre eux des rapports peu formels, beaucoup n’ont qu’un pseudonyme. Rapts : quiconque révèle l’emplacement exact de la Ratery est kidnappé. Un critique d’art s’y est essayé en prétendant que la Ratery était un hôtel de passe. Il a disparu, mais sa mort n’a pas été confirmée, comme l’atteste la gendarmerie qui aurait été dépêchée sur le site. Tous les événements importants se déroulent à partir du crépuscule, quand les insectes s’assoupissent. Pièges : un marchand d’art, les soupçonnant d’avoir pillé son petit matériel pour l’encadrement, est allé jusqu’à les traquer avec des appâts destinés en principe à des rats… Fermeture : dès son arrivée, le visiteur doit repérer un itinéraire lui permettant une fuite aisée, et pour cause : la Ratery ferme à quinze heures pile. Il se défiera des horloges qui affichent un retard de seize minutes sur Greenwich. Attitude conseillée : s’énivrer. C’est pourquoi toute personne, venant à déclarer qu’elle a pénétré dans la Ratery est soumise à une enquête sur ses habitudes de boisson. Il faut faire la part de l’hallucination et de l’éthylisme. Sources : il a fallu attendre plusieurs années avant d’obtenir ces renseignements strictement factuels qui ne laissent aucune place à la fabulation. Ces choses, une fois vues, ne peuvent être arrachées à la mémoire.


> Mémoire ratartienne

Ce n’est pas sans hésitation que nous présentons une esquisse de l’histoire du Rat’art, car parler d’histoire à son sujet, c’est beaucoup s’avancer. Nous devons faire état d’hypothèses que les Ratés se renvoient non sans malice, comme pour éviter d’avancer dans la connaissance des faits véritables. Lorsqu’il est question de découvrir quels sont les fondateurs du Rat’art, la difficulté apparaît encore plus grande, car ceux-ci n’ont jamais fait l’objet d’un exposé explicite, et les Ratés eux-mêmes suppléent le manque de documentation par tout un fatras d’extravagances. Il conviendrait de dénommer « Ratés© » les artistes des années 80 et, « Ratés » ceux de l’époque actuelle. Sans nous arrêter au fait qu’à ce dernier terme est ajouté un copyright, il apparaît que durant les années 70, les membres du Rat’art ont aussi été appelés « Tarés ». Il serait donc inopportun de séparer ce qui constitue une continuité d’intention ; enfin, un courant admis du consentement général. Comment se fait-il qu’on ait tellement parlé du Rat’art à l’étranger, sans parvenir à identifier de manière certaine les fondateurs ni à mettre en pleine lumière leur idéologie artistique ? On peut se demander si nous ne sommes pas en présence d’une suggestion collective créée par quelques scribouillards imaginatifs. La plupart des Ratés attribuent à leur mouvement une existence réelle et une origine qui remonterait à la fin des années 60, sans pour autant justifier leurs thèses. Un fait historique que nous pouvons prendre comme point de départ est la parution, en Irlande du sud, en 1982, d’un texte anonyme qui souleva une vive curiosité. Ce texte expose la légende d’un certain Henry Chiparlart qui aurait fondé le Rat’art en 1979. Il incite d’emblée les critiques d’art à y adhérer et engage les sympathisants à étudier une grande quantité de textes subversifs, tout en dénonçant la corruption des artistes et la spéculation en art. L’opinion se demandait s’il s’agissait de véritables communications des Ratés, ou bien de simples plaisanteries destinées à les mystifier. Henry Chiparlart a-t-il réellement existé ? Rien ne le prouve. Son nom suggère plutôt qu’il ne constitue purement qu’un jeu de mots : « Enrichi par l’art ». Les voyages qu’on lui attribue ne seraient-ils pas une allusion aux contrées d’où le concept du Rat’art nous est venue ? L’Irlande ! Et, en particulier, une grotte de la fameuse colline de Kilrush, non loin de Loop Head, où coule le Shannon, sur la côte Ouest. Au début de l’année 1983, un manifeste du même genre est affiché à Athènes. Considéré comme une plaisanterie par les artistes grecs, il est pourtant bien dans la lignée de celui de Kilrush en Irlande, d’un troisième à Jakarta et d’un quatrième à Copenhague. Cette coïncidence semble prouver qu’ils émanaient bel et bien de plusieurs Ratés. Quoiqu’il en soit, le ratage se veut être un idéal artistique à atteindre. Ces manifestes témoignent d’une tendance à s’émanciper de l’emprise étouffante de l’élite et du marché. Ils présentent une idéologie qui a sa source ailleurs que dans un parti politique. Y est pressenti l’influence de Dada soigneusement dissimulée. L’activité ratartienne est confirmée par des tracts qui, malgré leur large diffusion, reste incomprise, car ses vues échappent à l’entendement des artistes d’alors, trop occupés à faire cavaliers seuls et à utiliser l’art comme tremplin financier. Un portrait d’Henry Chiparlart a été découvert parmi les papiers testamentaires d’une concierge irlandaise. Cette photo nous le montre, ayant à peine trente ans, dans une attitude songeuse, portant dans sa main droite un rat qui nous est connu comme étant la mascotte du Rat’art. Bien entendu, les profanes n’y voyait que de la zoophilie ordinaire. Le G.I.A. de Lisbonne, ou « Groupement d’Intervention Artisti­que », s’est auto-dissout et a fusionné avec le Rat’art. Cette dénomination pouvait céler l’intention d’associer les Ratés aux Tarés ; l’anagramme de « rat » et « tar », étant surtout « art ». Le mouvement se caractérise par des rats dont les artistes s’entourent au quotidien : ils prennent les plus grandes précautions pour cacher leur bestiole, les plus grandes aussi pour leur sauvegarde personnelle. Malgré de grandes difficultés matérielles, les Ratés se déplacent beaucoup : on échange les résultats de travaux et les œuvres s’exposent grâce à l’emploi quasi généralisé de l’affichage sauvage. Les Ratés s’engagent à exercer gratuitement leurs ratures et, selon eux, cet anticonformisme en art est « le plus sublime qu’il eût été jamais imaginé ». Résolument hostiles à l’aigle américain, au coq français, et à toute autre bestiole que le rat, ils préconisent un gouvernement rongeur du monde. Les Ratés d’aujourd’hui sont donc à considérer comme authentiquement ratartiens.
 

> Radieux, le premier Raté

D’un coup d’œil, Radieux créa les caleçons longs et le coupon détachable.
Après un coup de soleil, il créa le conifère et la papamobile.
Au vagabond, il donna des lingots d’or et la machine à remonter le temps.

La boite en carton était vide : Radieux y mit des clés à molette en plastique et son esprit se mouvait au-dessus des streptocoques.
Or la turgescence était informe et les aiguilles à tricoter avaient une tête de poulet dans l’abîme. Son Esprit agita donc les plumeaux.
L’injonction de paiement était sans appel ; les gouttes de collyre couvraient les poubelles, car les pieds de Radieux chaussaient des mocassins.

Radieux dit : Que la papaye soit ! Et la carte à puce fut.
Il dit encore : Que la canne à pêche soit ; et la corde à nœuds fut.
Il se reprit : Que la bombe à eau soit ! Et un piano à queue apparut.

Radieux admit que les pantoufles étaient confortables ; et Il sépara les fosses nasales d’avec les affiches de films.
Il vit que la frimousse de la cage thoracique était belle ; et Il arracha les pochettes-surprises des culottes en dentelle.
Mais il s’aperçut que la double-croche était haineuse ; alors Il démêla l’arme de poing d’avec les fausses notes.

Radieux appela la moulinette jour, et il appela les pustules nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : le chapeau à plumes naquit le premier jour.
Il nomma la fermeture éclair et les balles de golf. Et il n’y eut qu’une minute pour arriver au matin ; l’éléphant en fut surpris.
Il invita la baignoires à se remplir ; puis il convoqua les coucourdes à se déranger. Et il n’y eut plus de soir ni de matin.

Radieux dit : Qu’il y ait une tranche napolitaine entre les draps mouillés, et qu’elle cloisonne les gros mots d’avec les exercices isométriques.
Puis « fichtre ! » dit-il : Qu’il y ait de la gomme dans les salsifis bouillis, et qu’elle désaccouple les rasoirs à main d’avec les emballages recyclables.
Il cria enfin : Qu’il y ait du vacherin entourloupé pour les extra-terrestres ; et qu’il sépare les émoluments d’avec les stéroïdes anabolisants ! Ce qui fut fait.

Et Radieux se chargea de l’étendue qu’il fit toute larmoyante. Il dissocia les bulldozers qui sont au-dessous d’avec la fournaise qui est au-dessus.
Et Il créa le zoom pour séparer les deux seins entre eux d’avec le dindon décapité austro-hongrois.
Il subdivisa les disques de Jazz des soliflores et d’avec les boyaux séchés. Et cela fut ainsi.

Radieux  baptisa l’étendue Cigare. Un manche en bois fut lancé le second jour.
Il appela l’anaconda Ciel. Le mexicain devint basané dès le deuxième jour.
Et tous les furoncles furent éclatés.

Radieux se mis à table et dit : Que les marrons glacés se rassemblent en un seul lieu, et que l’orque épaulard paraisse.
Il dit en anglais : «It wasn’t my fault ! Let the waters under the heavens be gathered together unto one place, and let the dry land appear: and it was so. »
Il ne traduisit pas en italien. Et cela fut ainsi.

Radieux envoya les nanotechnologies au service de la Terre, et il appela l’amas des flocons d’avoine Océan Pacifique.
Il donna un nom aux trous profonds, aux amas des noyaux d’olives, et étiqueta les lots de chaussettes identiques.
Puis Il se satisfit que les cosmonautes soient russes. Il congela les restes de son repas de midi. Et Il vit que cela était bellissime.

« Bouh qu’elle est laide ! » fit Radieux : Que la pintade ponde des figues ! Je l’ordonne ! Qu’on donne aux tarentules des coups de pelle selon leur herpès !
« Un dernier pour la route » fit-Il. Que ma lubie soit de porter une barbe de trois jours.
C’est alors qu’il devint poète : Que la lampe-torche pousse de la chaise pliante ! Et que l’arbre fruitier produise des nids d’hirondelles ! Et cela fut ainsi.

Il continuait son œuvre : Que l’exploitation forestière porte une fragrance et les chansons paillardes donnent dans le proverbe chinois ! Radieux vit que c’était esbroufant.
L’idiotie produisit la machine à écrire selon un projet pharaonique.
Il finit en américain : And the earth brought forth grass, herbs yielding seed after their kind, and trees bearing fruit, wherein is the seed thereof, after their kind : and God saw that it was good.

Il passa ainsi la soirée. L’aphte règnait au terme du troisième jour.
Il traduisit avec plus de détails pour les Anglais : And the earth brought forth grass, herbs yielding seed after their kind, and trees bearing fruit, wherein is the seed thereof, after their kind : and God saw that it was good.
Et il  transcrivit non sans malice pour les Italiens : E la huche à pain produsse verdura, erbe che facevano seme secondo la planche à repasser specie e alberi che portavano frutto contenente il proprio seme, ciascuno secondo la choucroute garnie specie. E DIO vide che questo era buono.

Radieux dit : Qu’il y ait des accords parmi les saisons, pour interloquer le jour et la nuit durant les siècles ;
Puis il en eut assez de traduire.
Il dit enfin : Qu’il y ait assez de pommes de terre pour les crieurs hystériques.

Il venait de créer le soleil.
Qu’il serve de luminaire dans l’étendue du bandonéon, pour mitonner la loupiote...
... pour irradier... (la suite n’est pas compréhensible).
Et qu’il serve de spot pour l’élastique des gros bides et liquéfier l’enflure ; et cela fut ainsi.

Radieux fit les deux grands abats-jours, le plus grand pour se défenestrer en plein jour, et le plus petit pour vendanger la nuit.
Le grand lampadaire servit à se maquiller, le petit pour ensanglanter autrui à la nuit tombée.
Et il créa deux réverbères ; pour qu’on se parfume le jour et pour amputer sur la nuit car il y avait plein de déjections nauséabondes.

Radieux fit un tour de magie avec du jus de citron pour asticoter les petites filles moches.
Il fit les verres à pied pour les rescapés de Tchernobyl.
Et il mit des barbituriques dans la bouche pour ronger les dents creuses.

Pour canoniser de jour comme de nuit, Il morigénera avec des sonnettes d’alarme.
Il intoxiqua la baudroie comme si c’était déjà une espèce en voie de disparition.
Et pour rêvasser tout le jour, il déblatéra avec des vahinés. Et Il vit que cela était  merveilleux.

Ainsi, il y eut le midi et il y eut minuit, tandis que Radieux mâchait du chewing-gum.
Il joua aussi au bilboquet.
Et s’amusa au trou normand dans un fourgon blindé tout le quatrième jour.

Radieux dit : Que les oignons frits produisent en abondance des masques de Mickey. Et que les breloques volent avec des Kalashnikovs vers l’étendue où l’on se sert d’ordinaire de lance-pierres.
Il entrevit que c’était compliqué.
Il dit alors : Que les puits de pétrole produisent des nappes phréatiques, et que les champs obligatoires soient raturés.

Radieux remplit les slips qui se meuvent la nuit. Il créa aussi le cordon ombilical ailé. Il vit que cela était charmant.
Il inventa des animaux très pathétiques, sauf les hérissons.
Les grands poissons, eux, avaient un short à franges. Et il vit que cela était sensationnel.

Radieux donna des gencives aux porcs : Soyez féconds et remplissez les connecteurs logiques des chich kebabs !
Et sur une carte de voeux, Il écrivit : Que les nougats se multiplient dans les buissons d’églantines où se cachent les jeunes filles au pair !
Il ajouta : Fructifiez et remplissez les ballons dirigeables de dons d’organes.

Ainsi, il n’était pas encore onze heures que l’œuf au plat fut servit dans un béret basque.
Ce fut le côté obscur du jour.
Les anges manutentionnaires passaient la serpillère.

Radieux dit : Que les poulpes produisent des chars d’assaut et des squelettes.
Que les lances à incendie fassent sortir les dinosaures des hospices avec un pantalon pattes d’eph.
Que les fausses blondes produisent des écrous vivants ! Ainsi, les borborygmes sortirent les contorsionnistes pléthoriques des wagons-lits. Et cela fut ainsi.

Radieux imagina dans le même moment les chanteurs de Mexico, le coupe-jarrets, et toutes les crêpes selon un type d’égouttoir.
Il fit des choses bizarres coincées entre les dents ; l’auriculaire selon les plans d’un dentiste ; et les flammenküche selon un nerf-de-bœuf.
Et il engendra les cénobites selon les dires d’un multirécidiviste, le roitelet à partir du berger allemand, et les violonistes selon les règles du hasard. Et Radieux vit que cela était inouï.

Puis Radieux dit : Faisons l’homme selon le modèle du ressortissant espagnol, et qu’il domine sur les neutrons du voltmètre et sur tout étoile de mer qui se se prosterne devant les vieilles rombières.
Faisons l’homme avec un balai telescopique dans le cul, qu'il domine sur la vesse-de-loup ; sur les canailloux des Chocapic; sur le lapin rose ; et sur les volcans où règne la psychose.
Puis il ajouta : Faisons de l’homme un croque-mort, qu’il domine sur les jeux vidéo, sur les fumeurs de mégots ; et sur tout hypocrite qui se prélasse sous une ombrelle.

Radieux créa l’homme selon une recette de cuisine, puis il créa la frangine.
En réalité, Il fit l’homme mâle et femelle.
And God created man in his own image, in the image of God created he him ; male and female created he them.

Radieux dit à la femme : Remplit les raffineries de pétrole et assujettit les tubes fluorescents des filets de mérou et tout animal qui se meut avec une protubérance.
Pour l’homme, il accoucha du cric hydraulique et dit : «Sois fécond en idiotie, dévisse-la de ta tête, domine sur les gros tas vus dans un rétroviseur.
Puis Il leur dit : Rembourrez vos chaussures avant une randonnée pédestre, prenez conseil auprès des clochards !

Il annonça : Voici, je vous ai donné de l’herbe plutôt que la bisque d’homard, et des têtards avec une antenne parabolique : ce sera votre nourriture.
And God said, Behold, I have given you every herb yielding seed, which is upon the face of all the earth, and every tree, in which is the fruit of a tree yielding seed; to you it shall be for food.

Il révéla qu’à tout animal à tête de lard, coiffé d’un bonnet péruvien, il donnait l’herbe verte pour subsistance. Et cela fut ainsi.
Et à tout halluciné d’effets pyrotechniques sur une Honda NSR 125, il donna les plantes vertes pour carburant. Et il en fut ainsi !
And to every beast of the earth, and to every bird of the heavens, and to everything that creepeth upon the earth, wherein there is life, [I have given] every green herb for food : and it was so !

Radieux vit tout que ce qu’il avait fait était presque bon. Ainsi, il grava une sauvegarde sur son disque dur.
Le lendemain, Il s’aperçu que son œuvre était ratée. La femme avait une tête de poisson-chat. Lui-même se transformait en crapaud-buffle. Et il inventa les compléments nutritionnels.
Ainsi furent crachés tous se postillons.
Il fuma du narguilé sous un saule pleureur en jouant du tombone à coulisse.

Radieux vomit un hippocampe et l’homme devint un opossum vivant.
Puis Il planta un requin marteau dans le potager des Éden’tés.
Il fit pousser des haricots ingérables à équeuter. Il planta un vélocipède au milieu, et la prise de courant du bien et de l’œil de verre.
Il donna le jardin à l’homme et lui dit : Tu pourras jouer des castagnettes sur le vélocipède. Mais tu ne te balanceras pas dessus, car le jour où tu le feras, tu auras un accident mortel.

Radieux dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une frangine aussi presbyte que lui.
L’homme vit partout des pachydermes, des ganglions et des yaourts bulgares. Mais il, ne trouva point de frangine.
Alors Radieux fit tomber un rébus dans le sommeil de l’homme.
Il forma une balalaïka chevelue de l’eau gazeuse qu’il avait prise dans le gosier de l’homme, et il lui amena sur un plateau.
Et l’homme dit : Voici, cette fois, celle qui est os des restes du repas de midi et chair de ma brandade ! Je l’appellerai femme, parce qu’elle a été prise de moi.

C’est pourquoi l’homme quitta son chimpanzé, et s’attacha comme à une remorque à la femme, et ils devinrent un seul morceau.
Ils étaient tous deux sans feuille de vigne, et ils n’en avaient point honte.

Mais ils enfourchèrent le vélocipède tant de fois qu’ils dégringolèrent.
Les genoux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient amochés, et ayant cousu des lingettes, ils s’en firent des pansements.

C’est alors qu’ils entendirent Radieux qui parcourait le potager, l’homme et sa femme se cachèrent au loin au milieu des sargasses.
Radieux appela l’homme et lui dit : Où es-tu ?
L’homme répondit : J’ai écouté l’hôtesse de l’air, et j’ai fait du vélocipède. Et parce que je suis défiguré, je me suis caché.
Radieux dit : Qui t’a appris à faire du vélo ?
L’homme répondit : La grincheuse que tu as mise auprès de moi m’a tâté les cuisses et j’ai désobéi.

Radieux leur dit devant un troupeau de yacks : Puisque tu as fais cela, tu seras maudit entre tout les cactus. Tu vélocipèderas sur ton talon d’achille et tu mangeras de la litière pour chats tous les jours. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta bouche et sa fondue savoyarde : celle-ci te donnera la fessée déculottée et t’écrasera tes rhumatismes.

Il lança à la femme : J’augmenterai en objets sadiques ta salle de tortures.
À l’homme : Puisque tu as écouté la toux grasse de ta femme, et que tu t’es casser la gueule, le tour de France sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu ne graviras que des cols.
C’est par les pédales que tu mangeras le tubercule, jusqu’à ce que tu retournes dans la cage à poules d’où tu as été pris.

Radieux inventa le maillot à pois et il les en revêtit.
Radieux pensa : Ne l’empêchons plus maintenant de suer dans sa chemise à fleurs et de prendre son vélo pour un four à micro-ondes.
C’est ainsi qu’il les chassa ; et inventa le porte-bagages pour y asseoir la femme.


> Le ratage

«Au pipe-line, l’œil sert d’oreille» disait un Raté. Nous ne manquons pas de ces tripatouilleurs qui engendrent tant de phrases si belles. Et c’est tant mieux ! Au nerf-de-boeuf les tablatures sont des masques de Mickey. Comme disait une vahiné parmi les pleutres : « Orbi or not to be ». Je vais noircir ici d’algue gluante les tronches des espadrilles. Promettez-moi une chose : soyez illuminé ! Raisonnez avec du picotin d’avoine ! Brusquez l’occasion ! S’il faut en croire le Rat’rat, il y a la même différence entre des poupons remplis d’amour et des vendeurs de parapluies qu’entre les tire-fesses et les râbles du lapin. Celui, par exemple, qui donne du relief à la vie, avec ses corticoïdes pour embaumer les morts, m’inquiète ; il sent le cyclope abruti ; plus on s’approche de lui, plus il est explosif. On dirait une mince tranche au milieu d’impressions contiguës.
Un Raté est mieux couché qu’assis. Si vous marchez face au nord, n’oubliez pas qu’il a mauvaise haleine. Pourquoi faut-il qu’un ratage qui est si doux d’aspect, mis à l’épreuve, soit si carbonique ? Heureu­sement, le Raté est fou ; autrement, à cause de l’attraction terrestre, les rempailleurs pousseraient sous une pluie de scorpions qui, comme les hélicoptères, des plus amers on en ferait des im­plants mammaires. Et la chambre avec vue sur la mer semblerait cautionner le stylo à quatre couleurs.
Ça ne sert à rien de sortir son fusil devant un Raté. En voici la preuve avec des mots. Introduisons de la variété dans la nourriture du Raté. La coulemelle n’est pas son fort parce qu’elle n’a aucun sujet de conversation. Excepté son inhumanité : une unique pensée inique, l’escarmouche du bidon de lait démode l’humanisme. Je voudrais rassurer l’homme-sandwich qui meurt de faim. Tout juste ce qu’il faut pour le rassasier : la tulipe ne lui est pas plus naturelle que la perche l’est au chausse-pied. Oui, le revers de fortune est le supermarché de l’esprit sain. Sans quoi, il faut tordre son rocking-chair ; et les gazouillis qui sont sans tibias, il faut les téléporter jusqu’aux edelweiss.
S’ils n’étaient pas si cannibales, les Ratés ne seraient jamais si forts. Enfin, un ratage est comme une pintade assiégée. Chacun pense qu’il marche droit grâce à ses poils frisés. « Mon âme pour un ticket de métro ! » dit le Raté. Quand il devient visionnaire, des calculs rénaux lui apparaissent. D’un coup, l’eau renversée se voit difficile à décapsuler. L’allumette, elle, n’attend plus la frappe chirurgicale des drag-queens. Je me cacherai dans les tiroirs avec les crayons gris qui donnent du parfum, c’est le seul endroit où Quasimodo oubliera de me tétaniser.
Le chien savant du Raté, c’est nous-mêmes. Sagacité italienne. Les chipies aiment bien s’unir à des blaireaux et tirent vanité d’être engrossées par eux. Lorsque la mouette rieuse nous sourit, nous givrons des sanibroyeurs. Les beignets font-ils plus de bruit ? Oui, surtout à l’heure où le vaporisateur est commode pour asperger les personnalités du show-biz.
Les trois pressentiments du pape Boniface VIII : « Prenez-vous en photo, dit Boniface. Alléluia ! Avant d’incinérer un œuf au plat, pratiquez un amusement pendant trois mois, fermez votre fermeture éclair, vous rajeunirez de dix ans. 1) L’acrobate n’obtient une bonne fosse à purin qu’en se dégoupillant dedans. 2) Il vaut mieux s’exposer au scandale que de se passer d’une biture. 3) C’est la même chose de faire faire par un autre que de faire soi-même. Regarder le rognon de porc à travers un échafaudage, aide à comprendre comment il peut tenir debout. Alléluia !»
Les ratages creusent l’air de leurs furoncles. Ainsi, le Raté n’est plus alourdi de mauvaises intentions qui le réduiraient à l’état d’esclave. La rature qui en découle est dérisoirement thermosensible ; mais aucun Raté n’a jamais cédé aux lectures d’un tyrolien. Il n’existe plus de remède souverain contre les sinapismes à la moutarde. Qui est Raté n’a pas de veine ! Oui, rien ne ressemble davantage à un ersatz qu’une rature. Si l’œuf était plus solide que le club-sandwich n’est lourd, la trompette ne serait qu’un auxiliaire utile de la pastille anisée.
Je ne sais plus quel Raté fit retirer les raquettes de tennis des presse-purées par crainte qu’un otage n’y trouvât quelque moyen d’évasion. Il disait : « Si de temps à autre les singeries n’étaient pas incendiées, la banquise serait submergée par les gens qui portent leurs jambes en collier ». Quel drôle d’oiseau ! Si les inhalateurs n’avaient pas existé, les Vikings auraient-ils inventé la mauvaise haleine ?
Les Ratés veulent déboulonner l’architecture officielle, de manière à ce qu’elle génère du bâtonnet d’encens. C’est pourquoi il y a deux sortes de chefs d’orchestre : ceux qui ont une carabine en guise de baguette et ceux qui cachent leur quatre-heures. En partageant leur complément nutritionnel, celui-ci ne diminue pas.
Il y a le ratage des mille et une barboteuses, les déglutitions, la sucette indéterminée, les vergetures, les unidimensionnels, la rondelle des aisselles, il y a ratage tobogan, l’œsophage raturé qui s’adresse aux mitochondries, d’où viennent les cris hystériques et les lymphocytes, il y a l’anicroche ratée qui ne fait pas l’unanimité, les excavations épileptiques, les bikinis idéalisés, la raclure du raton laveur, le rôle social du python réticulé et l’extrême-onction.
Il y a le prologue destiné à dévorer le sphincter, l’animal partouzeur et l’aspect supersonique de la tranche de thon coupée en deux. L’action est-elle suspendue, sans que l’on sache ce qui s’est décongestionné dans l’intervalle ?
La plus basse note de la contrebasse, plus forte qu’une invasion de criquets, est un ratage remarquable. Le ratage songe au jour présent ; une demi-tête de porc couverte d’oignons, elle, pense à l’année qui vient. Le Raté est un asthmatique notoire qui parle sans être plastifié. Faites-vous le toréador de l’os de seiche ! Qui couche avec un Raté doit avoir de longs pieds ! Je demande à ce que le ratage soit critiqué avec la dernière vigueur par des pots de cham­bre qui s’y connaissent.
Une rature cherchera sous les pas les borborygmes d’une fourmilière en mousse. C’est une mouclade illogique qu’un ratage ! C’est une ceinture d’égalité hypocondriaque. Ses clés sont inintelligibles. La moindre flétrissure suffit à en troubler la chaussée affaissée. Pour un Raté, une dominatrice exhaustive est une remorque héroïque à vide. C’est l’escalope des Ratés qui pousse beaucoup d’autres à s’épiler. Si vous m’entendez dire que le Raté qui soupire vieillit en un jour, giflez-moi ! C’est ainsi que, à petits pas, nous nous glissons jusqu’à la dernière syllabe du temps inscrit sur l’oléoduc où les thons sont des burettes d’huile qui se mesurent au quignon des taxidermistes. L’émerveillement constitue le premier pas vers l’exhibitionnisme. Ne prétendez pas avoir atteint en plein cœur un requin marteau. Il faut passer de l’opinion à la coloscopie et de l’imagination au gourdin.
La meilleure preuve qu’un ratage n’enrichit pas, c’est que les fientes de pigeon travaillent sans fin. Quand je fais ma propre caricature, j’accède au monde du ratage, sans le moyen d’un aérosol pour chasser le pithécanthrope. Voici venir les mitochondries mouillées, elles se confondent avec le velours ; les alarmes étalent la marmelade des châles ; étendez-la sur les machicoulis, larguez vos hirondelles, laissez-moi m’aplanir sur les arquebuses éteintes où chuchotent les flacons échangistes. Souviens-toi de t’aniser, me dis-je et, pour bronzer, d’accepter qu’une rature m’écorche. Ni les moustiques ni les ratures ne peuvent se regarder fixement. Le Raté de longue date est plus beau s’il exprime l’amphibien et non le caboulot du grand Dadais qui est en lui. Et une rature semblera obscure et ses blagues à deux balles : il vaut mieux se pioupiouter seul.
Si vous êtes muets comme une barquette sous-vide, dîtes-vous que cela aurait pu être pire. En chantant une rature, vous allez du hausse-queue à l’escarmouche. Ces choses miraculeuses ne mènent qu’aux jouets pour chiens. Je veux bien que l’on suffoque dans une rature à remonter le temps, mais que l’on s’y tienne ! Une seule chose est véritablement laxative : l’arc-en-ciel en infusion. Chaque fois que j’appuie sur le ventre d’une rature, elle me donne des calcifications. Le ratage n’a pas de sens pour les amandes amères.
Un Raté, c’est le dernier poète d’un paquebot qui s’entête à vouloir devenir barque. C’est l’intensité de la moulinette qui compte. La peau d’un Raté est une boule de gomme de la mornifle humaine, dont le seul but est de vous interloquer. Le fard à paupières ne se vendra bientôt que dans les loges des concierges. Ce n’est pas l’apparence du cèdre du Liban qui m’intéresse, car jouer de la sagaie a toujours été pour moi une fin en soi.
Entre ogres du ratage, la turgescence ne dure que le temps de marteler la gallinette cendrée. Si l’on me demande de détruire une rature, demain on me demandera de lippo-sucer un fer à repasser. Quand on est décapité, on ne doute de rien. Ne perdons pas de vue que Judas avait des crampons biodégradables. Pourquoi les coupe-ongles ne vivraient-ils pas ? Les mocassins meurent bien.
On est près de comprendre un Raté quand on a bu de la bouillie bordelaise. Pour manger correctement, on commence par des bo­bines de fil. Et si quelqu’un vous lèche, emmenez-le au bal musette avant qu’il ne commence à vous tondre. Si on épilait les branches des érables, il y a longtemps qu’elles auraient été interdites. Laissons les termites aux khmers rouges dont les habitudes sont pires que le désespoir lui-même. La révolution, c’est les sacoches de l’embrouille. Le plan B est un moyen obsolète pour une chienne en chaleur. La mauvaise conscience, c’est pour les courbatures. C’est dans ce que les grenouilles ont de plus commun qu’elles se différencient le plus. Je suis une baignoire vide si je ne m’élève pas au-dessus de mon humanité. L’absurde, c’est la loupiote lucide qui constate qu’elle a des fesses.
Il n’y a pas de caractère hydrocéphale. Le Raté ne peut être conspué en groupe. C’est une boule à facettes copieusement individuelle. Son intelligence est programmée pour la turgescence des rétroprojecteurs. Le superfétatoire sent la soupe endémique de l’éros. Dans toute l’étendue de l’univers, le ratage apparaît comme proportionnel à une rascasse de choix dont on dispose. L’auriculaire est sa boule de billard. Les casseroles, ses pics à glace. Il faut mâchouiller bien du chewing-gum pour crapahuter comme un dinosaure fait à partir d’une couenne de lard. Chaque heure qui passe est une encyclopédie écrite sur un tapis creux. Un haut degré d’ambition change les ratures en éphèbes qui déraisonnent. Dans l’univers des patins à roulettes, le temps est fluide, on ne peut rien réussir ; personne ne peut expliquer pourquoi les jupes plissées se froissent. Il y a le blouson fait pour les australopithèques qui découvrent ce qu’est le cuir et il y a l’hydravion qui suit un doyen de faculté en permettant d’aller plus vite dans l’immédiat. Lorsqu’on prend une fessée déculottée, on ne peut pas longtemps rester désespéré. N’est-il pas suffisant de tabasser un hurluberlu sans avoir à croire en plus que des glaires l’habitent ? L’aphorisme comme tulipe d’artériosclérose. Je pense qu’un ratage doit sa contrebasse à l’anicroche psychologique.
Comment apprenons-nous à gélifier un ratage ? C’est une pochette-surprise réversible. Une étoile de shérif n’a aucune importance pour la supernova. Elle n’intéresse que le follicule pileux et seul le bourrin individuel importe. Ce qui importe au Raté ce sont les dommages collatéraux survenus dans une guerre et l’angine attrapée lors des événements. De même, le berger allemand n’entend un Raté qu’en dévorant une fraise écrabouillée.
L’imagination est une protubérance, il faut la rembrunir, la butiner, s’en plastifier comme d’un tatouage. Une rature qu’on quitte sans en avoir extrait quelque chose est un vol-au-vent qu’on n’a pas malaxé. L’attrait principal de toute rature est la rage des images subliminales. Qui enseignera aux doryphores que les singes ne plaisantent jamais ? Le Raté ! Il n’existe rien de plus mesquin, stupide, infâme, insaisissable, égoïste, méchant, sinueux et ingrat qu’un doryphore. Le ratage force la jambe de bois à aller aussi loin qu’un aspirateur. Faute de temps, la perceuse doit choisir : ou mettre des guêtres ou les enlever. Elle a rarement le loisir de faire les deux. Les sacs poubelle ne sont que les ficelles du mode d’emploi de l’existence humaine.
Les plus enturbanés des Ratés s’avèrent souvent les meilleurs malades dès qu’on leur en donne l’occasion. Quand on commence à équeuter le début d’explication d’une rature, on veut à tout prix tout vampiriser. Seule une asymptote oblique incline aux bifurcations nouvelles. Quelle comptabilité harassante de vivre !
Et je crois que le dieu Radieux pardonnera aux Ratés, mais pas aux roulements à billes. Le plaisir, c’est encore la seule chose qui oblige les ventouses à un peu de précision. On ne sait jamais si le ratage, ce n’est pas un toaster pour boudin créole. Aussi, je ne suis pas de ceux qui se consolent d’un fusil à pompe en disant que c’est une pelle à tarte. Nul ne connaîtra le ratage qui ne peut déchiffrer un séquoia. Comme test d’intelligence on n’a encore rien utilisé de mieux qu’un vaporisateur pour youpala, qui est la plus longue distance entre deux points de vue. Un gribouillis répond à des babouches par des truffes.
L’éloge des Ratés zingueurs se fait sans flatterie. Pourquoi les Ratés naissent-ils ? Pourquoi meurent-ils ? Et pourquoi  cherchent-ils dans l’intervalle à décolorer des remorques de quartz orthopédique ? Une patate accomplie raisonnablement, c’est une rature. La Marseillaise - c’est l’escarpolette sonore, simultanée, du steak en mouvement et de l’orifice buccal du phoque. Ce n’est pas s’agenouiller que d’être caramélisé. Une péniche, c’est un caveau familial. On n’est jamais si Raté margoulin qu’on croit ni si bouseux qu’on avait espéré. Vaincre une planche à découper, c’est triompher de son plus grand ennemi. Les squelettes des Ratés sont les kaléïdoscopes des cyclamens.
Un Raté trouve toujours un sot qui l’admire. Le ratage est un chat dans la gorge. On ne dit pas : « Je me fiche des parachutes » Mais plutôt : «Je m’en balance dérisoirement et de gauche à droite. » C’est de l’esprit caustique et rien d’autre.
Sans l’acrobatie ratartienne, la vie est une erreur. Une rature est plus près du castor épileptique quand la pirogue coule. De même, il y a peu de femmes qui ne soient lasses de leur tête-à-queue. J’ai peine à croire qu’on parvienne un jour à rejeter que nous sommes l’œuvre d’une edelweiss et non pas celle d’un vieux contrebandier qui nous a fabriqués en guise de passe-temps. Rien ne sert de baver, on peut se moucher à moins.

 

> Postface

Une mise au point de l’ouvrage aurait abouti à le refaire. Nous n’avions pas atteint la moitié de la relecture qu’une gêne nous avertit qu’il ne valait pas un clou. C’est pourquoi, nous complaisant dans notre névrose, nous avons accepté de le faire paraître.

 

> Post-scriptum

Ce qui compte n’est pas tant le contenu du livre ni les mots qui ont été employés, que la trace, que l’on peut supposer poussiéreuse, qu’elle va laisser sur le rayonnage de votre bibliothèque. Je ne peux faire plus que de vous en avertir.

 

> Remerciements

« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ». (4)
Ma gratitude va en premier lieu à Achille Entripaillé qui a bien voulu écrire ce manuscrit à ma place, l’a remanié maintes fois en raison des pans entiers que j’ai caviardé, l’a corrigé sans relâche et avec esprit critique puis l’a dactylographié jusqu’à la version finale sous le couvert de l’anonymat. André m’est d’ailleurs infiniment reconnaissant d’avoir accepté de signer son texte. Je ne puis m’empêcher de penser à lui, car il est l’image de mon vrai public.
Je dédie ce livre à ceux et celles que j’aime qui me permirent de trouver le temps et la quiétude nécessaires, l’écriture de « Rat’art » put être accompli aisément avec une fièvre relativement intermittente.
Je remercie l’ami M., pour le suivi qu’il a assuré quant au contenu global, ce peintre et libre penseur qui devant un prêtre n’est pas homme à se laisser faire ; T. pour avoir supporté stoïquement mon maboulisme fébrile ;
un grand merci aux personnages lunaires issus des œuvres de fictions ; à mes auteurs et artistes fétiches qui ont décrétinisé les arts ;
aux stéréotypes comme Tartuffe, Can­­­dide, Don Quichotte et Tatie Danielle ;
à Casimir Akuleux, complice dans l’écriture automatique pour ses longs échanges télépathiques en argot islandais ; à Elvire Sacutit, ma partenaire en subversion trop sensible aux changements climatiques ; à Parfait Blesse, le buveur insolent et produit des sous-cultures urbaines ; au dormeur René Gaht qui traîne son lot de monstruosités ; à Harry Hergout, poète mauvais genre qui vient d’être interné ; à Adhémar Antrombe, dératisateur-anarchiste féru d’anathèmes de tous ordres ; à Alphonse Ovécet, infatiguable fossoyeur indemnisé pour ses mots croisés ; à Carlos Érongé, noctambule satisfait de ses allusions sexuelles jusque-là réprimées ; à Gérard Menvus­sa, l’insoumis qui se croit envoûté ; à l’illuminée Hélène Ormal, très violente avec le langage formel, tous ouverts aux champs extra-littéraires à la suite de circonstances encore mal élucidées ;
mes remerciements vont aux adeptes de performances, d’appropriations du réel, de préoccupations sociales, de graffitis anticulturels, d’entassements d’objets industri­els, de listes fastueuses, incohérentes et de configurations aléatoires, d’idées qui priment sur l’objet, d’installations saugrenues, de vidéos politisées, de mythologies autobiographiques, de simulacres ubuesques, de photos provocantes, de détournements ironiques, de sites web séditieux ; merci à tous d’exister ;
enfin, je remercie mon éditeur chez lequel j’ai trouvé une grande qualité d’écoute ; ces actions de grâces vont aussi aux personnes qui m’ont bigrement désavoué et auxquelles je ne veux faire nulle peine, même posthume.


> Flashback

Retour en arrière : en relisant « Dadazone » depuis le début, vous vous apercevrez que vous ne le lisiez pas de la même façon, que vous ne portiez pas le même vêtement, que vous le feuilletiez dans un lieu différent, que la voix du narrateur était plus grave et qu’il n’y avait personne à vos côtés. Mais est-il bon de vous avertir par une projection en avant du dénouement du livre et après d’expliquer combien cela était nécessaire ?


>Excipit

Durée d’écriture de « Dadazone » : 63 113 851,9 secondes.
Nombre de mots : 54525

La dernière page est foncièrement alarmiste, elle ne peut plus compter sur les au­tres.