Hourra ! Il y a le début des années deux mille (1) ;
la machine à écrire la vérité ;
l’univers qui s’est renversé ;
le moyen illusoire d’occuper un espace ;
le langage devenu objet ;
il y a le tout venant ;
les phrases colportables à loisir ;
le stock des pensées mises en circulation ;
le remplissage des âmes recto verso ;
il nous faut maintenant descendre aux détails ;
si ce monde était bleu, ce serait l’affaire des poètes ;
il y a le rêve récurrent d’un plongeon dans l’Arctique ;
mais aussi l’obsession antimissile ;
les pommiers qui donnent des poires ;
les risques de la traversée de soi par une écriture en apnée ;
la Tour de Pise, en italique : La Tour de Pise ;
l’artiste qui se justifie vis-à-vis de la nature comme si rien n’allait de soi ;
le rhinocéros coiffé d’un bonnet à pompon ;
le décompte à voix haute de 5000 à 0 ;
la multitude de choses qui nous font regarder au-dedans de soi ;
le rouge à lèvres qui se fossilise après un troisième baiser ;
le rajeunissement sensible quand on finit d’être endoctriné ;
il y a les moments superbement perdus ;
la petite vantarde qui dit avoir une pomme d’Adam ;
l’artiste qui a un air de folie réprimée ;
l’idée vraie qui est le mensonge suprême ;
l’évolution mouche-cheval-chimpanzé-homme ;
le caillou qui a principalement pour vocation de casser les vitres ;
le F comme « Foule » : elle est sympathique, mais ça lui passe vite ;
les derniers mots de Louis-Ferdinand Céline : « Pas de médecin ! Pas piqûre ! Pas d’hôpital !‑» ;
il y a la consommation d’énergies fossiles productrice de gaz à effet de serre ;
le lâcher de poste de télévision dans le vide ;
les yeux que l’on trouve partout si l’on veut bien les voir ;
l’obscurantiste qui ne tient pas compte de la vitesse du vent ;
la digiconsuérophobie qui est la peur des dés à coudre ;
les humanitaires victimes des logiques d’État ;
la phrase qui semble être le reflet de ce qui a mal tourné,
les éléphants qui de loin ressemblent à des puces ;
le fonds de tiroir qui traîne un besoin de nuages ;
l’adversité qui veut qu’on ne possède plus la vérité qu’on a transmise ;
les jours dardés par le frimas où la mésange cannibale s’épuise ;
le patron de bar qui sert des croque-monsieur au petit déjeuner ;
le sport favori des intellectuels qui est de revêtir un survêtement molletonné en coton et polyester pour ses qualités de commodité et de confort ;
il y a l’idée qu’en laisse une femme vous tient en liesse ;
le canard qui est frappé au coin-coin du bon sens ;
le poète anglais Thomas Chatterton qui se suicide en 1770 ;
la temporalité qui n’apparaît plus comme figée ;
l’abandon de l’usage de la raison ;
Érik Satie : « L’air de Paris est si mauvais que je le fais toujours bouillir avant de respirer. » ;
la désinformation des médias institutionnels ;
le verbe motdoigter : c’est préférer les mots qu’on met à l’index ;
l’imaginaire qui est plus étourdissant qu’une armée d’artilleurs ;
le dragueur éconduit qui se lance dans la course à la Présidence ;
la démagogie qui consiste à faire rêver les hommes : le plus sûr moyen de les tenir endormis, précisément parce que les problèmes leur donnent l’illusion d’être éveillés ;
les avenues jonchées d’immondices (47) ;
il y a l’humanité obèsement riche qui ne pâtit de rien ;
l’habitude de remettre toujours son dernier soupir au lendemain ;
les femmes algériennes kabyles en exil ;
le discours de l’orateur, digne d’être lu, ne serait-ce que pour réviser l’orthographe ;
l’aérodrome que l’on peut traverser à bord d’un avion en roulant sur la piste ;
l’idée qui est une vision de l’invisible ;
l’émancipation individuelle qui précède l’émancipation collective ;
les deux qui font la paire (dont deux couples d’entre eux sont intrus) : Sodome et Gomorrhe ; Dr Jekyll et M. Hyde ; Castor et Pollux ; Laurel et Hardy ; Remus et Romulus ; Black & Decker ; Bonnie and Clyde ; Abel et Caïn ; Dupont et Dupond ; Lagarde et Michard ; Simon and Garfunkel ;
il y a l’épouse qui reçoit des messages de son mari défunt ;
le livre de 560 pages où j’ai effacé toutes les lettres, à l’exception des A, R et T (1998) ;
l’idée mathématique toujours trop abstraite (5) ;
le dérèglement climatique et ses implications sur l’humanité ;
il y a l’inclination/inclinaison : l’acquiescement en penchant la tête devant un terrain en pente ;
les choses qui nous fascinent tant qu’elles sont éloignées de nous ;
les ghettos urbains ;
les rides qui ont été inventées par des gens qui n’en avaient pas ;
les cimetières qui sont à l’épreuve des bombes ;
l’idée qu’il ne faut pas attendre d’être inspiré pour commencer à ne rien faire ;
le traitement de choc de mes baisers de rastaquouère ;
l’intention travestie : « Moins de pain, plus d’impôts ! » (35)
les trois coups au théâtre - se lever et s’asseoir à trois reprises - le tirage au sort en lançant trois roseaux ;
les confidences à son avocat qu’une vieille crapule a faites ;
le Comden Town où se réunissent les punks à Londres ;
le mal être : le respect que nous avons pour les gens mis à l’écart vient de là ;
la naissance en 1833 de James Sherwood, un personnage imaginaire du roman « La vie mode d’emploi » de Georges Perec ;
la super-star du porno hollywoodien retrouvée ligotée dans le coffre de sa voiture ;
l’énigme stupide qui nous fait préférer soit la réincarnation soit la résurrection ;
les enfants morts oubliés par les anges ;
l’accalmie hivernale dans la tiédeur humide du tabac gris ;
l’idée impossible qui n’exprime que des impressions ;
les chiens Dezik et Tsygan qui furent les premiers animaux à réussir un vol suborbital le 22 juillet 1951 ;
il y a les moyens de tromper l’ennui ;
la beauté chez Rigaut : « J’ai trouvé un jour ma chemise assise sur mes genoux, je l’ai appelée Beauté. Je suis depuis un peintre de chemise. » ;
l’avenir qui se trouverait dans la fusion nucléaire, une sorte d’incarnation du rêve de Prométhée ;
le silence qui a ceci de curieux qu’il s’écoute ;
les derniers mots de Giordano Bruno : « Plus on est intelligent, plus on est couillonné ».
l’enfant ancré dans un rationnel cartésien qui fait l’expérience du doute ;
il y a Bluff :
Bluff, est une ville de l’Utah aux États-Unis. On y joue au poker, où le bluff repose sur le principe d’abuser l’adversaire pour qu’il admette qu’on bénéficie d’un jeu éloigné de celui que l’on a véritablement. Ne pas confondre avec « Buffle » l’animal, car aucun buffle ne se trouve à Bluff ;
il y a le je-m’en-foutiste stalagtiste ;
la gueule enfarinée des soiffards au crépuscule ;
le nouveau drapeau français qui sera divisé en trois bandes verticales : vert absinthe ; noir charbonneux et jaune flavescent ;
les amas de galaxies qui n’existent pour le commun des mortels que sur le papier ;
la demande en « subversion » en trois exemplaires ;
l’allergie aux personnes qui, en s’approchant de nous, donnent l’impression de le faire par quelque avilissement de leur caractère ;
le cheveu qui est plus long que le poil ;
la squatteuse qui cherche inconsciemment à se faire violer ;
la série des séries :
blanchis-serie, bras-serie, bros-serie, carros-serie, cocas-serie, finas-serie, huis-serie, jacas-serie, paperas-serie, pâtis-serie, peaus-serie, rêvas-serie, ros-serie, rôtis-serie, tapis-serie, tracas-serie ;
l’artiste sans œuvres qui est le témoin de l’idéologie du « sans » :
on procrée sans père ni mère ; le nucléaire est paraît-il sans risque ; les villes se veulent sans pollution, sans bruit, les sociétés sans chômage et sans délinquance. Mais l’on crée des sans abris, des sans papiers, des sans emploi et l’on rêve de parcours sans-faute ;
il y a ma devise ancienne : cracher me donnerait presque des remords ;
l’écologiste, ce défenseur de la nature qui dit beaucoup trop de mal du phylloxera ;
le fait qu’on sente le repas en début d’après-midi ;
des exemples de mots de passe informatiques :
ulbzXUN - hKwM0yc - HN8lBSm - u0Shx5E - tOcRWQt - LJPhkjB - Pl78GUv - XVhqsso - tJj8KqC - PoiBe5k - hzt4JRq - dxMKoDO ;
il y a le tupperware qui porte des traces de pneu ;
la survie après l’horreur ;
l’ange qui passe dont il ne reste que du vent ;
mon installation dans une église d’une enseigne lumineuse de pharmacie, croix verte clignotante en néon, mise à la place du crucifix au-dessus d’un autel baroque du XVIIIe siècle (1999) ;
le pillage du tiers-monde ;
le Togo, ce pays tétanisé par 37 ans de dictature ;
les choses qui nous font appartenir au monde aussi longtemps que l’éphémère durée des vagues ;
l’âme selon Georg Christoph Lichtenberg : « On affirmait à quelqu’un que l’âme est un point, à quoi il rétorqua : pourquoi pas un point-virgule, elle aurait ainsi une queue. » ;
il y a la mère qui s’accroche à son fils quand il cherche à déménager (40) ;
le prière d’insérer où il est dit que les veines peuvent servir d’encrier ;
les Bienheureux qui sont chauves en esprit ;
le « Mont de Vénus », sur les lignes de la main, que l’on blesse le plus souvent ;
la culotte rose et légère à porter d’Andy Warhol ;
le démon dans l’âme ;
cette belle journée où l’homme créa Dieu, avant de créer la femme, c’était à l’heure du thé et aucune femme ne pouvait encore le lui servir ;
la formule : « Travailler plus pour gagner moins ! » ;
le bruit sous la mousse ;
le profit qui sert de valeur morale ;
l’intrigant polychromiste,
les yeux qui sont trop loin du nez pour le voir ;
il y a l’idée pour laquelle on est prêt à mourir ;
l’interjection : « Saloperie ! On est voué à connaître les emmerdements ! » (6) ;
la cantatrice fauchée par un quarante tonnes sur une route verglacée ;
les décades de répression du Tibet par la Chine ;
la devise du chapardeur : qui vole un œuf méprise les dictons ;
la mort : c’est parce que nous sommes curieux jusqu’à l’indiscrétion que nous mourons ;
les choses qui finissent à la longue par se déformer ;
la phrase qui comporte six mots, (celle-ci). La phrase qui ne comporte pas six mots, (celle-là).
il y a les velléités révolutionnaires et les contestations du capitalisme ;
l’idée qu’il est sans comparaison plus facile de jouer au yo-yo quand on n’en a pas ; que de s’en défaire quand on a ;
l’envie d’hurler qu’entre ce que Dieu pense, ce qu’il veut dire, ce qu’il a envie d’entendre et ce qu’il entend, il soit logique qu’on ait des difficultés à se confier à lui. Dieu, vous êtes le plus enquiquineur depuis Bossuet ! (82) ;
il y a les cris du hérisson hystérique ;
l’hommage rendu à Sa majesté Madame Durand ;
le libraire d’une bourgade conformiste qui met en vitrine Les Cent Vingt Journées de Sodome du Marquis de Sade ;
le baltringue de la Rue du Mort-qui-trompe ;
le photographe de mode, jeune, riche et célèbre qui meurt d’un infarctus ;
l’envoûté qui ne sait plus d’instinct éviter les coups du sort ;
le vent et moi qui sommes à vendre ;
la controverse : « Comment facturer un acte intellectuel ? » ;
nos pensées : pourvu qu’elles répondent à des perceptions que nous avons le sentiment d’avoir vécues ;
les derniers mots de Charles Baudelaire : « Non ! Crénom ! » ;
le moment où je partirai, en m’envolant un jour de fête dans un délire sans queue ni tête, sans l’assurance de voler bien haut ;
les passants sous la pluie rentrant chez eux précipitamment ;
les Thaïlandaises immigrées en Australie qui sont mariées sur catalogue et par correspondance ;
la méthode artistique recourant au monde ordinaire ;
le guide des lieux hantés par un miracle ;
le pousser de caillou avec les pieds ;
la crainte au matin d’avoir oublié quelque chose de sa nuit (68) ;
l’homme du commun qui est quotidiennement pris pour une vedette ;
le sceptique qui pense qu’il en fallut du temps à l’homme pour s’apercevoir qu’il est douteux d’être sans doute ;
l’œil gauche qui nage tandis que l’autre se noie ;
le mois d’avril où l’on ne se découvre pas d’un livre ;
le tarin chez Crotti : « Le nez est l’organe qui gêne les hommes pour comprendre. » ;
tes stances qui se chargent de la voussure de mon pied ;
le pape ultra-réactionnaire Benoît XVI qui voue une haine au féminisme, aux homosexuels et condamne la contraception et l’avortement ;
les gens qui savent vendre leurs idées ;
il y a les Charlie :
Charlie Chaplin a lancé à Charlie Brown : « Alpha, this is Charlie ! ». L’autre lui a répondu « Allô Papa Tango Charlie ! ». Winston Churchill, lui, a nommé son perroquet Charlie parce que son volatile se droguait. En anglais, ce mot d’argot est utilisé par les drogués pour désigner la cocaïne. Le perroquet criait un air de saxophone du jazzman Charlie Parker. C’est en saxophonant qu’il franchit le Checkpoint Charlie, un point de passage du mur de Berlin.
le D comme « Dharamsala » : mot n’utilisant qu’une seule voyelle ;
il y a l’huître aux yeux d’améthyste ;
le détenu qui est suspecté d’avoir commis cent meurtres, dont un seul a été reconnu ;
les Pirates des Caraïbes en Playmobil ;
le record à battre : résoudre un problème avant qu’il ne surgisse ;
les choses qui entraînent dans leur chute celles qui se portent à leur secours ;
les couillonnades spiritualistes ;
le nudisme comme revendication d’ordre révolutionnaire ;
le service public : affranchissons-nous de cet engourdissement où nous ramène insidieusement la pression de nos chinoiseries administratives ;
l’énigme d’avoir toujours une fermeture éclair coincée ;
l’accélération des cadences en usine ;
Choufleury, le contemplatif, qui se demande si l’homme est bon (52) ;
il y a la « providence » : autant secouer le contenu d’un sac et se convaincre que si tout ne tombe pas par terre, c’est que le bon Dieu aura sorti ses bras du ciel et l’aura attrapé au vol (83) ;
le pétassoïde conassiforme ;
le monde en trompe-l’œil, sans sève ni femmes, ou peu s’en faut ;
les chaussures à talons qui n’ont pas la vie belle ;
le peaufineur de bouts-rimés ;
la peinture où l’on en vient à être davantage intéressé par ce qu’il y a en-dehors du cadre ;
la sortie du coma à travers les paupières plissées ;
l’éloge de l’absurde par Samuel Beckett : « Je ne suis pas Anglais. Au contraire » ;
le film américain « Mulholland Drive » réalisé en 2000 par David Lynch ;
le sens du paradoxal chez le poète exalté ;
l’évadé qui est l’objet d’une battue exceptionnelle avec l’aide de chasseurs à cheval ;
les derniers mots de Raoul Dufy : « Pourquoi a-t-on éteint la lumière ? » ;
le crépuscule : l’heure la moins reluisante qui porte joie et paix aux combattants ;
l’Amérique lasse de la guerre en Irak ;
l’arrestation (souhaitée) d’un réseau de dictateurs potentiels ;
le bleu :
les chauves en esprit sont bleus. Leur tour d’ivoire est bleue. Leur nec plus ultra est bleu. Leur goût pour l’épilepsie est bleu. Leur esprit est zébré de bleu. Les parois de leur crâne sont bleues. Leurs raisons d’être sont bleues. La totalité des choses n’est pas bleue. (7)
il y a les écologistes qui ne sont pas plus des oiseaux de mauvais augure qu’ils ne sont les Nostradamus du XXIe siècle ;
l’onomatopée née du bruit du rat qui grignote,
le mal de mer du premier ministre ;
les fameuses « Gymnopédies » du compositeur français Érik Satie ;
le fait d’être inconstant, quand je pense je me contredis ;
il y a le Square Clignancourt à Paris où circule la nuit un train radiocommandé ;
le parasite qui trouve le moyen de subsister chaque jour grâce aux cocktails ;
l’idée assez absurde pour la faire accepter ;
la petite Ya-Ya qui s’illumine d’un immense éclat de rire et frappe comme l’éclair
l’imagination érotique ;
le cri du cœur : « Du décérébré ; délivrez-moi ! » ;
le célibataire qui préfère la fuite à l’engagement ;
notre manière de manger, du bout des dents ou de bouffer à plein bec, qui influe sur notre manière de penser ;
les risques liés au clonage humain ;
les naufrages en mer titrés en noir dans les journaux ;
le dépassement des attentes de celui qui nous traite de branquignol en l’étant davantage ;
les personnes déclarés persona non grata ;
le mézigue encapuchonné ;
les choses que j’ai peintes en blanc : sols, murs, plafonds, portes, fenêtres, chaises, tables, étagères, livres, abat-jours, vêtements, chaussures, moi ;
la liste de « il n’y a pas » :
il n’y a pas que les clous qui sont tordus ;
il n’y a pas assez de pédagogie de la paix ;
il n’y a pas d’âge pour vivre sa vie ;
il n’y a pas de « bonne » fessée ;
il n’y a pas que des cèdres au Liban ;
il n’y a pas de guerre propre ;
il n’y a toujours pas de grand soir ;
il n’y a pas assez d’enfants ;
il n’y a pas d’imprévu favorable ;
il n’y a pas de petite atteinte à la liberté d’expression ;
il n’y a pas que les souris qui sont vertes ;
il n’y a pas plus de racisme ici qu’ailleurs ;
il n’y a pas de recette miracle ;
il n’y a pas qu’une seule façon de penser ;
il n’y a pas de mal à se faire du bien ;
il n’y a pas de capitalisme à visage humain ;
il n’y a pas de raison de rester les bras croisés ;
il n’y a pas que le tabac qui tue ;
il n’y a pas de solution à toutes les questions ;
il n’y a plus d’esquimaux à l’entracte ;
il n’y a pas de futur sans nature ;
il n’y a pas que la vérité qui compte ;
il n’y a pas cette idée qu’on peut faire confiance à une machine ;
il n’y a pas d’avenir sans pardon ;
Il n’y a pas de limites à ce qu’on peut donner ;
il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas comprendre ;
il n’y a pas en France de trêve des expulsions ;
il n’y a pas que la publicité pour communiquer ;
il n’y a pas si loin de la coupe aux lèvres ;
il n’y a pas de sujet tabou ;
il n’y a pas assez de place en enfer ;
il n’y a pas de vaccin contre la connerie ;
il n’y a rien qu’on ne puisse comprendre ;
il n’y a pas de quoi sourire ;
il y a l’appareil qui mesure l’intensité d’un sourire ;
le fragment d’une œuvre guère plus grande qu’un mouchoir ;
il y a l’anadiplose hasardeuse :
le hasard fait bien les choses, les choses se disent en peu de mots, les mots ne sont pas que du vent, au vent on n’impose nulle direction, les directions changent le destin, le destin s’accomplit par hasard.
il y a la Joconde qui est l’épouse de Dieu. (8) ;
il y a la finalité de l’érotisme qui est de nous faire comparer ensemble deux femmes par le truchement d’une troisième ;
le renouvellement perpétuel de la pensée ;
l’application d’une loi dans le Reich ordonnant aux Juifs de faire appliquer un tampon « J » sur leur passeport (5 octobre 1938) ;
le résidu de fausse couche ;
le musicien qui n’aboutit jamais qu’à préchauffer les semelles d’un bruiteur ;
les ogres qu’on embecque au biberon ;
le négociant en tonnerre ;
l’intérêt de penser que tout revient au même et réciproquement ;
les humains qui sont vivants : il y a des statistiques là-dessus ;
l’utilité de rencontrer des gens qui ont eu une petite expérience de la mort ;
l’expert en questions boursières pour survivre en open-space ;
l’inventaire des stations de métro sacrées :
Saint-Ambroise, Saint-Augustin, Saint-Denis, Saint-Fargeau, Saint-François-Xavier, Saint-Georges, Saint-Germain des Pré, Saint-Jacques, Saint-Lazare, Saint-Mandé-Tourelle, Saint-Marcel, Saint-Maur, Saint-Michel, Saint-Ouen, Saint-Paul, Saint-Philippe du Roule, Saint-Placide, Saint-Sébastien-Froissart, Saint-Sulpice ;
il y a ces Messieurs Alzheimer et Parkinson ;
le titre dans un journal « Quand polluer devient un droit » ;
les pensées qui, inéluctablement, reviennent à soi, inchangées, aussi butées qu’un boomerang ;
les choses qu’on accomplit d’une main négligente ;
la logique qui est la pire des absurdités ;
l’entrée dans les ordres par une oreille, qui mène à tout à condition d’en sortir par l’autre ;
le clitosaure de Brontoris ;
il y a l’arbre qui décuple la force de celui qui le déracine ;
l’enfant qui découvrit assez tôt la férocité de la nature humaine ;
ce que l’on ne peut jamais justifier, quelque raison que l’on puisse faire valoir ;
il y a le désespoir qui nous afflige ;
la littérature où l’on se restreint aux livres destinés à ne demeurer que des titres ;
les truands qui ont une tête à caler des roues de charrette ;
la vie, par l’amoncellement des détails ;
une courte liste de listes :
la liste des maladies des mollusques (affligeante) ;
la liste des personnes surveillées par la police (précieuse) ;
la liste du dernier mot de 20 romans (irrésistible) ;
la liste d’événements déroulés un 29 février (restreinte) ;
la liste des prénoms à éviter (urgente) ;
il y a le policier qui, en perdant sa fille, se refuse de croire à la thèse de l’accident ;
l’écrivain français Jacques Rigaut qui se suicide en 1929. Il a dit : « Le suicide doit être une vocation. » ;
les amis des journalistes qui leur donnent à manger ;
le pénis : la partie noble de l’homme qui, déclarée à la naissance, figure en photo sur le registre d’état-civil (58) ;
la géographie à bout de souffle où s’en va plaider le vent ;
l’overdose de mélancolie ;
la mort : en l’attendant, on nous conduit à l’aliénation. Que l’on creuse là avant d’être bon à enfermer ;
les certitudes qui sont faites à nos dépens ;
la soumission aux hommes qui font de si grandes choses pour nous engourdir ;
la peinture intitulée « Le Dresseur d’animaux » (1937),de l’artiste Francis Picabia. Il a dit : « La plus belle découverte de l’homme est le bicarbonate de soude. » ;
mes cadeaux d’anniversaire : plein de cendriers viennent à moi lorsqu’ils ne me servent plus,
les frères jumeaux aux pardessus identiques ;
l’inventaire des pays favorables au maintien de la peine de mort :
Afghanistan, Albanie, Algérie, Antigua-et-Barbuda, Arabie saoudite, Arménie, Azerbaïdjan, Bahamas, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Bélarus, Belize, Bénin, Botswana, Bulgarie, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Chine, Comores, Cuba, Dominique, Egypte, Emirats arabes unis, Erythrée, Estonie, Etats-Unis d’Amérique, Éthiopie, Fédération de Russie, Gabon, Ghana, Guatemala, Guinée équatoriale, Guyana, Inde, Indonésie, Iran (République islamique d’), Irak, Jamahiriya arabe libyenne, Jamaïque, Japon, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, Kirghizistan, Koweït, Lesotho, Lettonie, Liban, Libéria ; Lituanie ; Malaisie ; Malawi ; Maroc ; Mauritanie ; Mongolie ; Myanmar ; Nigéria, Oman, Ouganda, Ouzbékistan, Pakistan, Qatar, République arabe syrienne, République démocratique du Congo, République démocratique populaire lao, République de Corée, République populaire démocratique de Corée, République-Unie de Tanzanie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Sierra Leone, Singapour, Somalie, Soudan, Swaziland, Tadjikistan, Tchad, Thaïlande, Trinité-et-Tobago, Tunisie, Turkménistan, Ukraine, Viet Nam, Yémen, Yougoslavie, Zambie, Zimbabwe, (total : 90 pays) ;
il y a les scoubidous à faire soi-même ;
l’idée solennelle dont on se fiche éperdument ;
le caissier de la Crocker National Bank de San Francisco ;
les arbres selon Raymond Queneau : « Il y a deux sortes d’arbres : les hêtres et les non-hêtres » ;
la chaise pour incontinents du troisième âge ;
la philosophie du miroir : il est bon de s’admirer, même si son propre visage sécrète un ennui intérieur, même si la haine de soi est chose beaucoup plus claire que de s’aimer ;
il y a le nuage du dix-huitième siècle mal inspiré d’apparaître à présent ;
le dépressif qui se fait soigner par un prêtre exorciste ;
il y a un faux-semblant de la connerie tellement généralisé qu’il est considéré comme irremplaçable. Qu’on ne trouve pas étrange que nous cherchions à nous perdre dans un chaos de controverses libertaires ;
le chat qui pè-pète dans la soie ; tandis que le chien chie-chie dans la colle (9) ;
il y a sa vie que chacun ne désire pas donner ;
l’enregistrement du moteur d’un boeing qui fait bizarrement entendre ce refrain :
« Être con, c’est humain ! » ;
le rossard chaperonné en duffle-coat ;
le bibliothécaire qui a connu une fièvre qui l’a amputé de ses souvenirs ;
la Birmanie, Fidji, la Libye et la Guinée équatoriale qui sont des pays dirigés par des dictatures militaires ;
le gougnafié qui écrit des livres dans sa tête (49) ;
mon lancer de coton-tiges sur un car de CRS : (record : 3084 bâtonnets, 1997) ;
le désespéré pendu par le cou au bout d’une poutre ;
la marotte de se métamorphoser en grain de sable pour qu’on nous ramasse avec une pincette d’horloger ;
les choses qui ont été dites par des morts que nous avons cessé de chérir ;
l’homme, qui croit qu’il est heureux, veut tout bonnement dire qu’il a des problèmes qui ne l’atteignent pas ;
les goélands recouverts de cambouis ;
l’a priori que dans les grandes choses, s’il nous prend à philosophailler, il faut changer d’idées. Nous ajouterions foi à ce que nous imaginerions vivre ;
les petits chefs de bureau qui dominent le champ idéologique de l’ensemble du corps social en imposant ses valeurs ;
le soupçon réorchestré, tel un guidon de l’esprit, à l’aube d’un millénaire où le cauchemar apocalyptique lui donne sa pleine actualité ;
les politiciens ne se produisant qu’à la télévision ;
il n’est pas trop tard pour qu’on se transforme en ce que nous aurions pu ressembler ;
il y a les mots contenant le mot « rien » (qui s’ingénuent à n’avoir aucune valeur) :
aérien, agrarien, antiaérien, bactérien, cambrien, césarien, désorienter, dorien, épicurien, expérience, faubourien, galérien, grammairien, grégorien, historien, hitlérien, jennérien, népérien, orientable, orientaliste, orienter, ovarien, presbytérien, prétorien, prolétarien, ptérosaurien, quadriennal, réorienter, rotarien, saharien, saurien, shakspearien, silurien, sumérien, terrien, transsibérien, triennal, triennat, unitarien, vaurien, végétarien, vénérien, victorien, voltairien, wagnérien ;
il y a le shampoing pour fruits et légumes ;
le doigté de charabia poétique expurgé d’une promenade dans un cimetière ;
le con authentique qu’on ne songe pas à considérer comme malade ;
la confidence du fou : vis de manière à pouvoir te vermifuger au moment où ton cœur devient trop nauséabond ;
le boustrophédon du bachibouzouk à la cervelle d’or : ;
les derniers mots d’Archimède : « Ne dérangez pas mes cercles ! » ;
la parole de l’ermite : chacun vit ses goûts et ses points de vue de la manière la moins partageable qui soit ;
les choses qu’on n’oserait confier à personne ;
l’ardent défenseur des droits de l’homme qui bascula dans la collaboration ;
les petits détails de la vie qu’on néglige ;
le refus des médias : c’est reposant de ne pas être informé de tout. Cela empêcherait presque que les événements se réalisent ;
la haute idée qu’on se fait de soi-même ;
la sieste au travail parmi dix collègues ;
le schizophrène qui pousse son voisin de palier dans la cage d’escalier ;
les toilettes où l’on ajoute le rince-doigts que l’on trouve dans les restaurants de crustacés ;
il y a ce qu’on imagine éprouver ;
les réflexions qui nous prennent à la gorge et qui ont le devoir de nous faire entrer en dissidence ;
la Bretagne : quand on ne voit pas Dieu en Bretagne, c’est qu’il pleut et quand on le voit, c’est qu’il a cessé de pleuvoir. Quand on ne le voit plus, c’est parce que Dieu n’est pas breton. Il en ressort qu’un Dieu qui n’est pas clair n’est pas français.
il y a la lecture en moyenne de vingt pages d’un livre blanc, en prenant soin de placer un marque-pages de manière à retrouver l’endroit où on en était la veille ;
la fichue érection de l’archange Gabriel (10) ;
le nabab pleutre ;
l’acharnement thérapeutique qui consiste à mourir inconscient, intubé, gavé, perfusé et anesthésié ;
les exécutions en série au Japon ;
l’enseignement d’une figue : ne tombez pas avant d’être pourri ;
l’aveu : je n’aime pas me montrer à la hauteur d’une chose que je sais savoir faire ;
le secret des avalanches transmis par des assassins ;
ma vie qui n’est qu’un long effort pour échapper au plein de l’existence ;
le graffiti du huit-fois-difforme, ni fuyard ni si lointain ;
le modélisme avec ses petits soldats, plus petits que les grands, mais plus grands que les petits ;
les jeux d’eau qu’un pur esprit a laissés sur l’éclat de ta peau ;
l’enfant issu du croisement d’une déité jalouse et d’un fétiche priapique ;
le chemin trop long à qui marche lentement ;
l’amoureux joyeux, même s’il est à cheval sur une girafe morte ;
le tueur à la mâchoire carrée qui marche comme Robocop ;
le coup de gueule : nous ne manquons pas de prêtres et de politiciens qui entre la dérouillée et le bâton voudraient nous faire choisir ;
la raison devenue le dieu des philosophes ;
la mise en garde : je ne suis pas un jouet, confiez une copie à vos enfants plutôt que l’original (43) ;
le bubon puant, mélange de latrines, de tombeaux et de vomis d’ivrogne ;
les musées qui accordent de grands éloges aux œuvres quand on les leur donne ;
l’arrivée, le 12 octobre 1999, du « six milliardième homme » ;
il y a les Delta :
La lettre Delta est équivalente au D de notre alphabet. Si l’on substituait le « D » par un « F », ou par toute autre lettre, cela ne voudrait rien dire. Heureusement, le Rhône, le Gange, le Nil et le Mékong, sont des fleuves dont l’embouchure forme un delta et convergent tous à Delta, une ville du Canada où, en finance, le Delta est un indicateur de risque. Curieux hasard !
il y a le choix entre l’histoire et l’amnésie ;
« Le caméléon (de François Cavana) qui n’a la couleur du caméléon que lorsqu’il est posé sur un autre caméléon » (55) ;
le bureaucrate qui n’en finit pas de mettre en forme un roman qu’il sait raté ;
les idées contradictoires qui répondent à leurs impératifs et qui ne laissent pas le choix de l’une ou de l’autre ;
le trolley-bus hallucinant d’Oulan-Bator en Mongolie ;
la grande prouesse qui est de durer sans jamais cesser d’être ridicule ;
les troubles nerveux liés à un état d’anxiété ;
l’assurance de ne se poser que les questions qui comptent et de ne retenir que les réponses qui nous plaisent ;
les idées du pauvre qui ont rarement le dessus ;
le citron qui est seul dans l’immensité indifférente de l’univers fruité d’où il a émergé par hasard ;
les prénoms féminins qui figurent à la lettre A de mon carnet d’adresses :
Armelle (sœur (26) ) ; Annabelle (rousse) ; Alison (anarchiste) ; Anouk (célibataire) ; Alyne (Sagittaire) ; Aicha (mensurations : 90 60 85) ;
il y a les crocodiles qu’on croque à même la peau ;
les artistes qui, en cas de danger, disparaissent par les égouts ;
après les signes de croix impossibles à justifier, rien dans les radiations de l’atmosphère ne mérite plus d’être pensé ;
l’index intitulé « Mea Culpa » dans lequel je nomme la plupart des personnes auxquelles j’ai causé éhontement durant ma vie nombre de désagréments (1994) ;
le miracle de voler dans les airs ;
le robot conçu pour se curer le nez. Mais tout cela finit par faire le même effet qu’un cours de biologiste sur des poissons rouges en aquarium.
il y a l’onomato-poème : pas moyen de sortir des interjections de l’épileptique ;
la mendicité devant une banque (record : 3 jours d’affilée, 1979) ;
les mots en symbiose plaqués joue contre joue ;
le fracasseur de tétine ;
la réplique à la mort : en ne prétendant à rien, je tire à tout ma révérence. Ne puis-je aussi y bazarder mon âme ?
les bidonvilles, lieux d’exclusion et de marginalité ;
celui qui vous parle de vous comme s’il n’avait jamais connu personne d’autre ;
le comportement hétérodoxe d’un hétérosexuel aux liaisons hétéroclites ;
le crooner, fan de Bing Crosby, mais qui n’est pas franchement beau ;
le yéti baveux des montagnes épouvantées ;
le mot « ego » que j’ai construit en Légos, intitulé « Le Tout-à-l’Ego » (1999) ;
la culture impérialiste de l’Occident ;
l’urgence de procéder à l’élimination du « z » minuscule ;
la belle plante qui pourrait supporter sans souffrance qu’on lui dise qu’elle n’est pas un être humain à part entière ;
la lie des habitudes qui allonge la corde des jours perdus ;
les bandelettes des momies ;
la solitude qui est pour moi l’état idéal quand ma vie se perd dans une distorsion temporelle, sur des échafaudages de gratte-ciel, où une mouette rieuse m’a crevé un œil ;
l’expert, c’est une opinion ; deux experts, c’est la contradiction ; trois experts, c’est la confusion ;
il y a le droit de vote au Cameroun qui est carrément confisqué ;
la saturation du trafic sur autoroute à l’heure de pointe ;
la nostalgie de ce qui n’a pas été et le désir de ce qui aurait pu être ;
les prises de positions extrêmes de freluquets bourgeois et rouspéteurs ;
l’amnésique qui ignore s’il est agent secret ou cantonnier ;
le choix de naître ou de ne pas naître : là est la question ;
les zygomatiques que j’utilise pour me passer moi-même à la moulinette ;
les petits objets fixés intitulés « Merz Picture 46 A », de l’artiste Kurt Schwitters ;
les bulletins de santé du dictateur ;
les marques qui ont déserté ce livre : Valcatel, Houygues, Sarrefour, Thristie’s, Club Ned, Zanone, Hasssault, Jior, Fermès, Bagardère, Xicrosoft, Dublicis, Société Lénérale, Huez, Civendi Puniversal ;
il y a le séquençage du dernier chromosome du génome humain ;
la liste des lieux imaginaires situés sur notre planète ;
la vérité qui prend un air d’insolence ;
le voisinage : si l’on ne choisit pas ses voisins, la vie devient vite insupportable ;
le Bouddha qui est cet état de l’être qui n’a besoin de rien pour se sentir ravi ;
le plus haut point qui ait été atteint ;
le dernier mot de douze romans :
« quotidienne. » - Michaïl Boulgakov - Les Aventures de Tchitchikov.
« donner ! » - Léon-Paul Fargue - Déjeuners de soleil.
« réfrigérateur. » - Richard Brautigan - Un Privé à Babylone.
« s’arrêter. » - Fédor Dostoïevski - Les Carnets du sous-sol.
« blanche. » - Milan Kundera - La Plaisanterie.
« aimer. » - Romain Gary - La Vie devant soi.
« cheval. » - Edgar Poe - Histoires extraordinaires.
« habiter. » - Georges Perec - La Vie mode d’emploi.
« fées. » - Nathalie Sarraute - L’usage de la parole.
« exécrable. » - Thomas Bernhard - Maîtres anciens.
« plus. » - Louis-Ferdinand Céline - Voyage au bout de la nuit.
« nez. » - Nicolas Gogol - Le Journal d’un fou.
il y a les empafés d’indics de la basse flicaille ;
les conflits à éviter : il est plus simple d’attendre qu’on ait changé d’avis ;
l’idée qui dépend de la place qu’on lui donne ;
les cheveux crépus de la Princesse aux petits pois ;
le testament : demandez à vos héritiers de vous changer trois fois de cimetières ;
l’odeur de l’homme sans odorat ;
l’impossibilité bilatérale d’en découdre avec les pays voisins qui ne consentent pas à sortir de leur enfer, pareillement partagés entre l’horreur et l’attirance ;
les hyènes qui sont prêtes à déchirer la chair d’un voyageur tombé à terre et qui serre les poings ;
le téléphone : un peu surpris, je laisse sonner pour ne pas basculer dans un autre monde sans que je n’y prenne garde (66) ;
l’immeuble du n°9 de la rue d’Aubervilliers à Paris dans le 18e ;
les inégalités face à la mort ;
l’aurore qui a besoin de flambeaux pour être vue ;
le M comme « Méditation » : pourquoi rester assis à méditer si l’on peut employer ses journées à ne rien penser ?
le broyeur de scions méphitiques ;
la juive éthiopienne qui est retrouvée découpée en rondelles sur les bords du Rhin ;
l’écorce du poème où le bois est mis à nu ;
les genoux de l’hypocampe qui ne se plient pas dans l’autre sens ;
les injures célestes jaillies de notre haleine ;
les heures passées à ne regarder à la télévision que les génériques ;
le pianiste qui joue avec un sérieux qui confine au désespoir ;
le onzième commandement : si tu ne t’aides pas, le fiel t’aidera ;
la discrimination à l’emploi des personnes d’origine étrangère ;
les fous qui ne vont plus à l’asile ;
la découverte que Dieu est marron, surtout pour des raisons techniques, car il vit dans un brouillard roux et poisseux qui sent la tuyauterie au kérosène ;
il y a les devins qui savent d’avance si la côtelette sera trop cuite ;
la météorologie narrative à l’usage des romanciers :
5 h. Une lumière opaque tombait d’en haut...
6 h. Un vent entêtant soufflait à vous couper la respiration...
7 h. C’était une froide matinée de septembre...
8 h. Le brouillard était si épais qu’il dérobait à la vue les arbres voisins...
8 h 30. Fraîcheur de la brise du nord...
9 h. Un tiède soleil tombait dans la cour...
9 h 30. Nulle chose n’arriva à cette heure-là...
10 h. Aucun nuage, même éffiloché, ne dérivait au gré du vent...
11 h. Il y eut un glissement de l’air, une bruine chaude...
12 h. Une douce chaleur rendit les rues désertes...
13 h. Quelle journée admirable !...
14 h. Il se formait des mirages dans l’air...
15 h. L’herbe était surchauffée.
16 h. Le soleil tapait au plus fort...
16 h 30. Les nuages fourbus disparaîssaient...
17 h. Entendu à la radio : « L’installation d’un temps estival n’est pas remise en cause, mais les conditions anticycloniques faiblissent à l’approche d’une perturbation atlantique. Avec l’air chaud présent sur le pays, une tendance orageuse ponctuellement violente se développera dans l’Ouest à partir de la fin d’après-midi...»
17 h 45. La lumière devint rasante...
18 h. Le soleil fut happé par l’horizon, strié de nuages poreux...
19 h. En fin d’après-midi, l’air était plus frais...
19 h 30. Silence des éléments. Les grillons venaient de se taire...
20 h. La campagne s’endormait déjà à moitié...
20 h 30. Une dernière convulsion solaire...
21 h. La lune était en son plein, et vingt et une heures avaient sonnées...
22 h. Une averse tambourina contre les carreaux...
22 h 30. Le côté mer était dégagé...
23 h. La nuit sans étoiles était d’une épaisseur d’encre...
24 h. Morsure du froid sous un ciel d’inquiétude... (73) ;
il y a la vie calamiteuse du bourreau pour lequel la mort sera une compensation ;
le salariat : pour nous calmer, on nous mensualise ;
la crevaison des pneus de tous les 4x4 ;
le yogi : quand je suis spectateur de ma vie sans y prendre part, me voilà délivré de la difficulté d’être ;
le désir de n’avoir plus de coup de foudre pour une femme sans que je ne m’esclaffe ;
la chance qui a toujours été une injustice ;
le Musée du Vide : l’avènement du plein, c’en est trop ! Le trop plein, c’est de l’intox. S’il ne fallait sauver qu’un musée, ce serait celui-là : un espace, comme une église, où l’on ressent l’absence de Dieu. Le Musée du Vide, c’est les locaux moins les murs ;
il y a la jouissance d’avoir mécontenté plus de vaniteux qu’aucun de mes pareils ;
le grand embrasement mental qui mécaniquement se répète ;
la fanfare, lancée à toute volée, qui n’en finit pas de s’accorder ;
la rencontre (supposée) d’une Olivia et d’un Antoine à l’exposition universelle de 1900 ;
les xénophobes en lune de miel à New York ;
le H comme « Hygiène » : je me débarbouille avec un seul doigt ;
Le 4 avril 1968, l’assassinat de Martin Luther King qui restera pour l’humanité l’icône du combat pacifique pour l’égalité entre Noirs et Blancs ;
l’ancienneté de Dieu : son âge se calcule en additionnant l’âge qu’il se donne avec celui qu’on lui attribue et en divisant par trois ;
ma devise inspirée par André Gide : « Choisir, c’est se priver du reste » ;
il y a le silence radio ;
les choses qui ne sont jamais dites qu’à demi ;
l’imagination fantasque qui permet de s’accommoder des niaiseries de la vie ;
la camaraderie amoureuse ;
Les artistes nommés : Leurs Altesses Eminentissimes Ex Néo Post Trans Avant-Gardistes ;
l’âme de Madame qui me fait songer tout ensemble à celle de Leconte de Lisle pour l’attitude olympienne, à celle de Banville pour la joie lyrique et à celle de Verlaine pour les perversités ;
Georges Feydeau : « Comment veux-tu que je te comprenne !... Tu me parles à contrejour, je ne vois pas ce que tu dis. » ;
il y a les ex-voto :
Un ex-voto à sainte Rita, patronne des causes désespérées, se trouve dans l’église Saint-Germain-des-Prés. J’y ai vu un marin qui a déposé une bouée, un bout d’épave et une ancre de Miséricorde. Aujourd’hui, on y emmagasine des t-shirts sportifs, des volants d’automobiles, bouquets de mariée et médailles militaires. Les‑maillons d’une chaîne porte-bonheur virtuelle qu’on envoie électroniquement peut faire aussi recette.
il y a l’ex-marxiste qui cambriole un ancien sbire de Pinochet ;
le fameux « Quatuor pour la fin du temps » (1941), du compositeur Olivier Messiaen ;
le scaphandrier en eau de vaiselle ;
les noms de certains critiques d’art, que j’inscrivis sous la plante de mes pieds, de manière à les piétiner toute la semaine (46) ;
les derniers mots de Louis Aragon : « Je fais ce que je peux ! » ;
le nautile en mal de vie ;
l’écrivain ne publiant plus que des livres qui peuvent le faire mousser ;
l’accident mortel dans un virage scabreux ;
la profession de foi : croyant ou athée, l’entre-deux ne vaut rien ;
la vie qui serait du tonnerre si les baleines étaient moins grosses ;
les grenades lacrymogènes et les matraques en mai 1968 ;
la liste de questions (dont l’une d’elles est intruse) :
Quel a été le mécanisme du Big Bang ?
De quoi l’univers est-il fait ?
Sommes-nous libres ?
Qu’est-ce que le temps ?
Qu’est-ce que l’espace ?
Qu’appelle-t-on évolution ?
Comment vivre ensemble ?
Où se procurer un visa ?
La vie a-t-elle un sens ?
Qu’est-ce que l’homme ?
Pourquoi le mal ?
Que puis-je espérer ?
Peut-on apprendre à mourir ?
Qu’est-ce que l’être ?
il y a la musique : je n’assiste qu’aux débuts des concerts, quand les orchestres finissent de s’accorder (51) ;
l’ordonnance médicale : on me prescrit des placebos blancs pour chasser les idées noires ;
les êtres qui rapiècent leurs accoutrements de couennes avec des arêtes d’alevins, ou s’enduisent le coccyx de pigmentations terreuses ;
la petite Alice qui a retraversé le miroir pour se confondre avec ses lecteurs ;
les Églises qui se revenchent de la vie temporelle en lui opposant le phantasme d’une existence supplémentaire, idyllique et élitiste ;
le fils de diplomate qui entretient une relation incestueuse avec sa mère ;
Victor Hugo ? Un dramaturge qui a honte d’avoir mis Quasimodo dans cet état ;
l’endormissement sur des pétales de roses ;
il y a le gestuel :
Le Japonais fait des courbettes pour saluer quand il rentre dans une pharmacie. Il décrit un cercle avec le pouce et l’index pour acheter un préservatif. Puisque le préservatif est pour son usage personnel, il pointe son nez avec le doigt. Si on le lui refuse, il montre qu’il est de mauvaise humeur en cornant ses index dressés sur la tête ;
il y a le cerf qui Brahms au clair de lune ;
la Biélorussie qui est la dernière dictature d’Europe ;
le chat qui ne dort que d’un œil ;
il se trouve plus de différences entre un énergumène et un pignouf que de tel ostrogoth à tel quidam ;
le mou du bulbe et la femme au parfum de verveine ;
mon plafond où j’ai fixé solidement tous mes meubles (1998) ;
les glèbes qu’il faut irriguer par la sueur ; l’asservissement et l’indigence qui augmentent avec le rendement ;
l’album « Seven Steps to Heaven » (1963), du trompettiste et compositeur de jazz Miles Davis ;
il y a le rire des mères dans les yeux des enfants ;
ma collection de photographies de nez intitulée « Nez Zen » (2000) ;
les Coréennes qui furent envoyées dans un camp de l’armée japonaise pour y servir d’esclaves sexuelles ;
la débandade : dès l’instant qu’on parle d’elle, il y a gros à parier que c’est d’autre chose qu’il s’agit ;
les airs de contre-révolution ;
le doyen qui voyage en pensée sur un rai de lumière et dans une histoire cueillie au vol à cause d’une trompette bouchée dont le son monte en lointaine rumeur ;
la déclaration essentielle : grâce à cette manière de tout survoler, curieux et détaché, volontaire et frivole, hypersensible et sardonique, on ne s’investit nulle part ;
l’ordinateur gourmet qui, dans moins de dix ans, fera des recettes qu’on pourra lui faire goûter ;
l’idée de l’artiste devancée par l’émotion ;
la joie, cette chose la moins réglementée qu’on ne peut ni réfuter ni interdire ni blâmer ;
la femme enceinte d’un enfant qu’elle déteste déjà ;
les dédicaces à l’encre sympathique qui nous tiennent en éveil ;
le piéton qui fait le pied de grue ;
les choses que l’homme a pensé sur Dieu qui sont restées douteuses parce qu’il visait à le définir avec le désir refoulé de recevoir des réponses déjà incluses dans les questions ;
il y a l’intranquillité d’être ;
les soirs sans lune ;
les gens qui n’attachent qu’un sens des plus vagues aux mots répétés comme des noms de malheur ;
l’équarrisseur d’allégories en ronde-bosse ;
la sinistrose à la française qui inquiète les gouvernants ;
notre infinitude qui manque de tout au fil des ans ;
l’Occidental : moins il a de vrais problèmes, plus il en a de faux ;
le Margoulin (delirium tremens) :
le margoulin qui vient d’esquiver l’uppercut ne croit pas rivaliser avec une nymphette, mais seulement avec son image nikelée. Toute minime et presque pulvérisable qu’elle soit, sa charade est de même ébriété que la graisse d’où elle sort, et que, à l’occasion, elle peut raboter. D’où il suit que dans l’embrasure manucurée, rien n’est putrescible, à moins que l’oublieuse enflure n’ait été vaine et que par une mimique le regardeur n’ai daigné sécher sa promesse d’en revêtir le parquet. Le dérisoire, l’opprobe ou l’enquiquinant ont des clignotements d’inspiration, dont le seul prisme peut réjouir la migration des hasards ou valider sa lithurgie. Dans la mentalité d’un chignon vespéral, les sobriquets sont bien remuants, mais c’est moins pour nous priver ou nous faire ramasser les nœuds élastiques des grimaciers que pour détartrer l’arrière pays , que les finalistes nous ont mis en quiconque. La quiétude succède à l’herpès et, quand le gaz est battu, ce n’est plus le temps pour le corvéable de regarder les girouettes se faire cingler : c’est celui d’ébouriffer les garces et de multiplier les gourbis. De même qu’on ne gobe pas de limaces devant un cheminot, de même faut-il éventrer nos filets lorsque nous avons lieu de croire que la pacotille acquise représente la valeur d’une moulinette froissée. Telle en géodésie la déviation d’un raccroc toujours plus en marge, plus déviée que la guillochure des résistances qui sans fléchir étanche les bidons de nos duretés feintes (21) ;
il y a les aliments qui sont dotés de vertus amincissantes ;
le dur qui en impose au mou ;
le M comme « Malheur » : on devrait être averti très tôt qu’on n’étale pas son malheur devant un privilégié ;
la lenteur d’un escargot pour faire un mètre ;
la récrimination d’un alcoolique : ne devient pas qui veut clochard de légende ;
il y a l’anadiplose (71) intitulée « Notes en cascade sous un érable » :
Un érable sycomore se dresse au milieu de la place.
La place, c’est l’axe du village.
Au village, les gens gravitent autour de ce tronc.
Le tronc est si large qu’ils y punaisent des messages.
Des messages par centaines différemment colorés.
Ceux colorés en rose étaient d’une Serpolette, très inventive.
Serpolette proposait des heures de ménage.
Le ménage s’est transformé en galipettes.
Des galipettes, finalement, naquit un enfant.
Cet enfant jusque très tard était une fille.
Une fille que nous avons nommée « Colleen ».
Colleen jouait avec des autos sur un tapis de parcours routier.
Ce tapis la fit longtemps se comporter en garçon.
Ce garçon manqué me réclame à présent de l’argent.
Tout l’argent que vaut une vraie automobile.
Une auto virile, décapotable, toute bleue.
D’un bleu qui n’a rien perdu de sa fraîcheur.
D’une fraîcheur qui montre jusqu’où le jaune peut comprendre le vert.
Le vert est la couleur favorite de Jacques Prévert.
Prévert m’a fait aimer la poésie.
Avec la poésie Colleen apprit à lire.
À lire des poèmes écrits à partir d’une poire.
La poire se fend mieux avec un fil à couper le beurre.
Le beurre s’étale fort bien sur les sandwiches.
Je dégotte mes sandwiches à la gare.
La gare est le lieu privilégié des adieux.
Il n’est rien de pire qu’un adieu, si ce n’est un autre adieu.
– Adieu ! Ne te reverrais-je plus jamais ?
Colleen ! Ne réveille jamais un dormeur ! (29)
il y a le chimiste et écrivain italien Primo Levi qui se suicide en 1987 ;
l’ornithorynque qui sent les pieds du bébé qui a crevé sous un meuble (85) ;
« La Première aventure céleste de Mr Antipyrine » (1916), de l’écrivain Tristan Tzara. Il a dit : « Il n’y a rien de plus agréable que de dérouter les gens. » ;
le crâne d’obus qui tape dans ses mains ;
le bénévole qui reçoit les choses avec le même esprit qu’il les donne ;
notre manière de berner le temps ;
le portefeuille pour étoiles bohèmes ;
le moine qui passe son existence comme s’il était un passager dans son propre corps ;
l’habitué des courants d’air mu par une porte battante (32) ;
l’adolescence : l’attente des 14 ans pour pouvoir conduire un cyclomoteur violacé de 50 cm3 ;
le souhait d’être spirituellement méconnaissable, inassimilable, presque un étranger ;
le recours aux artifices de l’esprit ;
les routes mythiques : La Route 66, La Route de la soie, La Panaméricaine, La Carretera austral, La Transamazonienne, La Route du sel au Niger, La Route de La Mecque ;
il y a les conseils donnés sans répit à ton ménate shakespearien ;
le V comme « Vide » : après le vide, tôt ou tard l’emballage !
l’idée à la mode dont on étend le cercle ;
les gens de mer et de terre qui s’empruntent vice-versa leur idiome ;
l’agnostique qui évite du mieux qu’il peut de croire en Dieu ;
la capture d’une mouche sur une carte de géographie, c’est la règle du jeu. La relâcher si l’on tombe sur Barcelone, car l’atmosphère y est irrespirable ;
Philippe Alexandre : « Le difficile dans le désert, c’est de trouver la sortie. » ;
il y a l’abolition de l’animal-esclave ;
la lumière qui essaime sur la chassie des yeux ;
la position qui me répugne à ce qu’on parle de moi, car on me prêterait des choses qui seraient authentiques, démontrées et mathématiquement convenables ;
les hommes d’État qui ne connaissent la misère que par les statistiques ;
les coups de soleil comme des tatouages ;
le S comme « Sagesse » : les premiers pas vers la sagesse sont le libertinage, l’athéisme et la bonhomie ;
le vagabond qui s’embarque pour les USA parce qu’il est affamé ;
le film sur Dieu : je suis incapable de comprendre Dieu en version originale. Pendant que je lis le sous-titrage, l’image de sa face a déjà filé ;
le vilain comme une couvée de singe ;
la lumière éteinte dans l’appartement de Charles Baudelaire ;
le A comme « Absence » : quand je suis perdu dans mes réflexions, j’ai la délicatesse de ne pas m’en apercevoir ;
l’usurpateur chromozomique ;
l’activité prioritaire d’un intellectuel qui est de se gratter les pellicules ;
la vaisselle, une fois astiquée, qui est rangée par ordre alphabétique ;
il y a le hasard :
Vous avez eu une fille plutôt qu’un garçon, c’est dû au hasard. Il n’était pas non plus prévisible que vous ayez sa mère comme femme. Que votre fille parte un jour de la maison, c’est une fatalité. Quand partira-t-elle, c’est le hasard qui décidera. Probabilité ou processus aléatoire ? Vous sentez que cela pourrait se passer autrement. Mourir d’un cancer n’est pas prévisible. Il faudrait que le hasard fasse se rencontrer deux phénomènes bénéfiques qui concordent. On n’est pas loin de la théorie du chaos ;
il y a les choses lumineuses, si épaisse que soit la nuit ;
le grand dessein que j’ai pour vous : prenez le risque de tout perdre ;
le « Bonne nuit, Monsieur l’Arsouille ! » ;
le balayage des trottoirs devant le trottinement d’un chien ;
le Juif déclaré invalide par un nazi et qui fut immédiatement fusillé ;
le compte à rebours de l’invasion martienne ;
le club des « anti » :
À la préhistoire, nous étions anti-Néandertaliens ;
en Égypte, nous étions anti-théocrates ;
autrefois, nous étions anti-croisades ;
jadis, nous étions anticléricaux ;
naguère, nous étions antimonarchistes ;
au début du siècle, nous étions antiracistes ;
avant-hier, nous étions antimilitaristes
juste après, nous étions anticonformistes ;
en mai 1968, nous étions antirépressifs ;
en juin, nous étions antitechnocrates ;
en juillet, nous étions antiprotectionniste ;
en août, nous étions antiségrégationniste ;
en septembre, nous étions antivivisectioniste ;
hier matin, nous étions anticolonialistes ;
hier soir, nous étions anti-impérialistes ;
aujourd’hui, nous sommes antifascistes ;
maintenant, nous sommes antinationalistes ;
à présent, nous sommes antiréformistes ;
actuellement, nous sommes antilibéraux ;
demain matin, nous serons anticapitalistes ;
demain soir, nous serons antiantiautoritariste ;
juste après, nous serons antimondialisation ;
après-demain, nous serons antimissiles ;
à notre mort, nous serons anticancéreux ;
en fin de siècle, ils seront anti-antis... Que vive la révolution ! (69)
il y a le piège du sexologue qui est de conclure qu’il n’y a plus rien à découvrir sur le sexe ;
la contrebasse du vieil amerlock ;
l’idée qu’il faut coller à la vie comme à un ruban adhésif ;
le voyage dans le temps en se téléportant ;
le dicton imbécile qui n’amasse pas mousse ;
le « super espion » incarné par James Bond en pleine guerre froide ;
le trois fois rien ;
l’acolyte livide, adipeux et replet ;
le dentiste qui affiche ses dents en or pour montrer qu’il est malsain ;
la défense de la liberté de la presse et la lutte contre la censure des journalistes ;
le briquet en forme de revolver ;
le conseil de ne pas en faire trop, sinon on ne fait rien. En faire moins pour arriver au même résultat ;
la saltimbanque qui voudrait un enfant sans se marier ;
celui qui se lance à parler de lui-même sans avoir tout tenté pour s’en dépêtrer ;
l’humour vite en cas de folie circulaire (37) ;
les chemins de traverse coupant à travers la campagne ;
la visite guidée d’un lieu dénué de qualités ;
le sommeil : c’est parce que je n’ai pas appris à m’endormir que j’assiste assidûment à la venue du Père Noël ;
les termes pharmaceutiques dont on arrive à se faire une idée, même si c’est toujours un mauvais moment à passer ;
ma particularité d’être artiste pour n’être pas suiviste ;
l’armée qui met fin aux affrontements par des massacres aux airs de génocide ;
l’arrachage d’affiches publicitaires en centre-ville (record : 447 documents, 2001) ;
les derniers mots de Guillaume Apollinaire : « Je veux vivre ! J’ai tout à faire ! »
le peu gagné aux abords d’un puits à fantasmes comme une volée de débris ;
l’absurde : il est aberrant de prêter attention à ceux qui, ne voyant rien de séduisant dans l’absurde, me tiennent rigueur d’y voir quelque chose ;
l’indifférence du Gogorigo comme tentation suprême ;
il y a la liberté qui ne tombe pas du ciel ;
la perception qu’on a d’autrui qui fait revenir à soi ;
les huîtres qui fustigent les moules incapables de bâiller ;
il y a le paysage pour animaux placides ;
le fumant recueil : « Trajectoire du rêve », (1938) du surréaliste André Breton. Il a dit : « Le doigt sur la tempe n’est pas le canon d’un revolver. » (45) ;
le porte-parole du gouvernement qu’on a collé en prison pour pédophilie ;
le grossiste en fruits et légumes qui écoute à la radio un entretien fait au pied levé avec Clint Eastwood ;
il y a le songe de l’eau qui coule d’un robinet ;
l’ornithorynque qui n’a pas choisi entre son derrière et son visage (84) ;
le chimiste zinzin qui ôte ses chaussettes en vocalisant du Berlioz ;
« Une pomme par jour éloigne le docteur... à condition de viser juste. » Winston Churchill ;
les blogueurs qui n’échappent pas à la répression et aux atteintes à la liberté d’expression ;
le censeuret musicographe ;
l’idée novatrice qui attise toutes les chimères ;
le citron qui, posé sur une table, devient un fruit horizontal ;
l’artiste qui préfère rester sur l’estomac d’un bourgeois qu’être digéré par lui ;
l’internationale persifleuse de mademoiselle Squelette ;
mon bureau de change pour remplacer les euros en Zéros (1989) ;
la tendresse sur le fil où les murmures se convulsent ;
les cocottes dont on vante la beauté ;
la pom-pom girl, qui se traduit en français par : « meneuse de claque » ;
l’exécution sommaire des nazis de la Commandatur par la famille Rosenberg (improbable) ;
le nouvel état du monde ;
la devinette : « les politiciens sont-ils approximatifs ou représentatifs ? » ;
mon panneau de signalisation où est inscrit « Bout du monde » ;
l’archipel saturé de gratte-ciels ;
le bleu :
Parti du vide, j’arrive au bleu. Un tiers de tout est bleu. Je suis en proie à un bleu effréné. On devient bleu sans devoir y penser. Je ne parle pas du bleu par ouï-dire. Au-dessus de lui, j’ai sauté sans élan. Les vérités anciennes salissent le bleu. Il ne se réclame d’aucun dogme. Entre quoi et quoi le bleu est-il l’intervalle ? Est-il suspendu entre deux néants ? L’en-dedans est bleu avec l’en-dehors. Le bleu sert de contrepoids à l’univers. Il n’y a chez lui plus rien à enjoliver. Le bleu mène de nulle part à rien. Rien ne précède un bleu définitif. Le destin bifurque devant le bleu. C’est du son qui se pense. J’idolâtre le bleu qui se pose en rival du temps. À chaque bleu suffit sa veine. (11) ;
il y a l’idée de Patrie liée à l’idée de guerre ;
le Dieu chrétien rival en rapidité avec Lucky Luke. Dieu devient une curiosité insigne quand il tire au-dessus de la cible ; de tirer au centre, il estime que c’est mourir d’ennui, comme de manger tous les jours la même chose.
il y a les élections où il y aurait une majorité d’abstentionnistes si tous les candidats étaient d’extrême droite ;
les marcheurs, silencieux par consigne, qui se réveillent dans un grand ramdam sur un horizon de barbelés ;
il y a l’explication hypoallergénique ;
Louis Aragon : « Tout ce qui n’est pas moi est incompréhensible. » ;
les mauvaises herbes en pot dans la maison :
la carotte sauvage dans la salle de bain ; le chardon des champs dans la chambre ; le chiendent au salon ; la fougère aigle dans le bureau ; le laiteron aux toilettes ; le liseron en cuisine ; la matricaire dans le cellier ; l’ortie dans la salle à manger ; le pissenlit dans le couloir ; le plantain dans l’entrée ; la prêle des champs sur l’escalier ; la silène dans la salle de jeux ; le trèfle dans le vestibule ;
il y a le musculeux velu qui est assez proche des grands singes ;
l’arc-en-ciel versé en infusion ;
l’égérie d’un genre à part qui s’abandonne comme accrochée à un cintre ;
mon panneau où ne sont collés que des détritus, des rognures et des décombres, intitulé « Marcher, ramasser, dépolluer » (2000),
le suicide qui fait jouer ses tempes à pile ou face ;
le E comme « Énormité » : si l’on me demandait à brûle-pourpoint une belle énormité, je ferais un « boum, ba da boum » retentissant en tombant de ma chaise ;
la promenade dans la campagne pour chercher une idée et le retour chez soi pour la trouver ;
l’uranium appauvri légué par testament ;
la belle composition « Thriving from a Riff » du saxophoniste américain Charlie Parker ;
le ballet de diplomates cravatés ;
le vrai du faux :
Nous avons besoin d’un maximum de folie : vrai
On est plus mince quand on tombe dans la folie : vrai
Il n’y a aucun risque de cancer à côtoyer un fou : faux
Les gens fous ont moins de diabète : vrai
il faut regarder de près ce qu’on délaisse et prendre au sérieux ce qui prête à la raillerie ;
il y a le caïd qui, le jour de son anniversaire, se fait bastonner jusqu’à en perdre connaissance ;
il y a la langue qu’on parle avant de savoir parler ;
le titan malfamé ;
la bêtise de celui qui se signale par un badge ou le mot con est barré ;
le cendreux, grisâtre, presque blafard ;
l’envie de se trouver beau quand cela vient de ce que notre corps nous a abandonné ;
la bigoterie qui est la sexualité du dégoût ;
le médecin légiste qui reçoit chaque année à son anniversaire un os dans un petit cadre ;
la pléiade de satellites au-dessus de l’Équateur ;
il y aurait à dresser l’inventaire des fenêtres de l’avenue des Champs-Élysées ;
il y a les Picasso dans les chambres fortes ;
le jaune : ce qu’un citron a de plus indécent à montrer ;
les prosternations à plat ventre où les chemins virent au chemin de croix ;
la fillette qui s’invente un frère aîné auprès de ses copines ;
la question qui est un fil commode pour dérouler de l’imaginaire ;
les derniers mots de l’Empereur Auguste : « Suis-je bon comédien ? » ;
les dix mille manières de se doper ;
les deux photos d’une même nature morte, avant et après la décomposition des fruits ;
l’illusion : à quoi bon courir après quelqu’un qui rapetisse à vue d’œil ?
le zigoto qui peut baragouiner le jargon du caméléopard, éventuellement, il fabule ;
le désespéré au crâne en sucre d’orge ;
l’allocation/allocution : le versement d’une indemnité par le moyen d’un discours radiophonique ;
l’idée du siècle que personne n’est en mesure de prévoir ;
le stagiaire dans une pharmacie qui délivre des conseils farfelus aux clients ;
le chant révolutionnaire : Ah ça ira, ça ira, ça ira, les gousses d’ail on les pendra !
l’esthète en robe de chambre qui pense avec son sexe ;
le bonheur de voir un livre avec son système nerveux, ses épaules et sa mentalité ;
le psychotique qui tue avec une clé à cliquets ;
là où nous jouons nos chances, nous chavirons comme des âmes en peine ;
le temps de dire bonjour ;
les guetteurs d’ossuaires dont on ne diffère guère ;
la connaissance de soi : que sait-il de lui-même celui qui n’a pas été traité de tous les noms ?
la devise du pêcheur : si j’étais un oursin visionnaire, je m’aimerais ;
l’émancipation libertaire comme art de vivre ;
il y a l’inventaire des prénoms à éviter :
Abibon, Abigail, Adalbert, Adelgunde, Adolf, Agapet, Alcide, Aldric, Anastasius, Anguerrand, Annibal, Ansgard, Antje, Armgard, Arndt, Arnulf, Aubéri, Auxence, Azarias, Babkène, Badreddine, Bouchera, Brieuc, Calixte, Clodoald, Cunégonde, Dagmar, Detlev, Dikembe, Drazic, Dudu, Elfried, Elouan, Elphège, Enguerrand, Eryne, Eunice, Francisque, Gertrude, Ghjuvanni, Gondacre, Guerric, Gulsen, Gwenn, Hamza, Henni, Isabeau, Iscander, Ivanne, Iphigénie, Iwona, Jakez, Judicaël, Kéziah, Koupaïa, László, Lavinie, Mahaut, Manassès, Marisol, Mizgin, Nacera, Ninnog, Norcott, Ounis, Ovidie, Ouidad, Ozgul, Polixaine, Polycarpe, Priscilla, Quitterie, Réginald, Roparz, Shaani, Siegfreid, Slobodan, Soizic, Tadzio, Venceslas, Vrain, Wenceslas, Xavière, Yéghivarte, Yessiratou, Zénobe, Zeynep ;
il y a l’abri anti-atomique ;
les écouteurs pour lecteur mp3 sous forme de boucles d’oreilles ;
il n’y a pas plus de principes intemporels qu’il n’y a de certitudes suprêmes ;
il y a les mots qui valent les vues d’un millier d’experts ;
le sommeil selon Abert Einstein : « Je ne dors pas longtemps ; mais je dors vite. » ;
la paquerette qui est déposée chaque dimanche sur la tombe de Friedrich Nietzsche ;
le comptable au profil de polichinelle et au gout m’as tu vu, de la ville de Petropavlovsk-Kamchatsky ;
les mauvais lits pour le sommeil ;
la balayure transnationale ;
les inventions faites par caprice et ratées par tempérament. Je les savoure plus intensément que quiconque, un peu comme un ovni sorti d’un trou noir ;
les derniers mots d’Andreas-Salome Lou : « Le mieux, après tout, est la mort. » ;
la fillette d’un bidonville du Cameroun qui échappe au choléra et à la prostitution ;
la fleur électrique ;
le M comme « Mensonge » : comment se jouer du pitoyable mensonge que chacun se propose à lui-même ? Entre celui qui se rêve, qui s’acharne à devenir, et celui qui aurait tant voulu être ;
le calcul des racines carrées (de tête) ;
(parlons chiffons) il y a le magasin de fringues où je prends un temps d’arrêt pour observer une fille un peu ronde qui broie du noir parce que sa voisine de cabine enfile un 36 ;
une idée me vient-elle que j’en cherche une plus inhabituelle ;
la commémoration autour de la tombe d’un écrivain qui a vendu son livre à un seul exemplaire ;
le nègre d’un auteur qui devient complexé comme lui par ses performances sexuelles ;
l’imposant « Almanach Dada » (1920), de l’écrivain, poète et musicien allemand Richard Huelsenbeck ;
le cou d’un homme fait comme celui d’une femme pour le contact des perles ;
la colle momentanément adhérente ;
la rumeur suffisante pour basculer dans des affrontements ;
la spiritualité : du plein pour se désemplir la tête ;
le psychosé qui exige tout de sa femme jusqu’au sacrifice suprême ;
les tableaux que j’ai peints iront à une fondation d’art dégénéré ;
les trompeuses statistiques de l’emploi ;
les plus défraîchis qui se séquestrent du monde pour lui trouver un sens ;
le reliquat en gelée de mer ;
l’inventaire des vertus et qualités chez l’homme :
abnégation, abstinence, adresse, affabilité, amabilité, aménité, amitié, amour, ardeur, assurance, béatitude, bénignité, bienfaisance, bienséance, bienveillance, bonhomie, bonne foi, bon sens, bonté, bravoure, calme, candeur, charité, chasteté, circonspection, civilité, clairvoyance, clémence, compassion, conscience, constance, continence, convenance, cordialité, correction, courage, courtoisie, culture, cécence, déférence, délicatesse, désintéressement, détachement, devoir, dévouement, dextérité, dignité, diplomatie, discernement, docilité, don, douceur, droiture, élégance, énergie, enthousiasme, entrain, équité, espérance, esthétisme, étiquette, fermeté, fidélité, fierté, finesse, foi, force, franchise, frugalité, gaieté, générosité, génie, gracieuseté, gratitude, habileté, harmonie, héroïsme, honnêteté, honorabilité, hospitalité, humanité, humilité, humour, imagination, impeccabilité, incorruptibilité, indulgence, intelligence, intégrité, joie, jugement, justesse, justice, libéralité, loyauté, lucidité magnanimité, maturité, mémoire, mérite, miséricorde, modération, modestie, moralité, munificience, non-violence, obéisssance, obligeance, optimisme, pacifisme, pardon, patience, perspicacité, philanthropie, philosophie, politesse, polyvalence, Précision, préséance, prévoyance, probité, prodigalité, promptitude, propreté, prudence, pudeur, pureté, quiétude, raison, reconnaissance, réflexion, résignation, résolution, respectabilité, responsabilité, sigueur, sacrifice, sagacité, sagesse, sang-froid, santé, savoir-vivre, scrupule, séduction, sensibilité, simplicité, sobriété, solidarité, spontanéité, stoïcisme, sympathie, tact, talent, tempérance, tendresse, tolérance, tranquillité, volonté, urbanité, véracité, vivacité, zèle. (12) ;
il y a les mains ridées gavées d’huile ;
l’idée étriquée qui dispense de penser ;
le terroriste : plus d’une fois, j’ai songé à dynamiter la planète jusqu’au moindre caillou qui n’aurait pas été réduit en poudre ;
le pape qui avec son salaire a le souci d’appréhender Dieu le plus tard possible ;
l’évidence qu’on ne choisit pas d’être artiste ;
les trafiquants de drogues qui habitent chez leurs parents ;
les funérailles : ... j’ai eu le loisir d’examiner les manières de s’égayer de notre ami défunt et il s’en exhale ici un parfum semblable à l’odeur que laissent dans ce cimetière les fleurs en plastique ;
la photo banale d’un chat persan sur une palissade ;
la 666e phrase de ce livre qui a été supprimée par superstition ;
la « Sonate pour deux pianos » (1950), du compositeur Pierre Boulez ;
la pensée qui remonte jusqu’au pays du sucre domino ;
le jugement radical : quoi que vous pensiez, vous devriez immédiatement vous empresser de penser exactement le contraire ;
l’humanité qui est devenue nomade depuis que la tyrannie vaut une vérité dans des sociétés où l’on est davantage aveuglé par la bêtise ;
il y a les soubrettes têtes baissées ;
les usages inhumains qui tirent parti d’une foule d’inventions où le goût du meurtre l’emporte sur celui de vivre, de beaucoup ;
la résolution de tenir la connaissance de soi comme une source de problèmes, aussi doit-on se fréquenter le moins possible ;
le Congolais qui est jeté dans la société américaine ;
le P comme « Pet » : couinons par petits pets, mais selon sa gastrite ;
le bord des trottoirs ;
le perpétuel va-et-vient des pas où l’homme est prêt à marcher au milieu de bombes ;
ma photographie d’un sol rempli de cailloux dont la légende quantifie le nombre de cailloux (1996) ;
la déclaration d’amour que l’on prend pour un exercice désespéré, redoutable même ;
les proxénétes qui entament une carrière de mouchard ;
mes inventions : seraient-elles inspirées par les répliques lestes d’un branquignol que je traite en lépreux et du larmoiement d’une âme hideuse qui depuis sa lésion cancéreuse revient me tourmenter ?
le déchu en glose climatérique ;
l’infernal manège des sondages ;
le philosophe : un pinailleur qui déplore de n’avoir connu ni Aristote ni Karl Marx ;
mon vide-grenier idéal : j’ai lancé la mode du vide-grenier gratuit en montrant l’exemple d’offrir ce qui devait être vendu (2000/01) ;
le peintre abstrait américain d’origine russe Mark Rothko qui se suicide en 1970 ;
la question au commissaire de police : entre une humiliation et un passage à tabac, duquel s’accommode-t-on le mieux ? ;
le faiseur de klaxons en forme de ventouse ;
les chemins sans voyageur ;
les animaux qu’il faut savoir dessiner :
en forêt : la chouette, l’ours, le hérisson, le sanglier, le renard, le loup, le chevreuil, l’écureuil ; en Afrique : le zèbre, la panthère, le singe, le rhinocéros, le lion, la girafe, l’hippopotame, l’éléphant, le crocodile ; les animaux domestiques et de la ferme peuvent être photographiés (44) ;
il y a les lambeaux de textes où plus rien ne se pense ;
l’Impératrice d’Autruche ;
l’Espagnol qui s’entretient en wallon avec un Russe de l’œuvre de James Joyce ;
mon régime : j’évite les excitants et les viandes faisandées, de manger pour deux et de prendre plus d’un kilo par mois, par conséquent comme les femmes enceintes ;
il y a les habitudes lénifiantes où l’on pourrit ;
l’hypothèse que le mardi 20 août 1957 Monsieur Claude Dupont est tombé malade (22) ;
le V comme « Vide » : nous donnerons-nous un jour assez de mal pour vider notre esprit de nous-même ;
le goût pour les algarades de pitres mal assurés ;
le mal du siècle : c’est trivial de chasser le spleen coûte que coûte, soyons prêts pour le pire ;
les maltraitances aux conséquences invisibles ;
la tête qui regarde où le cou tourne ;
la société qui se donnerait pour parfaite peut attendre ;
les rêves d’éternité sitôt brisés ;
la boucherie kacher à Montparnasse où figure le graffiti : « Mort aux cons » ;
le conditionnement qui est à l’origine des aberrations dont nous avons besoin ;
les prostituées qui n’aiment pas baiser devraient baiser pour rien ;
il y a les éminents gauchers :
Léonard de Vinci, Albrecht Dürer, Marilyn Monroe, Maurice Ravel, Nicole Kidman, Jimi Hendrix, Sergei Rachmaninoff, Paul Klee, Greta Garbo... ;
le dard qui est dans la fleur pour solde de tout rêve ;
le pousser d’épave automobile sans carburant ;
la devise du politicard : si vous voulez connaître mes conditions, sachez que mon prix est celui d’un explorateur en intrigues déclamatoires ;
Henri Jeanson : « Sans la police, tout le monde tuerait tout le monde. Et il n’y aurait plus de guerre. » ;
il y a les contrariétés triées sur le volet ;
le Quartier Général de Ceux qui Tranchent de l’Art ;
le milliard d’invividus qui habitent dans des bidonvilles ;
le néonazi qui passe son temps à terroriser les chats de son quartier ;
le S comme « Sang » : jette ton saignement nasal loin devant toi et cours le rattraper !
le kiosque lumineux où j’ai fait paraître une publicité qui n’avait rien à vendre, dont le message se réduisait à ces lettres : D.H.A.F.A.C. qu’il fallait comprendre phonétiquement par : « Des achats effacés », (2000) ;
notre vie qui se porterait mieux si l’on pouvait coller l’oreille à toutes les portes ;
la pose d’une plaque commémorative en des endroits choisis où l’on a posé son derrière ;
l’ambassadeur jargouinant ;
les objets de pressantes attentions ;
Dieu, s’il venait chez moi, ne serait plus cantonné à un strapontin, il siègerait dans un fauteuil majestueux. Et je serai heureux qu’il soit bien nourri. Mais qu’il me donne quelques pistes de réponses. Ce serait comme de faire entrer le loup dans la bergerie.
il y a le chimpanzé qui est génétiquement plus évolué que l’homme ;
la dent creuse de Confucius ;
les prêchi-prêcha de scélérats gougnafiers et d’hongres catéchuméniques ;
le marketing machiavélique, quasiment idéologique ;
les dires du meurtrier : c’est la présence d’un chromosome en trop qui annulerait ma responsabilité en me condamnant à devenir une marionnette actionnée par les gènes ;
la photo non contractuelle sur les plaquettes d’entreprises ;
la critique : ne dîtes pas que vous êtes confusionné par ces œuvres qui vous donnent envie de vomir, dîtes que vous êtes confus que ces trucs vous fassent chier ;
les seize pièces de Molière hypothétiquement écrites par Corneille ;
les rédacteurs en chef qui acceptent les articles que leurs collègues leur donnent lorsqu’ils les leur apportent tout faits ;
notre cadavre qui est salutaire pour les vers, mais Dieu pourrait bien s’en passer (80) ;
l’intimité de tes soupirs près d’un feu de bivouac ;
la Sainte Vierge qui est mal disposée dans un pantalon ;
la chipolata mise au bout d’une canne à pêche ;
l’écrivain public qui vit misérablement derrière l’échoppe d’un tatoueur ;
la nécessité pour Dieu de laisser des traces et en même temps de ne pas se compromettre ;
la vérité qui n’est contrariante que pour celui qui l’a trouvée ;
les gens qui disparaissent pendant le carnaval parce qu’ils ne portent pas de masques ;
le cri comme moyen d’intimidation ;
le falzar moulant qu’on s’obstine à porter en souvenir de ses vingt ans ;
les gouttes de collyre dans l’œil gauche de William Shakespeare ;
l’exhortation : si tu n’es pas un rouage de la société de production-distribution-consommation, si ton art n’est pas répertorié au même titre qu’un meuble « d’époque » ; tu n’existes pas en tant qu’artiste ;
il y a les arrière-pensées ressemblant à des coups de soleil ;
le commissaire de police qui est féru de communications surnaturelles avec les morts ;
l’espace cathodique dans un espace catholique ;
les turlupinades qu’on m’imputera sans que je ne les ai envisagées et que je n’aurais rien gagné à tenir ;
les choses qui tiennent lieu de liberté ;
l’homosexuel pour lequel de jeunes hommes se damnent ;
le bâillement : (105)
Il est surtout remarquable pendant les offices d’une messe. Attiré dans les lieux saints, plutôt par désœuvrement que par dévotion, je me suis placé dans le voisinage du chœur pour servir de point de mire aux assistants. Leurs bâillements, réitérés et persistants, étaient invinciblement imités par le plus grand nombre de fidèles. J’assistais à un spectacle peu banal de mouvements exagérés des mâchoires qui ne cessaient pas aussi facilement qu’ils avaient été provoqués. (1983) ;
il y a le donneur d’yeux qui a figure d’ange révolté (76) ;
le propos de l’archiviste : j’ai obtenu dans le frottement des livres et des femmes un infini secours ;
les confettis faits à partir de papiers compromettants ;
les gens qui ne peuvent plus vivre la vie qu’ils se sont imaginée ;
l’injustice : jamais un galet ne mesure l’adresse de qui le lance ;
le goût acide du citron qui ne peut pas ne pas être jaune ;
il y a les rendez-vous pris dans dix ans ;
l’échevin orichalque ;
l’idée de liberté qui tombe dans les lieux communs ;
la branche qui se dessèche si un martin-pêcheur se pose dessus ;
celui qui s’empoisonne sous la menace d’être tué ;
la spéculation financière qui entraîne le chômage, la précarisation, l’accroissement des inégalités ;
les œufs avec lesquels on est sûr de se brouiller ;
l’acteur vocaliste qui aimerait incarner Mao au cinéma ;
la famille, le malade et le médecin ;
la recette du Club-Sandwich : poulet, avocat, tomate, salade, mayonnaise ;
les prêtresses portées à l’incandescence ;
la Sainte Vierge qui est arrivée à temps au paradis pour renflouer les caisses quelque peu asséchées par les lubies du patron. Elle fit du paradis une équipe de football dont Dieu est à la fois le président, l’entraîneur, le capitaine et le meilleur buteur. Sur les maillots, Dieu a imprimé sa marque de fabrique. Le Diable l’a même dans l’oreillette. Depuis, l’homme est sa plus belle carte de visite.
il y a le P comme « Préjugé » : doit-on cumuler davantage de préjugés parce que nous nous y entendons merveilleusement ?
les fleurs qu’il ne faut pas couper : la pensée, la paquerette, l’iris, le coquelicot, le narcisse, le muguet, la tulipe, le tournesol ;
les choses qui se prolongent en sensation de chute, en rejets de glaires ;
les papillons qui dansent sur une moustiquaire ;
les trois mètres qui séparent les oreilles de la statue de la Liberté ;
la peur de mourir comme une vieille merde ;
les poèmes de terre qui disent tout bas une espèce de prière ;
la vie en troupeau en se pensant libre ;
la liste française :
En France, il n’y a pas d’injustice ni de misère, de plan de rigueur et de conflits ou de crises sociales, il n’y a pas lieu d’envisager l’épuisement des richesses naturelles, il n’y a pas de désengagement de l’État, il n’y a pas continuellement de hausse des taxes, il n’y a pas de compétition permanente, il n’y a pas de maladies inguérissables ni de risque de délocalisation, il n’y a pas de désinformation ni de conflit de civilisations, il n’y a pas qu’une seule façon de s’en sortir,... il n’y a que les étrangers naïfs pour y croire ;
il y a la violence qui blesse les victimes du racisme au quotidien ;
le brushing qui se traduit en français par : « thermo-brossage » ;
le trait de génie : un bitonio qui fait « whaaaaoooo » quand on appuie dessus ;
ma maxime : une fois le vide exclu, tout le reste est illusoire ;
le conscrit touffusement adiabatique ;
ce qui ne fut jadis qu’imaginé ;
la dernière phrase qui fera miroir à la façon des bois durs ;
l’idée grande d’elle-même de celui qui inspire ;
l’éditeur qui finance des pages blanches parce qu’il en a décelé une qui vaut la peine d’être lue ;
la parisienne qui croit qu’un homme tombé du ciel va l’attende à son arrivée sur le quai en gare de Nice ;
il y a l’auriculaire d’Arthur Rimbaud ;
le bien manger près des autoroutes ;
la liste folle :
le cimetière des fous de Cadillac ; Pierrot le Fou (Jean-Luc Godard) ; L’Ignorant et le Fou (Thomas Bernhard) ; Le Fou et la Vénus (Charles Baudelaire) ; Fou de Bassan (Oiseau marin) ; Raspoutine le Moine Fou (Don Sharp) ; La Nef des fous (Jérôme Bosch) ; Le fou du roi (Steven Zaillian) ; L’Amour fou (André Breton) ; Thou-fou (poète) ; le Roi fou (Louis II de Bavière) ; Un Fou et un Sage (Jean de la Fontaine) ; Le garde-fou (Sergio Guerraz ; Dominique Othenin-Girard) ; Le fou chantant (Charles Trenet) le Puy du Fou (en Vendée) ; La Diagonale du Fou (Richard Dembo) ; L’Amour fou (Jacques Rivette) ; Le Fou d’Elsa (Louis Aragon) ; Chez les fous (Albert Londres) ; La Cavale des fous (Marco Pico) ; la marche du fou (aux échecs) ; Le fou de guerre (de Dino Risi) ; Le savant fou (le docteur Folamour) ; Histoire d’un fou (J.B.B. Charbonnel) ;
il y a le plus petit site web du monde : http://www.guimp.com
le centenaire qui s’évertue sur des atlas à tracer au compas des arcs de cercles qui ne se coupent jamais en aucun point ;
le monde qui n’en est plus un, plutôt une jungle où le dissident qui ne veut pas se plier périt. Feront-ils l’économie d’un chef ? ;
les dires de Pablo Picasso : « On met très longtemps à devenir jeune. » ;
le poète qui perd de sa personnalité au contact de la société bourgeoise ;
les métaphores usées jusqu’à la corde ;
les ambitions avides qui tournent à vide (39) ;
l’imagination toujours plus apaisante que la vie elle-même ;
les transfusions de lumière ;
la couverture des romans où l’on devrait lire : « O% de matière fécale » : les écrivains font preuve d’une autocensure effarante en matière de caca ;
le conseil de ne commander à sa femme qu’en lui obéissant ;
le bol du matin oscillant dans son orbe ;
le surréaliste qui ferme volontiers les yeux pour être regardé ;
la théorie du Chaos et l’effet Papillon ;
l’individu qui, sachant qu’il est con, cesse de l’être ;
ma collection de cinquante objets de même diamètre (2001) ;
le battement du sang dans les tempes ;
les choses qui viennent comme des oiseaux de passage, avec le souci de se séparer du bruit qu’elles font ;
le remplacement des noms de villes sur un panneau indicateur par des plaques minéralogiques (1998) ;
la voracité énergétique d’Internet ;
la noix de coco qui peut assommer Dieu, mais alors qu’il est encore vivant, la noix de coco n’en reste pas moins ouverte, d’où la supériorité de Dieu sur la noix de coco ;
les religions contre les femmes ;
la vulve : une vesse-de-loup perlée en forme de poire inversée ;
la table de salle à manger pour une personne ;
l’arrangeur sanglé dans un corset ;
l’auto-critique : je me complais à me mésestimer à un degré tel que même mes pires détracteurs ne songent pas à atteindre ;
le dernier degré du bonheur : la présence du bleu partout ;
l’opéra de Verdi qui n’est qu’un pompeux péplum pharaonique ;
l’album « Dear Old Stockholm » (1965), du saxophoniste de jazz John Coltrane ;
le Ramasse-miettes (pot-pourri) :
Si le ramasse-miettes emploie l’hypnose, non pas, comme c’est pourtant sa mission fiscale, pour sanctionner les reliefs, mais au contraire pour opprimer ceux qu’il phosphate, c’est là une égratignure de premier égout, c’est là ensuite la corruption du pli, pire que toute autre. Il faut souvent que le ramasse-miettes devance les gravillons de sa pudeur, comme le mélomane déverse son superflu. Son instinct se dissuaderait vite de cette opposition, de même que, dans le retrait triangulaire, l’enfantement trop corvéable d’un monobloc se traduit par une passation tambourinaire. Un prototype n’individualise le ramasse-miettes qu’en lui révélant ses propres duperies. Certains embaumeurs, parce qu’ils peuvent piloter en tandem un ramasse-miettes, d’office le rebute, ils s’imaginent y affirmer leur égalité avec son ombre. Tels ces appariteurs de quant-à-soi qui croient massivement faire partie du radioguidage dansant à cause de la familiarité qu’ils ont avec lui. L’impossible à voix haute exige du latex plutôt que de la larve : c’est le moment où plonger sa monnaie de singe féminise. (13) ;
il y a l’idée restreinte qui ne résumera jamais un homme ;
les fous qui ont tendance à courir le monde, ne pourront-ils jamais jeter l’ancre un seul jour ?
le bruit dans le bruit qui se parjure ;
l’impossibilité à celui qui n’a pas d’humour de comprendre quelque chose à ce qui se passe en lui ;
le vrai défi qui consiste à naître de soi-même ;
la solitude que j’aime, au point que certains me croient mort ;
la chose qui est une idée x, qui n’est ni un problème ni même un faux problème, peut-être une invention pas tout à fait au point, une énorme farce, la plus géniale sans doute pour notre espèce bouche bée ;
le leurre exquis du cachou Lajaunie ;
le philosophe qui est l’offensé a le choix des armes. Il choisit le mépris… vous êtes mort !
la farouche qui rabâche partout qu’elle fait peur aux hommes ;
les troubles que j’ai dans la vue, à cause desquels je ne comprends rien aux mathématiques. Cela s’est manifesté avec une évidence brutale, je pourrais dire cynique ;
les derniers mots de François Rabelais : « Tirez le rideau ; la farce est jouée ! » ;
il y a les gangsters neurasthéniques ;
l’artiste Marcel Duchamp qui a dit : « Le grand ennemi de l’art, c’est le bon goût. » (61) ;
les choses qui vivent de leur charme, qu’on ne se résigne pas à lâcher et qu’on accueille d’un cœur inassouvi ;
les nuits blanches qui font ses nuits belles ;
les difficultés d’Untel qui commencent comme un jeu de cache-cache avec des créatures de quincaille par des étreintes clandestines, pour finir en un subtil affrontement à cœurs perdus ;
le souci d’exactitude qui nous a fait modifier toutes les pages pour n’avoir qu’une seule orthographe du mot « Camellia » ;
les tripes au petit-déjeuner pour celui qui est capable de conquérir le monde ;
les plans sur la comète ;
le diable qui n’est heureux qu’à la condition de rendre l’humanité aussi dissidente que lui ;
le slogan : « Vive la gratuité ! » ;
les stéroïdes anabolisants des culturistes ;
le porte-bât de l’entichement esthétique ;
l’âge adulte, ou l’attente des 23 ans pour remplacer légalement le Président de la République ;
votre Dieu qui n’a jamais eu le regret d’avoir gardé sur lui le silence, et laisse dire aux hommes ce qu’il ne peut si bien dire ;
la marche dans l’écho pour donner assez de place au rêve ;
l’idée d’apprendre à tout désapprendre ;
le réactionnaire qui refuse de vivre un changement de civilisation ;
la cravate : il semble qu’on ait assez de cordes autour du cou ;
les contes hollywoodiens à l’eau de rose ;
l’armée qui se résume à des frappes chirurgicales et à des dégâts collatéraux ;
le « G » qui distingue l’astronomie de la gastronomie ?
les rues en pente et les maisons qui ont les pieds dans l’eau ;
le cinquième pouvoir comme force civique citoyenne qui dénoncerait le superpouvoir de la globalisation libérale ;
les salons où l’on cause ;
la belle « Rhapsodie in blue » (1924), du compositeur américain George Gershwin ;
les cartes postales amoureuses d’un vieil haltérophile ;
le gourou qui encourage le meurtre comme rite d’adhésion à sa secte ;
« J’ai une mémoire admirable. J’oublie tout. » Jules Renard ;
le 10, Avenue du Zizi de‑Charles de Gaulle ;
les gens qui semblent n’avoir appris à parler que pour hurler sans bruit ;
l’idée tape-à-l’oeil qui devient contagieuse ;
l’installation de l’ascenseur, en 1925, au 4 rue Lepic à Paris ;
la définition du mot « Coquecigrue » : personne qui ne dit que des balivernes.
l’écrivain italien Cesare Pavese qui se suicide en 1950 ;
la désillusion : on ne peut pas tout manger, je l’ai souvent remarqué ;
la vérité que nul ne réclame ;
l’avocate accro aux antidépresseurs qui se charge d’une affaire dont personne ne veut ;
les yeux qui regardent là où la vie les a fait chuter ;
l’ornithorynque qui est très séduisant et c’est en quoi il n’est comparable à rien de connu (86) ;
le 10 septembre : Bon anniversaire Georges Bataille ! ;
le corps qui, en marchant, se désinfecte de l’ordure qui est devenue hors la loi ;
le café partagé avec un passager connu pour être un peu toqué ;
les idées qui continueront sans nous qui avions fini par nous habituer à elles ;
la tentation d’inculquer à mon néant les bonnes manières ;
le sens de la vie en Occident qui est de lutter pour obtenir des choses auxquelles on n’avait pas pensé ;
le plus petit livre du monde, intitulé « Teeny Ted From Turnip Town », qui a été écrit par Malcolm Douglas Chaplin, un artiste canadien. Il est composé en capitales avec une résolution de 40 nanomètres. Il ne mesure que 0,07 sur 0,10 millimètre ;
il y a l’arbitraire policier ;
les gravures sur celluloïd de ton regard peu oublieux du monde ;
celui qui est tellement habité par le sentiment du provisoire qu’il risque de se volatiliser rien qu’en parlant de lui ;
l’arc-en-ciel demeurant sans cesse ;
l’idée qui n’a pas d’âge, seulement de l’avenir ;
le toubib qui accroche au mur de son cabinet un certificat de pêche à la place du diplôme de médecine qu’il a perdu ;
le dilettante luxé de la tête ;
les hantises qui cesseraient de me plaire si je devais ne les destiner qu’à moi ;
le résultat artistique d’un gribouillis tracé par un veilleur de nuit ;
le négationnisme dans les mangas ;
les bêtises : j’en dirais autant que les autres si je ne me taisais souvent ;
l’évêque mondain qui dit porter la charge d’une révélation suprême ;
la Joconde exposée en chair et en os (34) ;
la petite liste « Comme par hasard » :
Comme par hasard, les lois de l’hérédité courtisent celles du hasard.
Comme par hasard, l’évolution du monde naturel se plie au hasard.
Comme par hasard, les maladies cancéreuses sont inattendues.
Comme par hasard, l’absence de prévisions économiques sont hasardeuses.
Comme par hasard, les sondages se font sur une population choisie au hasard.
Comme par hasard, les spéculations des jeux s’approprient le hasard.
Comme par hasard, le poète tire parti et ne cesse de recourir au hasard.
« Le hasard est plus docile qu’on ne pense. Il faut l’aimer. Et dès qu’on l’aime, il n’est plus hasard, ce gros chien imprévu dans le sommeil des jeux de quilles. » René Daumal.
il y a l’envie de se jeter sur des clôtures électrifiées ;
les cris qui déclenchent une avalanche ;
l’idée masochiste qu’il suffit d’en baver pour avoir bigrement l’impression d’exister ;
la révolution la plus laborieuse qui est celle des mentalités ;
il y a les caribous dans l’œuvre de Lao-Tseu ;
le fait de s’étourdir avec des formules presque suppliantes ;
les sommités des affaires publiques qui ne peuvent rien faire individuellement, c’est pourquoi ils décident en groupe qu’il n’y a rien à faire ;
il y a ce qui m’insonorise et qui vous tirlipote ;
ces phrases qui me remplissent d’allégresse :
Ce n’est pas une défaillance de tiercelet que de rester dans la sinécure. Dans la mentalité d’un chignon vespéral, la talonnette est bien remuante, en comparaison. Et les grimaces, aux capacités folkloriques, ne suffisent déjà plus à contenir les flux rabougris des majordomes renifleurs, car le rutabaga joue dans l’œil-de-perdrix le rôle que joue le pet-de-loup dans un lapsus herniaire...
il y a la première extermination massive dans les camions à gaz à Chelmno (5 décembre 1941) ;
l’embrasement dans la chaleur vaccante qui mécaniquement se répète entre les femmes qui suintent du ventre aux aisselles et les hommes à bout de souffle plutôt naufragés ;
l’évidence que si l’on veut se connaître soi-même, il faut rechercher ce qui est du ressort de la psychopathologie ;
ma curiosité qui est un peu trop féconde pour se satisfaire de normalités qui ne dérapent pas ;
la prostituée désœuvrée qui se reconnaît au claquement de ses talons ;
il y a l’émoi tétanisant qu’inculquent les prédicateurs à l’arrogance fardée de certitudes ;
le commentaire sur la mendicité qui ne peut remplacer la richesse de cette pratique ;
l’insolence de dire, qu’au bout d’un moment, Dieu on s’y habitue, on n’y fait plus attention ;
l’évidence que nos ambassadeurs ont bel et bien perdu le sens de la réalité ;
le fait de fulminer contre l’indifférence des gens que je croise à l’égard de mes pantalons coupés courts ;
l’inventaire de la population des Dupont au Moyen-Âge :
Adelphe Dupont, Aliénor Dupont, Alix Dupont, Anatasie Dupont, Anthèlme Dupont, Arnault Dupont, Arthur Dupont, Barthélémy Dupont, Bartholomé Dupont, Baudoin Dupont, Béranger Dupont, Brunehaut Dupont, Clémence Dupont, Clotaire Dupont, Clothilde Dupont, Clovis Dupont, Colin Dupont, Colombe Dupont, Constance Dupont, Cunégonde Dupont, Cyrielle Dupont, Domitille Dupont, Eléonore Dupont, Enguerrand Dupont, Ermeline Dupont, Eudes Dupont, Eulalie Dupont, Evangeline Dupont, Flavien Dupont, Foulques Dupont, Gaëtan Dupont, Gaspard Dupont, Gaultier Dupont, Gauvin Dupont, Guenièvre Dupont, Guillaume Dupont, Hermance Dupont, Iseult Dupont, Jehanne Dupont, Mahaut Dupont, Malvina Dupont, Margaux Dupont, Maurin Dupont, Mélisende Dupont, Merlin Dupont, Nortimer Dupont, Perceval Dupont, Robin Dupont, Roland Dupont, Tancrède Dupont, Théobald Dupont, Thimothée Dupont, Tiphaine Dupont (104) ;
il y a notre ignorance heureuse ;
la création du mouvement Dada le 5 février 1916 à Zurich ;
la phrase qui garde la mémoire des moments où il ne s’est rien passé ;
la statistique qui devient une science exacte et le destin de l’individu, une logique rébarbative ;
les beaux esprits qui passent à côté de vérités sans les voir ;
l’épouse qui vous dit : « oui, la vie, c’est comme ça ! » ;
le virtuose en caponnade ;
le masochisme moral : j’ai besoin que l’idée de la mort me talonne ;
les préceptes qu’on tente de nous inculquer ;
les univers d’escaliers qui ne mène nulle part ;
la défense d’entrer dans un jardin public sans fleurs à la main ;
l’histoire, à peine sortie du coma, qui se pilote au besoin au vice ou à la vertu avec la même assurance ;
le choix entre les rêves irrationnels et les cauchemards utopiques qui demeurent nos spécialités ;
(l’emberlificotoire) Gouzi-gouzi :
Toute parodie se suscite toujours une carlingue correspondante et de même envergure qu’elle. Si ce n’est l’ovation ulcéreuse d’un jobard, c’est l’émoi désinvolte d’un snob. Si ce n’est l’exécrable œil d’un piolet, c’est un puits taquin aux remplissages grelottants. Aussi bien, pour dissoudre l’atout d’un impact, suffit-il, d’après une pelouse déjà bouffie, de contrer l’asthme qu’il provoque. L’hébétude est dans le même cas que l’oxyde, elle n’est jamais pionnière, quiconque la retrempe dans un moutardier est frustré. S’il faut en croire les matons, ce ne sont pas les tramways ni les faïenciers qui sont les perturbateurs de l’opulence, mais bien ceux qui soufflent comme des phoques. Voyez comme les premiers ont soin de ne pas étrangler l’hibiscus et comme les autres se dévouent, matraquent ou remplument l’embonpoint des foules. À voir nos larmes, il semblerait que les gazoullis d’esprit soient le grand crime des obèses et le terrorisme oasien le dernier lustre des rameurs. Dans l’ordure des luxations éberluées, il y a des procédés qui font rougir ceux qui les adoptent. En supposant qu’elle existe, l’aliénation ne saurait leur servir d’excuse, car le seul fait de consentir à les vider révèle une bassesse apriorique. Les arbitres qui les subissent peuvent, ainsi qu’il arrive de toute autre injure, les couvrir de leur eczéma. La tache d’oursin qu’ils lancent sur leur auteur est gestatoire. D’après les purges du routier chauvin, la chaussée y passerait sans rincer la syntaxe. À l’exemple du paillasson et comme condition de son avoir poitrinaire, la morsure d’une péronnelle ne doit voir qu’en elle la monomanie de son partenaire et les mobiles de sa publique salubrité. Il faut que l’épaulette ait une mission grammaticale à hurler dans l’économie des rhabilleuses de jardin pour que tous les traîne-semelles et depuis la trouvaille des temps, jusqu’à leur consommation, lui soit mouliné en pâture. Qu’elle stupéfiante occurence que cette textuelle hécatombe dont la semonce est gouzi et gouzi. (30)
il y a le chômage : le temps du mépris ;
un peu d’architecture : j’ai honte pour le rez-de-chaussée parce qu’il ne s’estime pas au nombre de ses marches ;
le cinéma : on y entrevoit des adultères dont on n’avait jamais eu idée ;
il y a le cambrioleur qui signe ses méfaits toujours du même tag ;
les revues artistiques où l’on parle d’art en termes de spéculation, de valeurs refuges ;
le défilé des araignées dans ma tête révulsée ;
les métastases de discours qui influent sur une guerre déclarée à l’intelligence ;
la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv, à la mémoire des 12884 Juifs qui ont été déportés en été 1942 par la police française vers des camps d’extermination ;
il y a ma préférence qui de loin, à l’erreur judiciaire, va aux lunettes à montures d’écaille ;
les forces qui ont changé le cours de l’histoire ;
les patrons de droit divin ;
le mufle bourrichon crépi de suif ;
les textes garantis sacro-saints, mais trahis par des messianismes totalitaires ;
les objets brindezingues qui filent entre les doigts ;
le total des différences, qui s’observent entre un exhibitionniste et un horizon, qui passe de l’horizontale à la verticale est plus important que la somme de leurs ressemblances ;
les corps anesthésiés en mal d’incarnation ;
« La mort ? Pourvu que je vive jusque là. » Jean Paulhan ;
les choses folles à l’intérieur et cruelles en surface que nos chants ont rendues plus légères à force de nager à contre-courant ;
la pratique de certains textes qui modifient le corps ;
la disparition de Dieu est partout regrettée. Sa supériorité sur la tour Eiffel tient à sa forme. Toute chose ayant le cercle comme forme initiale est toujours recherchée comme valeur attractive. La roue, le cercle, la boule, le disque, la sphère sont la totalité. Dieu serait rond alors que personne ne le voit sous cette forme.
il y a l’ennui en société ;
le poète qui est affranchi de la tyrannie des mots, quitte à renoncer à toute raison ;
l’allergique qui a remporté le Grand Prix de la Sensiblerie ;
le sculpteur qui rêve du monument qu’il doit construire à la mémoire des soldats décimés par la guerre ;
les émotions qui chutent dans le magique et les concepts qui rendent les grognons prolifiques ;
la précipitation aux premières heures de liberté dans les vieilles ornières ;
la grande muraille de Chine qui sera déplacée à égale distance entre le pôle Nord et l’Équateur ;
les dix yeux pour un seul œil ;
la prière à Dieu où lui et nous allons parallèlement notre chemin et personne ne répond à personne ;
la plus longue burka, - record : 2 kilomètres (64) ;
la première chose que je regarde chez une femme, c’est son ornithorynque. Mon premier mouvement devant celles qui en ont adopté un a toujours été de les épouser (87) ;
le retour des vacances, où nous avons l’impression, chez soi, de ressembler à un cobaye que l’on introduit dans un bocal de gaz carbonique. Ce n’est supportable qu’à la condition de renouveler l’air vicié grâce à un pulvérisateur que l’on peut bricoler, en aspergeant les pièces jusqu’à soixante mètres cubes d’air de notre séjour estival ;
il y a le super-ordinateur de décryptage de la NSA ;
l’idée générale navrée par les idées particulières ;
l’avenir : avant nous, rien de manquait, après nous, rien ne manquera ;
les tempes qui battent à fond de train ;
les derniers mots de Voltaire : « Quand on meurt à Surate, il faut tenir la queue d’une vache dans sa main » ;
la rumeur toute transpirante des machineries ;
les mots pas si rares : curare, rareté, carrare, raréfier, rarement, raréfaction ;
le regret d’avoir eu à fuir la réalité pour couvrir le bruit des casseroles que je traînais derrière moi ;
le bilboquet si peu jovial avec son nez rouge que c’en est pitoyable (72) ;
la réaction en chaîne d’une explosion nucléaire ;
la femme née pour rester belle et qui aura l’avantage de s’en apercevoir le jour où elle cessera de l’être ;
l’état d’urgence au Tibet ;
les mystères à portée de main ;
New York à vol d’archange dans la chaleur vaccante ;
tous les jeux qui sont bons s’ils conduisent vers plus d’idiotie ;
l’homme aux cheveux blanc, couché sur un lit blanc de tout son long et sur le ventre, le visage contre l’oreiller et vêtu d’un costume blanc ;
le bouffon du roi toujours un peu moraliste ;
le jet-setteur qui approvisionne en magazines féminins les salons de coiffure (31) ;
le naufrage d’une barque chargée de crucifix ;
le maltôtier rassis ;
le rêve d’une créature très difficile d’approche. Je devais m’incliner devant elle et attendre son signal pour la flatter. À partir du moment où, montant sur son dos, je lui donnais l’autorisation de s’envoler, elle le faisait sans se faire prier ;
il y a l’homme qui aime éperdument un autre homme qui aime aussi sa femme ;
les épisodes de la vie où il ne se passe rien ;
l’écharpe de brume en filigrane qui se trémousse comme une pâle imitation de danse du ventre ;
le programme du ramassage scolaire qui est piloté par le Ministre de la Mobilité et des Transports ;
le hamburger : se méfier des contrefaçons ;
l’ouvrage inachevé à l’usage des rebelles qui se sont tus ;
les élections : l’homme prend vraiment toute sa mesure lorsqu’il vote, nous entrons là dans l’ordre de la catastrophe nationale ;
l’absurde qui n’est pas une langue étrangère ;
le dinosaure : c’est de la faute à Noé si, dans son Arche, il en a oublié un spécimen ;
il y a le bobo de rien du tout ;
la consolation : « Heureusement qu’il y a la musique ! » ;
l’auto-stoppeur en Grèce qui ne lève pas le pouce parce que cela correspond à lever le majeur en France ;
la page écrite après dissipation des brumes matinales ;
l’avis d’un lecteur : « Avec vous, tout le monde en prend pour son grade, même le nudiste qui colle aux basques d’un touriste qui parcoure à flashs forcés un itinéraire obligé à travers l’Égypte ancienne ! » ;
la neige au pied du mont Fuji ;
le zip : la fermeture à glissière de la panoplie de Zorro ;
les barbecues dans les jardins qui imposent des associations d’idées sur le mauvais goût français, la désespérance et la mort dans l’âme ;
la partition idéalement aphone ;
l’âme : quand la vitalité baisse le ton, je crois sentir mon âme qui de toute évidence n’aurait dû naître que de mon cadavre et, pourtant, déjà, elle s’agite ;
il y a l’album épatant « Live MCMXCIII » (1993), du groupe américain de rock Le Velvet underground ;
le condrophyle inopportun ;
les nimbus qui, autant que les croix d’un cimetière, ont le scrupule des choses ordonnées ;
l’accent circonflexe :
Pacôme, la bâtarde, une crêpière de Pont-l’Évêque, avait l’âme pâlichonne et défraîchie. Elle n’était ni câline ni drôle. Plutôt acariâtre pour son âge. Elle avait fui son môme qui ne faisait que des dégâts aussitôt qu’il sortait de tôle. Un abîme les séparait. Un aumônier, qui lui avait donné le baptême, l’inscrivit au chômage. Elle s’était entêtée et séjournait depuis sur une île, en août, avec un âne et un archevêque gâteux. Il était son aîné. Sa force était bûcheronne. Depuis qu’il était flûtiste, il était dégoûté par l’extrême-onction et le carême. Son teint était noirâtre comme une entrecôte gâtée. Il avait été maître-chien en Extrême-Orient et câblo-opérateur sur un navire-hôpital. Prêtre, il avait été plutôt folâtre, fêtard même, il s’était abîmé sans relâche avec des entraîneuses mulâtres dans le pêché. Le voici avec un âne disgrâcieux qui avait une tête d’ouvre-boîtes, accompagné d’une bêtasse voûtée aux cheveux à peine démêlés. Il aurait aimé la brûler sur un bûcher, la bâillonner sur le maître-autel, la perdre en forêt ou la jeter par la porte-fenêtre. Au moyen âge, ses ancêtres, des châtelains, ne dessoûlaient pas. Pendant les vêpres, il buvait goulûment de la gnôle et criait à tue-tête. Était-il blâmable ? Dieu ne lui apparaîssait sous la voûte du cloître que comme un fantôme. Il n’avait pas la grâce. Pacôme, elle, s’était enrôlée à ses côtés benoîtement, comme une apôtre. Elle cherchait à envoûter le prévôt comme une petite bêcheuse par le peu d’appâts qui lui restaient. Elle était dûment atteinte. Sans gêne, elle se dévêtit de sa guêpière et de ses sous-vêtements devant le vieux croûton en entrebâillant les lèvres. Elle lui donnait un avant-goût enjôleur de la brûlure qui la rendait si rêveuse. La pimbêche ânonnait, bâillait assidûment, crânait, se pâmait, flânait dans la châtaigneraie, se frôlait à lui. Elle était déchaînée, prête à toutes les gâteries et à s’abêtir dans quelque alcôve. Pouvait-elle l’idolâtrer comme une icône ? Alors que l’archevêque s’apprêtait à brûler un bâtonnet et une bûche dans l’âtre, il lança : « Eurêka ! ». Il se mit à l’affût d’une épître et d’un prêche écrits hâtivement qui laissait transparaître qu’à la Pentecôte on ne traînaillait pas comme un traîne-savates avec une conquête brûlante ou avec une maîtresse incontrôlable, soûlante de surcroît. Leur tête-à-tête devenait théâtral. C’était la débâcle. Il l’a sermona crûment de prêchi-prêcha avec une âpreté bêtifiante. Pas question de jeûner. À brûle-pourpoint, il cassa la croûte fâcheusement en se bâfrant d’un ragoût et d’une côtelette. Il goûta sous un mûrier des huîtres et une pâtisserie en forme de cône. Il mit ses guêtres et envoya une dépêche au garde-côte. Bientôt, Pacôme eut un arrière-goût de son châtiment. Elle perdit le contrôle. Ce désintérêt lui coûtait extrêmement, la fit presque bêler. Elle devint blême. Sitôt, elle lui bêcha le crâne et les mâchoires avec une poêle comme s’il grêlait dans les genêts. Elle le châtiait avec opiniâtreté en cassant sa chaînette et en rabâchant : « Le lâche, l’infâme, le traître ! ». Elle brisa la flûte comme si elle le châtrait. Avant de tomber en pâmoison et de se relâcher, il lui restait à faire disparaître ce mâle à la hâte dans un râtelier mêlé de salpêtre.
il y a le recueil terrible « Suppôts et Supplications » (1947), du poète Antonin Artaud ;
les 800 camellias dont on ne peut voir les images par manque de place ;
l’or et les déchets ;
l’idée ridicule si elle n’est pas dangereuse ;
la vie comme insuflée par les narines et le relent de la pluie par la transpiration ;
la cuisine : je n’aime que les carottes que je connais déjà ;
les sucreries anti-caries pour les enfants ;
le mode d’emploi du préservatif : serrer le préservatif par le réservoir entre le pouce et l’index pour chasser l’air. Dérouler le préservatif sur le sexe en érection. Le retirer après l’éjaculation et avant la fin de l’érection. Après emploi, le nouer et le jeter dans une poubelle.
il y a le lavabo avec robinet invisible ;
les propos qui suscitent des réactions, tantôt indignées, tantôt apologétiques ;
l’aveugle qui réalise des reportages sur la sécheresse au Sahel ;
le poète Rabindranàth Tagore et l’au-delà des choses ;
l’autrefois où l’on mourait de faim et l’aujourd’hui où l’on meurt pour avoir mangé des aliments contaminés ;
les tableaux bleus d’Yves Klein assortis au papier peint du même bleu ;
Woody Allen : « Pourquoi nos jours sont-ils comptés au lieu d’être classés par ordre alphabétique ? » ;
le voyage qui peut ne pas avoir son arrivée ;
notre cadavre qui est salutaire pour les vers, mais Dieu pourrait bien s’en passer ;
il y a les yeux des pommes de terre qui ont des paupières ;
la réponse à un questionnaire : j’apprécie les auteurs qui disent se mesurer au Diable en se jugeant à égalité ;
les chaînes d’information continue qui n’ont pas grand-chose à dire ;
l’idiotisme : ne pas avoir sa langue dans sa poche ;
l’anti-dithyrambiste ;
la télévision : il est toujours bon d’avoir regardé un peu la télévision avant de prendre une décision importante ;
le paratonerre qui assiste à l’éclosion de sa pensée ;
les choses qui exigent une certaine chaleur si l’on en a une conscience claire ;
les mourants qui ont des raisons de vivre ;
le rédacteur en chef qui croit que son heure de gloire va arriver et se comporte en attendant en petit roi tyrannique ;
le poète français René Crevel qui se suicide en 1935 ;
l’impression qu’en une journée j’ai gagné quinze ans de ma vie qui rempliront le peu d’années qui me restent ;
l’idée qui est l’arrière-pensée de la pensée ;
le pornographe avec lequel on a l’impression de perdre sa personnalité ;
l’envers des nuages, duquel on ne peut pas revenir ;
le chaînon manquant : entre le singe et l’ange : le voisin ;
il y a le navire touché, coulé, à la bataille navale ;
l’enquête menée par des académiciens au sujet du mot québécois « enfirouaper » qui veut dire séduire ou tromper ;
des 100 personnes qui parlent des prêtres, 99 en disent du mal et la centième, qui en dit du bien, le dit mal (70) ;
le système des castes hindoues qui repose sur le degré supposé de pureté ;
le Groeland : une patinoire qui a mauvaise mine sur un ciel de traîne ;
les paroles sur lesquelles je danse quand personne ne me regarde ;
Mahomet, hollandais ?
la mort apprivoisée et la mort interdite ;
le bonheur revendiqué comme conséquence de quelques prémisses métaphysiques qui est une entreprise dénuée de sens ;
la ligne d’horizon où les silhouettes prennent garde à ne pas laisser entre elles un trop grand intervalle ;
le truand qui agonise dans une ruelle obscure ;
le cri des exclus, révélateurs d’une société en crise ;
l’inventaire d’hypothèses :
« Si tous les hommes étaient gynécologues, il y aurait beaucoup moins de crimes passionnels. » Jean Anouilh - Les poissons rouges. « Si Adam avait été homosexuel, personne ne serait là pour le dire. » Oscar Wilde. « Si le temps ne changeait jamais, la moitié des hommes n’auraient aucun sujet de conversation. » Jules Renard. « Si les femmes étaient sans fesses, qu’est-ce que nous ferions de nos mains, pauvres humains ? » Raoul Ponchon. « Et si tout n’était qu'illusion et que rien n'existait ? Dans ce cas, j’aurais vraiment payé mon tapis beaucoup trop cher. » Woody Allen. « Si les locomotives étaient conduites comme l’État, le machiniste aurait une femme sur les genoux. » Alain - Propos II. « Si tout homme avait la possibilité d’assassiner clandestinement et à distance, l’humanité disparaîtrait en quelques minutes. » Milan Kundera - La valse aux adieux. Si tous ceux qui croient avoir raison n'avaient pas tort, la vérité ne serait pas loin. Pierre Dac - L'os à moelle . « Si la matière grise était plus rose, le monde aurait moins les idées noires. » Pierre Dac. « Si les singes savaient s’ennuyer, ils pourraient devenir des hommes. » Johann Wolfgang von Goethe - Annales. « Si les péchés faisaient souffrir quand on les fait, nous serions tous des saints. » Marcel Pagnol - César. « Si l’administration militaire était bien faite, il n’y aurait pas de soldat inconnu. » Louis Jouvet. « Si les astres étaient immobiles, le temps et l’espace n’existeraient plus. » Maurice Maeterlinck - La grande loi, la gravitation universelle et la force centripète. « Si les écrivains ne lisaient pas et si les lecteurs n’écrivaient pas, les affaires de la littérature marcheraient infiniment mieux. » Giovanni Papini - Visages découverts. « Ah ! Si les hommes voulaient s’aider ! Ah ! Si les femmes voulaient céder ! Frédéric Dard - Les pensées de San-Antonio. « Avec le mot « si » on peut faire tout ce qu’on ne peut pas faire. » Pierre Dac - Y'a du mou dans la corde à noeuds !
il y a la statue de la Liberté à la place du fou sur un échiquier ;
mes bocaux remplis de poussière et offerts sur le stand d’un vide grenier (1999) ;
les larmes dues à de cuisants remords ;
la personne qu’on applaudit si elle va à la pêche aux compliments ;
la noyade à la manière de Lamartine dans le lac du Bourget ;
la roublardise nommée « Église catholique apostolique » ;
le beatnik qui écrit des lettres de chantage au père Noël ;
l’aventure qui est dans chaque bouffée d’air d’une apocalypse qui se prépare au loin où les signes annonciateurs dans les espaces publicitaires n’ont pas manqué ;
le nombre de motifs à bizarreries ;
le tragique 11 septembre 2001 du World Trade Center ;
le superbe gogo sur médaille rubigineuse ;
les armes de guerre pharmacologiques ;
le record de débris accumulés dans l’espace qui a été homologué ;
les anges qui tentent de bombarder les églises parce que s’ils tombaient du ciel ils s’empaleraient sur les clochers ;
il y a la manifestation pacifique à deux dans un igloo ;
la nomenclature des déficiences mentales (trop longue) ;
le contreinterrogatoire de l’otorhinolaryngologiste
qui est inconditionnellement antiségrégationniste,
mais aussi irrévérencieusement contrerévolutionnaire (50) ;
il y a la liste des idées antinomiques avec le concept du travail :
l’année sabbatique pour faire le tour du monde ; le chômage de longue durée ; la grasse matinée ; le débrayage de printemps ; le bain dérivatif aux huiles essentielles ; le congé de maternité ; la décontraction au coin détente ; le divertissement familial ; l’esprit qui a besoin de délassement ; la lecture de « L’apologie des oisifs » de Paul Lafargue pour faire face au désœuvrement ; le batifolage libertin ; le tourisme évasion dans de grands espaces ; la farniente monolithique ; la flânerie avec le retour des beaux jours ; la flemmardise comme moteur du monde ; la troisième grève en l’espace de trois mois ; l’heure favorite pour les ébats sexuels ; l’inaction en croisant les mains avec les doigts entrelacés ; l’inclination à l’indolence ; les jeux de simulation en ligne ; le calendrier pour planifier les jours fériés ; l’éloge de la lenteur au travail ; la léthargie empruntée aux animaux ; le sentiment total de liberté ; le loisir par une pratique de la nudité en commun ; le principe du mi-temps thérapeutique ; la non-activité en vue d’un congé parental ; l’usage de la nonchalance ; la paresse inspirée par un paysage ; la partie de plaisir à trois ; le temps de pause au distributeur de boissons ; la réjouissance qui entre dans la danse ; le relâchement des muscles après un massage ; la petite semaine de répit pour les parents ; le repos bien mérité en chambre d’hotes ; la récréation avant de péter un câble ; la relaxation quotidienne de dix heures consécutives ; le week-end en randonnée pédestre ; la renonciation aux choses temporelles ; les délices de l’oisiveté ; la retraite dans un lieu de ressourcement mental ; la sieste qui revêt une connotation positive ; les heures de sommeil avant minuit ; le passe-temps hygiénique entre cinq et sept ; le temps d’arrêt à chaque minute ; le temps libre pour un meilleur épanouissement ; la période de trêve durant laquelle on hiberne ;
il y a le clin d’œil du pinceau sur la peau du soir ;
les noms que l’on donne à des réalités qui nous échappent ;
l’attente de ce qui paraît inexorable ;
le courrier augmenté de prospectus sous vide ;
la midinette qui est incapable de refuser les nuits folles auxquelles elle est conviée ;
la météorite indocile que nous tenons à l’œil ;
la fleur suspendue à une poutre qui nous rappelle de préserver un secret ;
l’expert-comptable qu’on trouve sale, alors on le nettoie ;
la lutte des classes vue par Patrick Poivre d’Arvor ;
le masturbateur chronique qui est irrémédiablement reclus dans son appartement ;
le huitième jour de la semaine ;
le record d’embrassades faites en 24 heures ;
l’OPPBTP, qui est en architecture l’abréviation de : « l’Office pour la prévention dans le bâtiment et les travaux publics » (dont on se fiche) ;
l’idée la plus haute qui est encore une illusion ;
la chute des cheveux qui, de toutes les conditions, est la moins enviable ;
les opinions qui nous asticotent ;
les derniers mots d’Henri Michaux : « Ce n’est pas le moment de lâcher ses draps… » ;
la traque des migrants clandestins ;
Fernando Pessoa : « Un paradoxe n’a de valeur que s’il n’en est pas un. » ;
l’idée visionnaire qui devient force ;
la chose bizarre coincée entre les dents ;
les plages de silence qui succèdent à des moments d’exaspération ;
il y a la femme toujours enceinte de garçons chauves comme des œufs mayonnaise de pigeon qui fiente sur une statue décapitée d’évêque nommé par le pape dans son beau palais en Avignon sur le pont où l’on danse... ;
ce qu’Hitler aurait pu dire : il est difficile de contraindre mon humeur à être gaie sans que ce ne soit un supplice (48) ;
l’audace de prendre ce qui m’est propre partout où je le trouve ;
le musée portatif de l’artiste Marcel Duchamp : « La boîte-en-valise » (1936) ;
le rêve américain à bout de souffle ;
le petit hallucinatoire contenu dans les bordures ;
le clochard Serbe qui sert de modèle à un peintre pour une descente de croix ;
la conférence de presse de Mickey au parc Disneyland à Los Angeles ;
le Marrakech Express ;
le libre penseur qui devant un prêtre n’est pas homme à se laisser faire ;
la patience de la foudre à fleur de nerf ;
la bouffette à gueule de smalt ;
le bonnet phrygien : un accessoire vendu dans les magasins de lingerie fine ;
il y a le plus petit pays du monde (et qu’il le reste !) : le Vatican ; avec une superficie de 0,44 km2 et compte 921 habitants en 2005 ;
les choses qui viennent à nous lorsqu’elles ne nous servent plus ;
les ravioli en boîte des célibataires ;
la peine éprouvée à n’être pas avec ceux qui rigolent ;
les souvenirs qui émergent de la nuit qui les a vus naître ;
l’intoxiqué, complètement azimuté, s’il ne trouve pas une cigarette dans la minute ;
la pousse des cheveux filmée en accéléré ;
le poids de Dieu qui représenterait un cinquième du poids de l’univers, compte tenu du fait qu’il a le bras long, les idées larges et qu’il vit sur un grand pied ;
l’achat exlusif de livres bleus. Se refuser d’acquérir un livre bleu, c’est très excitant ! ;
les peuples du Sud, ces demandeurs d’asile ;
la macédoine littéraire :
1) Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait ;
2) Elle oubliait le marché qu’elle avait à faire... et prenait dans le fauteuil qui l’enchâssait l’immobilité d’une icône ;
3) Puis, à pas légers ; imitant comiquement ceux des danseurs classiques, elle se plaça au centre de la clairière et commença à agiter les ailes ;
4) Elle arriva le lendemain, emmaillotée de toiles d’emballage, entortillée de cordes, sans forme, et plus difficile à manier qu’un piano de concert ;
5) Elle se sentait une telle pente à l’impudeur qu’elle était bégueule ;
6) Elle jeta un coup d’œil à la ronde, dégrafa son soutien-gorge et s’allongea sur l’estomac, livrant son dos à ce festin solaire ;
7) Et quand, de la main, elle releva une mèche de ses cheveux courts, comment auriez-vous pu douter,... qu’elle fût parisienne, et parisienne des faubourgs, peuple peuple jusqu’aux narines, écumantes un peu, et mal poudrées ;
8) À ma mort, je veux qu’il y ait autour de mon lit tous les hommes qui m’ont sautée. Je suis sûre que la mort sera impressionnée et qu’elle m’épargnera.
9) Elle tourne ses pouces sur des nœuds d’énergie cachée, les chauffe, les liquéfie, les écrase... Je gargouille un peu... Misère... Je flatule...
10) Puis elle s’asseyait sur le bord de la fontaine et je lui expliquais mon amour ;
11) Malheureusement, elle semblait ne pas connaître un mot d’anglais ;
12) À la clinique, on n’aurait pas permis que de pareilles choses m’arrivent, pensa-t-il.
1) Gustave Flaubert ; 2) Daniel Boulanger ; 3) Dino Buzzati ; 4) Raymond Chandler ; 5) Victor Hugo ; 6) Vladimir Nabokov ; 7) Louis Aragon ; 8) Louis Calaferte ; 9) Philippe Sollers ; 10) Alberto Moravia ; 11) Jacques Sternberg ; 12) Jorge Luis Borges ;
il y a la juxtaposition des styles et le mélange des genres ;
les choses qui font l’effet d’un dialogue avec un infini qui nous fait ressusciter chaque matin ;
le jeune musulman qui s’engage dans un réseau islamiste après l’assassinat de ses parents par des soldats américains ;
la banquette arrière arc-boutée, décousue par nos fesses ;
les deux yeux qui se font la tête ;
les armes de domination ;
le magnifique « Blowin’ In The Wind » (1962), du musicien américain Bob Dylan ;
l’art d’ignorer les pauvres ;
l’idée que pas une chose n’est égale à une autre ;
les disparitions de reporters en Colombie ;
(Erratum : cette phrase est remplacée par : les attentats, les disparitions et les assassinats de reporters en Colombie, au Guatemala, en Turquie, au Pakistan, aux Philippines et ailleurs) ;
il y a les façons contenues de dire « je t’aime » ;
le signe astrologique d’Hitler : Bélier, (ce qui est inconcevable pour les autres Béliers) ;
il y a les remuements tardifs des muscles prêts à se rompre ;
le bourreau dont on ne doit attendre aucune miséricorde ;
l’étoile de shérif de Baden-Powell ;
le gandin au blazer zazou ;
nos méninges empêtrées dans une espèce de train-train qui n’ont pas de quoi être condamnées pour hérésie ;
le prélèvement d’infini sur un fragment sauvé de justesse ;
la résolution de prendre l’exact contre-pied de ce qu’on nous conseille : manger à s’en rendre malade, se promener avec un slip sur la tête, cultiver une distraction quasi pathologique en risquant même de s’ébouillanter avec de l’huile de beignets ;
il y a les conversations qu’il n’y a pas lieu d’entendre ;
les dictateurs Chinois qui pourraient imposer un arrêté stipulant que désormais il sera interdit de mourir ;
il y a ce que les cons pensent les uns des autres ;
la prière du soir à l’anticléricaliste Jacques Prévert ;
la fille qui entreprend de rapatrier les ossements de sa mère ;
Eugène Ionesco : « Les paroles seules comptent, le reste est bavardage. » ;
il y a l’indicible peine des hebdomadaires qui épluchent les potins : « un cadavre égorgé à la lime à ongles... »
les propos qui de nos jours font figure d’idée neuve ;
les effets secondaires des médicaments : somnolence, fatigue, troubles gastriques et intestinaux, difficultés de concentration, céphalées, bouffées de chaleur, tremblements, vertiges... ;
l’idée qui fixe l’éphémère ;
la colère : un coup de poing sur de la roche volcanique ;
le buraliste qui collectionne les cartes postales de couchers de soleil (102) ;
mes conditions : un euro l’aphorisme, même payé en espèces et au noir, pour un homme aussi déshérité que moi, c’est tout juste assez ;
les slogans que l’on nous jette à la figure ;
la canette de coca qu’on fait valdinguer avec une trajectoire surréelle et qui tombe d’un coup à la verticale dans une poubelle ;
le single étonnant « White Riot » du groupe britannique punk The Clash ;
Yo-Yo, le prototype d’homme idéal pour la petite Ya-Ya ;
l’homme abrutissant les autres avec des préceptes religieux et qui devrait recevoir des bouses de vache ;
il y a la question : « Peut-on ne pas croire ? » ;
le fou de mangas qui rêve de traverser la vie comme un super-héros ;
les chiens qui ne s’accordent si bien qu’en aboyant ;
le pivotement du visible si discrètement tu ;
l’idée que quiconque m’entendrait beugler si l’on m’égorgeait ne chercherait pas à bouffer de ma charogne ;
À Dieu ; le paradis ne coûte pas grand-chose. Il lui faut juste payer le décor exotique et une équipe tant soit peu angélique. Lui, en animateur despote, pour cause d’audience nulle, vire parano, c’est un cyclothymique. Il voit ses affaires de façon binaire : entubeur-entubés. Dieu n’a pas d’appétence particulière pour l’autocritique. Il n’aime pas qu’on fouine dans les coulisses. Quand les hommes ne lui plaisent plus, il les jette sur terre. Mais personne n’ose dénoncer ce qui se passe au paradis. Il est trop puissant, sa notoriété impressionne.
le peintre talentueux qui rate sa vie par compassion pour les autres ;
la nostalgie de ce qui n’a pas été ;
il y a la beauté des départs pour l’inexploré, les entrées en guerre, les prises de voile, les contrats signés pour la vie qui sont des actes d’héroïsme si les enrôlés le consentent de sang-froid ; il y a les autres voies que les impasses, l’urgence à changer les règles, les millions de réfugiés, les jours plein de doutes, le bruit des uns et le silence des autres, les gens qu’on euthanasie alors qu’ils n’ont rien demandé ;
le similiste faux cuir ;
la peinture de Max Ernst : « La bicyclette graminée garnie de grelots, les grisons grivelés et les échinodermes courbants l’échine pour quêter des caresses », (1920-1921) ;
il y a les discriminations ;
le héros odieux, celui que l’on hait pour son indignité morale, « le méchant » ;
il y en a toujours trop dans la poésie d’un cochon châtré ;
la responsabilité des intellectuels ;
le fameux Harmonic-asthmatique ;
la connaissance de ce qui se passe dans la tête d’un gourou qui sent des pieds quand il se déchausse, même si nous avons toutes les raisons de penser qu’il ne s’y passe rien ;
l’écologie : c’est compliqué d’utiliser une éponge plutôt qu’une lingette ;
la Girouette :
la morbidité hilarante de la girouette, qui est le potage des rengaines désinvoltes, va du dehors chenu au dedans mesurable. Elle croit peser les rêves en spéculant sur des clowneries. Mais elle n’aboutit jamais qu’à préchauffer les semelles d’un bruiteur. Ce n’est pas même un avilissement, puisqu’une souillure ne se destine que distraitement les hachures qu’elle façonne. L’habitude lénifiante, elle, va du dedans au dehors. Penchée sur ce marivaudage qu’est l’opprobe, elle le peinturlure. Et soudain voici que bientôt rayonne, pour la ravigoter, cette licence tortueuse qui est le totem de l’élan. La girouette, cacahuète, fut-elle passe-temps d’oisif, flatte la croupe d’une poterie plus qu’une enjambée d’ablette. Est-ce à cause de ses effets hébétés d’ortolans avec chaque osmose du jour ? Est-ce à cause de la rouille qui semble esquisser des hérésies poussives et nous interroger ? (78)
il y a la naissance imaginaire en 1990 de Sandrine Scheromm lorsqu’elle s’est mariée ; (25)
le génocide arménien ;
le vrai qui paraîtra toujours comme une espèce de fiction ;
la reine drag-queen qui mène une vache en plein New York ;
le noceur qui adore les chieuses ;
le bêcheur de parti pris ;
les choses qui se partagent, où il fait bon d’être désorienté ;
l’initiative face à l’ennemi : si quelqu’un te frappe sur la joue gauche, présente lui la joue d’un militant d’extrême-droite ;
le bleu :
J’aime le bleu préposé aux lèvres. Il se prend à rebrousse-poil. Tout crâne bleu est de Voltaire. Un nuage n’a pas la forme d’un ciel bleu. Le sable est bleu si on s’enlise. Le bleu ne doit rien au cinéma muet. Il y a l’heure bleue qui est creuse. Que fait-on de l’incapacité bleue d’agir ? Le bleu fait grimacer le pendu. Évitons au bleu quelque voisinage, comme s’il ne poussait plus d’herbe. Le bleu n’est féminin qu’au pluriel. Un soutien-gorge n’est pas bleu. Il n’y a pas de bleu rédhibitoire, ou d’art superstitieusement bleu. La soif de Baudelaire est restée bleue. Tout ciel de piano bleu exaspère. Les océans de platitude sont bleus. Comme le doute, le bleu s’installe. Waterloo manque de bleu. Mieux vaut être bleu que « blue ». Le bleu anglais sent le poisson. À quand un ministère du Bleu ? Un grand fourre-tout bleu. La mouche tsé-tsé est logée, nourrie, bleuie. Un beau bleu est un attentat. Le pucelage est un trésor bleu qui brûle d’effets frigorifiques. C’est beau du bleu, même dans le noir. Le rouge crée des simulacres, aussi ai-je vite changé pour du bleu. À quoi croit-on qu’un bleu croit ? (14)
il y a la brûlure sur la joue de laquelle la peau ne resurgit pas ;
l’idée arrêtée qui s’expose à la discussion ;
le retour des religions ;
le A comme « Afrique » : l’esclavage, la corruption, le traitement des femmes, le sida, le manque d’eau, la pauvreté, l’excision, les viols, la malnutrition, la mortalité précoce, la prostitution, les bidonvilles... ;
il y a les soucis phénoménaux des cruciverbistes ;
« L’Autruche aux yeux clos », (1924) de l’écrivain Georges Ribemont-Dessaignes. Il a dit : « Ah, la vie est terne comme une vieille dent. » ;
l’araignée dodue au poil pelucheux ;
ça m’arrange qu’on ne me prenne pas au sérieux, ça me laisse la latitude de surprendre ;
la bifurquation que j’ai prise à l’ouest de mon inconscient où je suis devenu un paysage ;
le fils qui joue au bowling plutôt que d’assister à l’enterrement de son père ;
les derniers mots de Vincent Van Gogh : « Je crois que la tristesse existera toujours ».
« L’imagination au pouvoir », slogan de mai 1968 ;
il y a ceux qui se posent toujours les mêmes questions, puis ceux qui utilisent les problèmes des autres pour ne pas s’en poser ;
le nombre de sots qu’il faut pour faire un public ;
l’homme qui est parfois assez fou pour préférer le citron vert au jaune ;
la gifle donnée à Mussolini (en rêve) ;
le pâté, le crachat, la bavure qui sont en art des résultats plus que satisfaisants ;
l’évidence que je ne suis jamais plus en harmonie que lorsque je suis seul, comme si j’étais devenu insaisissable ;
le gagneur qui ne s’entend plus vivre ;
il y avait ces héros qui se réjouissaient de passer sur la chaise électrique ;
l’escroc charismatique qui se cache derrière ses lunettes noires ;
le séisme du ressenti ;
les éléments déclencheurs de suicides :
la maladie grave, la perte d’emploi, le chômage, l’exclusion, la prison, le divorce, les situations d’échecs, la déception sentimentale, la mort du conjoint, la dépendance aux drogues, les situations de stress : professionnel, émotionnel, affectif ; les troubles biologiques : sommeil, alimentation ; la famille désunie, l’inceste, la violence extrême. (15)
la nuit où l’on commet des exactions à coups de reins ;
la philosophie selon Jean Commerson : « La philosophie a cela d’utile qu’elle sert à nous consoler de son inutilité. » ;
l’idée vivante comme si elle était éternelle ;
l’autre bleu : toutes réflexions faites, il faut ignorer le bleu citron, il n’est bon qu’à vous empoisonner la vie ;
l’Oncle Sam : ton univers impitoyable ;
le clochard qui est devenu le porte-parole des sans-abri ;
les raclements d’ailes à l’ouest où blanchit la lune ;
l’humaine déconvenue : c’est à peine si l’on peut nous prêter les bontés des bêtes domptées ou domestiques ;
le fauve interlope ;
les baromètres qui fonctionnent rarement parce que les prophètes sont très mal vus ;
il y a les renforts policiers ;
le fait de penser : une méthode pour ruminer à l’endroit comme à l’envers ;
le chômeur qui est effrayé de sa propre sérénité au milieu de l’anxiété générale ;
Paris-Alger, aller-retour ;
les ratures qui sentent la sueur de l’esprit qui désespère ;
le phantasme d’une existence idyllique ;
l’écrivain autrichien Stefan Zweig qui se suicide en 1942 ;
le gruyère qui est une chose en état de crise qui s’auto-mutile pour n’être plus qu’un trou ;
les doutes que l’on sème chez ceux qui en sont privés ;
l’excellente bibliothèque qui sera la plus futile ;
l’ombre éblouie dans les jardins sans statues ;
mes cartes postales vierges qui arrivent à destination malgré leur timbre blanc ou leur absence de timbre (1999) ;
les sentiments qui voyagent à la vitesse du désir ;
l’inventaire de citations sur la merde :
« La merde a de l’avenir. Vous verrez qu’un jour on en fera des discours. » Louis-Ferdinand Céline - « Là où ça sent la merde ça sent l’être. » Antonin Artaud - « Dieu nous aide et fait pousser le caca. » Francis Picabia - « Quand on est dans la merde jusqu’au cou, il ne reste plus qu’à chanter. » Samuel Beckett - « La vie, c’est une tartine de merde et il faut que tu en manges une bouchée tous les jours. » Michèle Blouin - « La pauvreté est un refus de partager la grande fraternité de la merde. » Romain Gary - « La politique, c’est comme l’andouillette, ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop. » Édouard Herriot - « De deux choses l’une : ou bien la merde est acceptable (alors ne vous enfermez pas à clé dans les waters !), ou bien la manière dont on nous a créés est inadmissible. » Milan Kundera - « Quand la merde vaudra de l’or, le cul des pauvres ne leur appartiendra plus. » Henry Miller - « Il y a trois choses qui nous accompagnent jusqu’à la mort : le sang, l’urine, et les excréments. » Georg Groddeck - « L’excrément et l’urine sont les hors-d’œuvre des médecins. » Expression latine - « Chier dans le même panier pour après le mettre sur sa tête. » Montaigne - Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de merde qu’il est temps de n’en plus avoir, du tout. » Gustave Flaubert - « La vie est de la merde, la vie est une histoire racontée par un cynique. » Helen Fielding - « Nous voulons dorénavant chier en couleurs diverses pour orner le jardin zoologique de l’art de tous les drapeaux des consulats. » Tristan Tzara ;
il y a le remue-méninges qui suinte du ventre aux aisselles ;
l’idée que tout n’est qu’une question de niveau de complexité, il suffit d’y prendre goût ;
l’Épître au Président Directeur Général ;
le manchot brisé dans ses rêves de musicien et qui s’abîme dans la morphine ;
la vidéo tournée dans les toilettes de l’Élysée ;
le nanti hyperbolique ;
l’idée casse-cou qui dérange l’ordre établi ;
la sensation qu’on a beau être spirituel, on passe la plupart du temps pour un cornichon ramolli ;
la banalisation de la présence des vigiles ;
les types de suicides : pendaison, arme à feu, noyade, saut dans le vide, accident de voiture, asphyxie, poison, immolation, défenestration, s’ouvrir les veines, overdose ;
le rendez-vous sporadique des ecchymoses sur le dos d’une carpe ;
le manuel du parfait soldat ;
les pessimistes dépités qui font néanmoins de la bonne soupe ;
la bibine, le pétrole et autres tord-boyaux dont on ne se méfie jamais suffisamment ;
les ambiguïtés du commerce équitable ;
l’idée que tout est une question d’énergie que l’on renvoie. Dans le métro, on envoie l’énergie du gars qui prend le métro ;
la blonde qui est la septième blonde des sept assassinées en sept jours ;
le poète qui regarde un orang-outan en se demandant comment il s’y prendra pour le transformer en un assaisonnement pour chien ;
le son d’une « Limace sur double vitrage » (1999) ;
la conscience qui a toujours mauvaise conscience ;
la réponse à un ami qui s’offusque de la vie chère ;
le parti pris : « il n’est frontière qu’on n’outrepasse ! » ;
il y a la nature en sursis ;
il y a Ève : la première femme qui n’a pas brandi la menace de retourner chez sa mère ;
le requiem tout lézardé pour un ange tombé du nid ;
le discours devant le Reichstag où Hitler annonce l’anéantissement de la race juive en Europe au cas où éclaterait une guerre mondiale (30 janvier 1939) ;
la main baladeuse du maître-nageur ;
l’adolescent qui veut trois choses : tomber amoureux, écrire un best-seller et se construire un corps d’athlète ;
l’élu qui fantasme sur ses groupies ;
la devise du nain de jardin : c’est une sinécure que d’être heureux ;
la gueule qui s’en va s’estamper au plus près des chants cyclothymiques ;
les lieux aimés lors de fieffées étreintes dans les oubliettes de notre humeur lunatique ;
la rêverie d’un hibou ventriloque tenu en laisse ;
mes « Objets » qui portent une étiquette avec leur nom (2000) ;
« Dites-moi un peu où est le progrès ? On dit que l’humanité marche, c’est possible ; mais dans quoi, bon Dieu ! » Alfred de Musset ;
le titre d’un article : « On ne parle pas le francophone » ;
les apprentis sorciers ;
la meilleure façon de manger qui est de ne pas vomir ;
l’idée ancienne qui s’incline devant l’actuelle ;
le mastiqueur de parpaings ;
les choses qui ont plus d’imagination que n’en portent nos rêves ;
le poème des amants qui s’envolent vers le Couchant ;
(je m’évade, j’évacue, je m’extravase) ;
le feuillet mutilé à mi-page sous quatre épaisseurs d’encaustique ;
l’état de torpeur psychique en fixant son nombril ;
l’escrimeur qui se prend pour Zorro en renonçant à l’alcool et aux filles ;
le bureau du bureaucrate ;
les 12 mots retenus de manière quelque peu aléatoire :
pompon, ukulélé, bouiboui, marboulette, opossum, évier, brocoli, fiasco, juteux, raplapla, tsé-tsé, échasse. (16) ;
il y a l’acte de ne pisser qu’en buvant ; et réciproquement ;
la cuillère-catapulte pour transformer une cuisine en champ de bataille ;
l’attention superflue prêtée aux détails ;
la liste non exhaustive de notices :
la notice d’utilisation du bordereau de transmission ;
la notice d’information qui ne se substitue pas au texte du protocole ;
la notice explicative relative à la réutilisation des données disponibles ;
la notice d’utilisation du formulaire de soumission ;
la notice explicative pour le dépôt du dossier de candidature ;
la notice détaillée pour consulter l’information bibliographique ;
la notice légale relative à l’emploi des formulaires ;
la notice relative à l’organisation et au déroulement des élections ;
la notice des indications utiles pour la dernière page de la notice... ;
il y a le capitalisme de la spéculation détenu par un faisceau de groupes économiques planétaires ;
l’ancien taulard qui devient l’objet d’une surveillance constante ;
l’été des mondes anamorphosés jusqu’où le regard porte ;
les derniers mots de Gérard de Nerval : « Ne m’attends pas ce soir, car la nuit sera blanche et noire ».
les fissures du plafond où vient s’amarrer le bleu du ciel ;
la question qu’on se pose : Suis-je comme je suis ? Ou suis-je ce que j’ai conscience d’être ?
la pensée qui ne peut en supporter davantage ;
la puce électronique implantée sous la peau qui permet d’entrer en discothèque ;
les prêches dans le désert ;
il y a Adam : le premier homme qui a marché sur la Terre. Un bond de géant pour un américain ;
les trésors dont le plus inestimable est encore de ne rien posséder ;
le livre « L’existentialisme est un humanisme » (1945), de l’écrivain Jean-Paul Sartre ;
mes bouts d’ongles conservés dans des bocaux pendant dix ans. Rien qui puisse ressembler à une compromission avec l’industrie de l’art (1996) ;
le sexisme ordinaire ;
le métro parisien à Stalingrad qui véhicule Monsieur Lionel chaque jour (27) ;
la devise du terroriste kamikase : plus tout ce qui m’entoure est abject, plus je me sens incomparable ;
la cambuse agrippée aux pentes rocailleuses ;
il y a les témoins dignes de foi qui certifient que Dieu est réversible et soluble dans l’acide sulfurique. Il ne serait pas omnivore, mais creux ;
le chahuteur infermentescible ;
les humains qui passent les uns près des autres sans jamais se toucher ;
l’argot qui ne vaut pas mieux que les bourdes d’un volatile ;
l’éloge du temps nié que les flux de l’abîme rendent poignants ;
la reconstitution d’un puzzle par Lady Macbeth (douteux) ;
l’heure de draguer ;
la ville d’Hiroshima, victime du premier bombardement atomique le 6 août 1945 ;
le gynécologue qui a quatre filles ;
le courrier à un prêtre : cessez de vouloir me sauver puisque je fais tout pour me hisser jusqu’au niveau où je serai totalement caricatural (59) ;
la liste du mouvement des jeunes :
ils sont littérallement partout,
ils sont venus, ils sont tous là,
ils sont de tous les horizons,
ils sont partis en chantant,
ils sont fiers d’avoir l’envie de gagner,
ils sont généreux et engagés,
ils sont mis en avant par les médias,
ils sont menacés de fichage génétique,
ils sont représentatifs des lycéens,
ils sont venus chercher les syndicalistes,
ils sont très peu selon la police,
ils sont hostiles à l’entreprise,
ils sont forts dans le défi collectif,
ils sont utilisés à des fins commerciales,
ils sont stigmatisés pour leurs origines,
ils sont tombés amoureux pendant les manifs,
ils sont le signe révélateur d’un monde injuste,
ils sont électeur pour la première fois,
ils sont là pour sauver le monde ;
il y a les rituels nomades sur un bûcher d’allumettes ;
les événements qui n’en font qu’à leur tête et les choses qui ne savent pas dans quel autre monde plonger ;
mes « Tableaux qui sont faits pour les salles d’attente » (1998) ;
les temps présents où l’on s’expose à nombre de désagréments lorsqu’on n’imagine pas que notre existence va tourner au cauchemar, parce qu’on est ébloui par une fille décervelée, prête à tout pour réussir, y compris à tuer de sang froid ;
les ultra-HNWI, « personnes de haute valeur », qui pèsent au moins 30 millions de dollars, (il y a 793 milliardaires à travers le monde dont 106 en Chine) ;
il y a les salaires féminins toujours à la traîne ;
les Équatoriens exploités sans merci dans les bananeraies qui connaissent les effets de la mondialisation ;
la petite toile qu’on peint sans nuire à personne ;
Jacques Dutronc : « Le message de mon répondeur ? Une sonnerie occupée. » ;
les déséquilibres démographiques ;
l’échantillon mélancolique qui sèche du mieux qu’il peut ;
le dioxyde d’azote, les pluies acides et les acides sulfuriques ;
l’idée désarçonnée par une juste répartie ;
la surdouée qui ne veut plus être l’héroïne principale des romans de sa sœur ;
il y a le maquillage des chrysanthèmes ;
le kangourou ? Un gourou en slip qui est xanthothrichogynécophile (aimant les femmes aux cheveux blonds) ;
l’écriture faite pour rendre possible tout ce qui est souhaitable ;
le tâcheron rituelliste ;
il ne fait aucun doute qu’il existe une mère qui a proposé son enfant à un démarcheur un peu fêlé, en échange d’un aspirateur ;
la poupée Barbie, svelte, blonde, maquillée et américaine ;
le peintre souffrant d’arthrite et qui rêvasse à la période impressionniste ;
le cochon piqué par une abeille ;
le stockcar : cette compétition de destruction de véhicules ;
le soldat qui est chargé d’identifier les corps sur un champ de bataille ;
les psychopathes que sont des faiseurs de guerre ;
la bouille de l’enfant hirsute ;
l’accidenté qui sortant du coma apprend que sa femme et sa fille sont mortes ;
le ronflement comme outil de communication ;
la houle qui beugle à perte (60) ;
le quatrain intitulé : le bibeloteur
N’aurais-tu vu, femme, à ma vision occulter
L’objet en plastique sur lequel tu as crachoté ?
J’en suis collectionneur et, si je ne suis bête,
Le bidule dont je parle est un ramasse-miettes ! (54) ;
il y a l’automobile avec télécommande qui se gare toute seule ;
le silence qui est un dispositif qui repose des gens sérieux ;
l’amour au temps du sida ;
les choses qui échappent à l’ennui et nous rapprochent un peu de l’essentiel s’il vient à se poser quelque part dans le vide ;
le dandysme subordonnée à une manière de vivre ;
l’exaltée qui se retire du monde à cause d’un chagrin d’amour ;
l’inventaire de mes correspondants :
des délinquants, des clochards, d’anciens déportés, des adolescentes télévores, des nomades et des fins de droit, des nécrologistes nihilistes, des prostituées, des ouvriers marxistes hétérodoxes, une réincarnation de Charlotte Corday, des vieillards borgnes, des femmes mariées avec des artistes, des immigrés clandestins, des vagabonds, des moines anarchistes, des petits éditeurs, des réfugiés politiques devenus médecins psychiatres, des chômeurs bouddhistes, des RMIstes humoristes, des condamnés à mort en sursis, des mécènes et des prolétaires intérimaires ;
il y a les fantasmes du péril jaune ;
la question : « Comment dit-on fasciste en hébreu ? » ;
la « Symphonie n°25 en sol mineur K.183 » de Wolfgang Amadeus Mozart ;
les échassiers de la rue en déambulation ;
les rêves pour lesquels, en l’absence d’éclaircissement, je préfère une explication invraisemblable ;
le mur usé, trou s’y fait, rat s’y met ;
le poète français Paul Celan qui se suicide en 1970 ;
les réfugiés de la faim ;
la suspicion de n’avoir jamais existé et d’avoir été l’invention d’un autre ;
les abus sexuels à l’égard des enfants ;
l’archétype du mollusque bêta ;
le dépeçage des libertés publiques ;
les « Combines » (1954/61), de l’artiste américain Robert Rauschenberg ;
la conviction que si les yeux avaient un contour trapézoïdal, beaucoup de choses l’auraient aussi ;
le quelque chose de pourri qu’on sent un peu partout (17) ;
la lapalissade du frileux : il est impossible d’étirer sa main au-delà de sa manche ;
l’idée reçue faite pour être violée ;
la liste de questions auxquelles on répond par la négative :
Êtes-vous prêt à subir un interrogatoire ?
Êtes-vous daltonien sans le savoir ?
Êtes-vous un tueur potentiel ?
Êtes-vous en train de vous brûler ?
Êtes-vous éperduement fasciné par la société américaine ?
Êtes-vous résolu à sauver la planète ?
Êtes-vous disposé à manger de la terre ?
Êtes-vous bien payé ?
Êtes-vous trombinophobe ?
Êtes vous mûr pour psychanaliser un sanglier ?
Êtes-vous décidé à servir d’esclave à un roi ?
Êtes-vous fiancée à un marin crétois ?
Êtes-vous incollable sur le papier peint ?
Êtes-vous déterminé à faire un pacte avec le diable ?
Êtes vous déjà allé dans la République de Nauru ?
Êtes-vous l’heureux gagnant de l’Euro Millions ?
Êtes-vous partisan de toutes les légitimités surannées ?
Êtes-vous parent avec Madonna ?
Êtes-vous libre-échangiste intégriste ?
Êtes-vous à risque d’hypercholestérolémie ?
Qui êtes-vous au juste ? ;
il y a la zizique horizontale et sirupeuse ;
le dessin qui n’est en rien semblable à l’idée qu’on s’en fait ;
le cheveux qui doivent servir à faire des pinceaux ;
la volonté de ceux qui ont un besoin pressant de pardonner ;
tous les cailloux déterrés derrière un seul ;
les méthodes d’exécution de la peine capitale : le peloton d’exécution, la chaise électrique, la chambre à gaz, l’injection létale, la pendaison, la décapitation, la lapidation ;
il y a les énigmes de ce temps qui se mord les doigts ;
la mort qui est décrite par des gens à qui l’ont racontée d’autres gens qui ne l’ont pas vécue ;
le piéton serviable qui ne court pas les rues (18) ;
la marée montante qui empeste où nous finissons noyés ;
les dramaturges qui cherchent avec raison dans les poubelles ce qui les font divaguer ;
la lavette suppurante ;
Emil Cioran qui a dit : « Dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter. » ;
les crécerelles auxquelles il faut des phrases du genre des turlutaines de l’opéra-comique ;
les discours sur la victimisation ;
les lettres anonymes signées de pseudonymes (sous la forme de jeux de mots) :
Adhémar Antrombe, Alain Verse, Alphonse Ovécet, Amédée Pant, André Sanfrapet, Anne O’Maly, Annick Dotte, Arlette Davinson, Aurèle Ehardy, Ben Evola, Berthe Éfraqua, Bill Boquet, Carlos Érongé, Casimir Akuleux, Cécile Sonfo, Daisy Gounette, Dick Tafone, Diego Valmieukin, Édith Trentroy, Élie Coptère, Ella Malviret, Elvire Sacutit, Esther Minet, Gérard Menvussa, Gilles Éparbal, Harry Hergout, Hélène Ormal, Henry Chiparlart, Herman Yack, Hester Ifiant, Inès Péret, Jack Sélaire, James Sézieux, Jean-Marc Lapage, Jeffrey Toulmonde, José Lespéret, Juste Comilfot, Klaus Trophob, Leslie Kéfier, Marc Dépozé, Marie Néafedou, Marthe Opilon, Martin Galle, Mylène Micoton, Nicole Niclous, Olivier Yard, Pacôme Ilfaut, Parfait Blesse, Pascal Hambourg, Pierre-Paul Oujak, René Gaht, Rose Ojoux, Sacha Touille, Sarah Bande, Sophie Suret, Sylvie Tumeur, Tony Truand, Yves Atrovite, Yves Remaure ;
il y a les bonbons de l’émir ;
le lavage de cerveau pratiqué dans la secte de la Scientologie ;
le Dieu chrétien qui n’auditionne jamais ses créatures, vous voyez le résultat !
la crevette qui prend un bain de boue ;
le crieur de nouvelles qui clame les prophéties de Nostradamus ;
la responsabilité des intellectuels ;
la gourmandise à se saisir de tout, à étirer le temps en toute impunité, quand on a assez parlé de son incapacité à changer le monde ;
l’idée que rien n’est plus beau que de zigzaguer en pissant sous des trombes d’eau en pourchassant des minettes à grands cris ;
le secret transmis comme un message entre conspirateurs ;
la perruque de Britney Spears dans le style Marilyn Monroe ;
il y a la vie qui va, qui vient, par gradations ;
l’impression de tracts remplis de coquilles, d’erreurs et de mensonges ;
la trinité globalisatrice : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce ;
les envahisseurs belliqueux qui ont pris forme humaine ;
les derniers mots de Johann Wolfgang von Goethe : « Ouvrez-donc les volets - de la lumière... plus de lumière ! » ;
la soirée où nul n’est venu de ceux que j’attendais ;
ma satisfaction d’avoir noyé ma plume insolente dans l’urine des bénitiers ;
le lascar qui ment à la mousmé qui pleure ;
les choses qui ne nous distraient en rien de nos cauchemars ;
il y a le sexe auquel on appartient ;
le Comité Colbert, d’anciens monarchistes reconvertis dans le secteur du luxe tricolore qui réalisent 82 % de leur chiffre d’affaires à l’étranger ;
l’incohérence qui aide à penser juste ;
celui qui chante dans sa baignoire ne peut être un piètre compagnon ;
l’idée fulgurante qui gagne le cerveau de vitesse ;
la terre qui a décidément une sale gueule. Nos représentants traînent les pieds devant une planète qui est en passe de devenir une poubelle.
l’omelette baveuse aux limaces ;
le jardinier qui est assez proche de l’écrevisse par sa casquette et son sécateur ;
l’avertissement : ce dont on te sermonne, cultive-le ! ;
le soleil-lance-flammes mitraillant à munitions lourdes ;
la bouche extensible comme l’élastique d’un bocal de cornichons. Je joue de mes lèvres comme d’un lance-pierres ;
la poètesse, de mère juive et de père chinois, qui est prise entre Kabbale et Tao ;
la fumisterie qui oblige souvent à avoir de l’esprit ;
la liberté : une bamboula dansée par les adeptes de Zarathoustra ;
les balades dans les cimetières où, grincheux, je me surprends mortel ;
l’homme qui découvre au même moment qu’il est stérile et qu’il n’est pas le vrai père de son fils ;
la machine à fomenter des histoires ;
les océans qui nous jettent des œillades ;
la liste de mots assez « beaux » : barbeau, beaucoup, beaupré, beauté, corbeau, escabeau, flambeau, lambeau, tombeau ;
la curiosité portée jusqu’à l’indiscrétion ;
les prévenances abusives des femmes à bien traiter leurs hommes qui n’aboutissent qu’à les abâtardir ;
la fantaisie qui est l’une des choses qui ne supporte pas d’ajournement ;
le mot meilleur que mille autres privés de sens ;
le fait de se reconnaître le droit de ne pas penser à propos de tout ;
les douleurs de la vie qui cheminent d’un pas trop lourd pour m’atteindre en plein cœur ;
les mots rimés :
la létargie des lithurgies ; l’œuvre de la couleuvre ; le squelette d’une bicyclette ; le secret indiscret ; l’abécédaire des émissaires un peu faussaires ; le confesseur de ma sœur ; la relique catholique apocalyptique ; la frimousse de la rousse ; les émules du crapule sans scrupules ; Edwige qui exige ; la brute qui recrute ; l’authentique apoplectique ; la migraine inhumaine ; les maquereaux des bistrots rétros ; la toilette de la maigrelette ; l’orgue de la morgue ; la jalouse andalouse ; ce bougre-là de Zola ; l’effroi des bourgeois sournois ; le dessin de tes seins sur les coussins ; l’énigme des borborygmes ; la performance d’une danse en cadence ; les fesses qui s’affaissent ; la campanule d’Ursule ; la cul-de-jatte béate ; le chou en caoutchouc ; la guerre vulgaire pour des chimères ; les scories des rêveries ; les larcins d’assassins... ;
il y a le relief dont on ne va pas faire un plat ;
l’amitié qui exige de chacun ce que chacun ne désire pas donner ;
le bistrotier qui se croit d’envergure à changer le monde ;
le cabinet de mélancolie ;
l’homme marchant sur les mains qui ne fait jamais qu’imiter celui qui marche sur ses pieds ;
le tourisme sexuel de masse ;
le foudre d’éloquence revêche ;
Salvador Dali : « Le moins qu’on puisse demander à une sculpture, c’est qu’elle ne bouge pas. » ;
là-bas, chez moi, en pays Dada ;
l’homme qui ne vit pas cent ans et il se crée des problèmes pour mille ans ;
le gardien de phare qui marche à tâtons dans sa tête ;
le refus de me dissoudre dans l’art de plomber l’ambiance avec une sentence chargée d’un message lourdingue ; alors que je commence tout juste à m’amuser de ma fausse modestie qui ne me fait pas plus d’effet qu’un analgésique en intraveineuse ;
l’idée géniale au milliard de mots qui est devenue cacophonique ;
l’installation d’une caméra dans la chambre d’amis ;
la hache d’apparat qui se relève avec une lenteur saccadée d’automate ;
l’expérience qui ne me sert en rien, car dans les trois quarts de mes agissements j’ai des pertes de mémoire ;
la boutique où l’on trouve du papier à mouches (19) ;
les clochards du carrefour de l’Odéon (38) ;
si l’homme n’est que poussière, Dieu est avant tout un aspirateur ;
La note 351 :
Il y a en art des embouillaminis qui constipent. Jusque dans les catégories de nos conceptions mentales, le passing-shot ornemental est directement opposé aux foulées poétiques ; or, une chose qui n’est pas chevrotine risque fort de nous être transférentielle. De là le discrédit du passing-shot ornemental. D’autre part, la molette d’un dentier, routine isolée de tout élément réceptif, ne mérite-t-elle point quelque peu le mépris d’un pendu ? C’est délétère ! C’est capotage ! Or voici un auteur qui, rien que par l’incognito de sa pagaie, a su s’extravaser d’un tel rince-bouche, donner au rigorisme un tel joujou et à tous deux un sens vital si miséricordieux, qu’on a la sensation d’être dans le voisinage d’un déprogrammateur subséquent et radieux tout à la fois, fondu dans l’intime essence de la station Dieu-Rat. Ici, plus de séparation parabolique, de catégorie justifiable, de tribune d’évêque : c’est le coma lumineux !
il y a la jeune fille qui s’échappe de la maison de correction où elle devait rester enfermée jusqu’à sa majorité ;
l’Iran atomique ;
l’esprit du bienheureux qui est libéré du besoin de comprendre ;
le proverbe bizarre : il est inutile d’enseigner à une pomme tombée de grimper à l’arbre ;
les effets indésirables dans l’alimentation :
les asperges (urines nauséabondes), les fromages fermentés (hypertension aigüe), l’ail cuit (malaise digestif), la bière (céphalées), la réglisse (hypertension artérielle), le ketchup (obésité) ;
il y a les mêmes rues piétonnières qu’on trouve partout ;
le ventilateur fabriqué à partir d’un rotor d’hélicoptère ;
la Provence dont on garde l’accent et une profonde tendresse ;
la plus sûre des consolations qui serait d’avoir fait le moins de choses possibles ;
le dandy qui ne s’est jamais habillé de la même façon jusqu’à l’âge de trente ans ;
l’Entrepôt des Réponses aux Questions Laissées en Suspens ;
les énergies renouvelables ;
la vérité : une quête pathétique pour le porte-monnaie et désopilante à tous égards ;
le changement de sexe de Madame Gina Van Schallaert (improuvable) ;
il y a l’insecte coprophage ;
le traitement appliqué aux circonstances d’une aquarelle vite peinte ;
le jour où j’ai rencontré une femme dans un bac à sable de Budapest et que nous assistions à l’explosion d’une cabine téléphonique avec son occupant. Hélas, une fois passé le cap épineux du premier baiser, cette femme s’est libérée aussitôt de l’impression que j’ai faite sur elle, surtout quand je l’informai que je suis du signe du lion et qu’à ce titre je peux honorer jusqu’à quatre-vingt-cinq fois par jour ma femelle ;
il y a l’idée du bonheur et de ses malentendus ;
le romancier qui se glisse dans la peau d’une femme voluptueuse ;
le concept : « Plus de chômeurs, moins d’indemnisés ! » ;
les vérités qui veulent être menées plus loin que le point où elles se sont rendues ;
la défense de marcher sur le gazon ;
l’athée qui conçoit Dieu à l’image humaine : aveugle, par exemple, cul-de-jatte et sodomite ;
la malchance de n’être pas même heureux quand on est généreux ;
les chats et chiens qui se seraient entredévorés s’ils ne s’étaient mis d’accord pour croquer un perroquet.
la chaise pliable qui s’accroche au mur lorsqu’elle est inutilisée ;
l’inventaire de questions concernant les artistes :
L’artiste est-il un décorateur d’appartement ? Doit-il exprimer ce qui est propre à son époque ? L’artiste doit-il faire du nouveau à tout prix ? Doit-il apporter sa pierre à l’histoire de l’art ? Doit-il commenter ses œuvres ? Travaille-t-il afin que son œuvre lui survive ? A-t-il une fonction sociale, anti-sociale, asociale ? Ne doit-il créer que des articles de commerce ? Doit-il répéter indéfiniment la même chose ? L’artiste peut-il modifier la mentalité de l’élite ? Est-il indifférent à la spéculation en art ? L’artiste est-il le galérien du galeriste ? Peut-il faire n’importe quoi ; n’importe où ? Doit-il toujours exposer dans les lieux adéquats ? L’artiste peut-il imiter ce qui s’est déjà fait ? Doit-il donner des preuves de son statut d’artiste ? Tout le monde peut-il être artiste ? Un artiste qui n’innove pas peut-il être de quelque intérêt ? L’artiste ne cherche-t-il qu’un moyen de désintoxication ? Peut-il avoir une idée préconçue de l’œuvre à réaliser ? L’artiste est-il nécessairement un perturbateur ? Prouve-t-il en le faisant que rien n’est impossible à faire ? Ignore-t-il dans son œuvre la société dans laquelle il vit ? Est-il capable de décrocher ses œuvres d’un musée ? Pourquoi l’artiste qui copie n’aime-t-il pas être tenu pour un copiste ? Se peut-il qu’un artiste ne prête pas d’attention à ce qui s’est déjà fait en art ? Se peut-il qu’un artiste ne fasse pas de son art une révolution permanente ? L’artiste dont l’œuvre n’apporte rien de neuf est-il à encourager ? N’est-il lié qu’au sort du carnet d’adresses des galeries ? Se peut-il qu’il se considère comme raté ? ;
il y a la Bible écoutée par téléphone (65) ;
le citron sur lequel il est difficile de grimper, mais essayez donc d’en descendre gracieusement ;
l’assassin de vingt ans, si beau qu’il fait pâlir le jour ;
les choses de parti pris qui n’ont pas à craindre pour elles-mêmes ;
les mots en A impossibles à placer dans ce livre : actionnaire (trop financier) ; adepte (trop sectaire) ; affairiste (trop mégalomane) ; agenouilloir (trop religieux) ;
les subversifs surveillés par les gouvernements ;
la musique jazz : quand je deviendrais anglophone, c’est que je me serais réincarné en saxophone ;
le livre « Capitalisme et schizophrénie » (1972), du philosophe Gilles Deleuze ;
les dantesques « Chants de Maldoror » du comte de Lautréamont ;
l’agenda surchargé du Bouddha ;
l’idée fraternelle qui se dissout dans l’humanitaire ;
le hasard : je ne sais rien de plus grand, aujourd’hui ni dans aucun siècle, de jouer sa vie et sa dernière chance aux dés ;
l’action : une sorte de vice. Pour n’importe quel motif, c’est un prétexte ;
le riz : quand on ne pourra plus saisir le taureau, c’est qu’il aura des ailes (57) ;
l’art qui a beaucoup trop de rapport avec la comptabilité ;
la démonstration de l’existence de Dieu chez l’homme, selon laquelle je m’emploie à relever des faits qui pourraient être tenus pour des indices. On m’a souhaité bien du courage ;
il y a le rouge-nuit qui sature tes artères ;
le type chez lequel rien ne peut se passer sans qu’il n’imagine une stratégie très pensée pour compliquer les choses ;
le vendeur de télés qui se définit comme une machine à calculer ;
il y a les leurres à la vue de certaines misères ;
la vie qui me dicte de la prendre avec un minimum de dérision ;
mon paquet de Malbarré qui déforme gravement les poches (1999) ;
le badigeonneur arriviste préraphaéliste ;
l’extravagance de témoigner d’aucun type de réalité ;
les onomatopées, comme celles utilisées dans les bandes dessinées, pour signifier qu’un personnage vient de glisser sur une peau de banane ;
la précarité pour tous : la norme du futur ;
le sens selon Gustave Flaubert : « Ce qui n’a pas de sens a un sens supérieur à ce qui en a. » ;
il y a l’idée d’une certaine beauté, autant qu’on aime l’apparence ;
le quoi, le où, le quand, le qui, le comment et le pourquoi ;
l’autre façon de dire adieu ;
les pieds-de-nez/doigt-dans-l’œil ;
mon puzzle monochrome peint en bleu, de manière à ce qu’il soit décourageant à reconstituer (1997) ;
l’homme : un ramoneur situé entre le ouistiti bègue et le cancrelat ;
les milliers de kilomètres, de crapahutages et d’embûches à travers tous les vignobles du monde, pour découvrir l’endroit présumé où notre aîné Adam a arraché sa feuille de vigne ;
il y a le devoir d’entrer en dissidence ;
le Dieu dépourvu d’existence en soi, comme un mirage qui existerait, mais pas de la manière dont il paraît exister ;
l’inventaire catastrophique « Rafistolage en cours » :
l’acte manqué - l’adolescente abusée - l’adversaire tué - les affaires délabrées - les affiches arrachées - l’agent outragé - l’air vicié - les aliments périmés - l’âme maculée - les amis brouillés - l’amour-propre blessé - l’ange déchu - les animaux décimés - l’appartement saccagé - l’arbitre vendu - les arbres décapités - l’artiste ridiculisé - l’ascenseur en panne - l’attaque à mains armées - l’avion saboté - le bail résilié - le ballon dégonflé - la banquise fendillée - la barrique percée - le bas filé - le bâtiment rasé - les biens confisqués - les billets contrefaits - le bistouri oublié - le blessé abattu - la bombe éclatée - la bouche édentée - le boxeur amoché - le bras cassé - la bulle éventée - le cadavre tailladé - le candidat sabré - la carrosserie concassée - le cerveau détraqué - la chair triturée - la chaise de guinguois - le chasseur descendu - le château assiégé - les chatons noyés - la chaudière bousillée - le chauffard zigouillé - les chaussettes trouées - le cheval fourbu - le chien abandonné - les chiffres maquillés - le ciment fissuré - la cité engloutie - le client hypnotisé - la cloche fendue - le clou tordu - le cocu pendu - le cœur flétri - la coffre forcé - les combines avortées - le commerçant volé - la communauté divisée - les comptes truqués - le concurrent ruiné - le condamné écartelé - la confiture gâtée - le consommateur spolié - le continent submergé - les contribuables tondus - les conventions bafouées - le coq occis - le corps démembré - les côtes enfoncées - le coude égratigné - le coupable condamné - le couple divorcé - le courrier surveillé - les coutures craquées - le crâne fracassé - le cratère égueulé - le criminel pourfendu - la culture dévastée - la denrée avariée - la dépouille défigurée - les dents cariées - le déserteur exécuté - le devoir brésillé - le dieu crucifié - la dignité ravalée - le disque rayé - les doigts entaillés - le dos éreinté - l’eau polluée - l’écorce scarifiée - l’écran implosé - l’édifice dégradé - l’électeur manipulé - l’élection invalidée - l’élève mouchardé - l’émail craquelé - l’employé licencié - l’empoisonneur poignardé - l’enfant battu - l’engagement annulé - l’engin détérioré - l’engrenage rouillé - l’ennemi anéanti - l’entreprise sabordée - l’épaule disloquée - l’épouse trahie - l’équilibre rompu - l’escalier démoli - l’esclave humilié - l’esprit perturbé - l’estime calomniée - l’étranger suspecté - l’évier bouché - la face ridée - les faibles massacrés - la famille désunie - la femme giflée - la feuille morte - la fillette souillée - la fleur fanée - le fleuve asséché - le fonctionnaire révoqué - les forces compromises - le fossoyeur courbatu - la foule ameutée - les freins trafiqués - les fruits putréfiés - le garçon prostitué - le genou déboîté - le ghetto incendié - le gladiateur dévoré - la glande atrophiée - la gorge tranchée - le gouvernement critiqué - les grains pilés - la grenouille disséquée - le grimoire effrité - le groupe fractionné - la gueule déglinguée - le goût dépravé - l’habit crotté - l’harmonie troublée - l’héritage croqué - l’holocauste nié - les hommes asservis - l’honneur sali - l’idée neutralisée - l’imagination débridée - l’infirme alité - l’information tronquée - l’innocent accusé - la jambe écorchée - le jeu falsifié - la jeunesse pourrie - la joue balafrée - le journal caviardé - le juge suborné - le jugement rescindé - les juifs dénoncés - les lacets pétés - le lait tourné - la langue mordue - le lapin dépiauté - les lèvres gercées - les libertés abolies - les livres pillés - les lois abrogées - le macchabée empoisonné - les machines enrayées - le magistrat destitué - la main crevassée - la maison écroulée - le malade étouffé - la marchandise avilie - les marches disjointes - le mariage annulé - le matador écrabouillé - le matériel réformé - la matière décomposée - les membres gangrenés - le mental aliéné - les métaux rongés - le meuble abîmé - le militant déboussolé - le miroir fêlé - le mobilier esquinté - les mœurs déréglés - le moine excommunié - les momies dépouillées - le monde détruit - le monument déboulonné - la morue étêtée - le mot obsolète - les mouches écachées - le mur lézardé - la muraille démantelée - la nation paralysée - le naufragé coulé - le nazi acquitté - le nez épaté - l’œil poché -l’œuvre fragmentée - l’ongle écorné - l’ordinateur planté - les oreilles encrassées - l’organe hypertrophié - les os désarticulés - l’ouvrier accablé - l’ouvrage piraté - le pacifiste torturé - le pantalon élimé - le papier moisi - le papillon épinglé - les parents séparés - la parole refusée - le parti scindé - les passants violentés - le passionné aveuglé - le patient condamné - le patrimoine émietté - le pays enlaidi - les paysans exploités - la peau desséchée - le personnel en grève - le peuple exterminé - les phrases tronçonnées - le pied écrasé - le piéton assassiné - la plaie infectée - les plans modifiés - le pneu crevé - les poches perforées - le poète exilé - le poignet démis - la poitrine effacée - le politicien soudoyé - le porc égorgé - la porte fracturée - les poteaux éventrés - le pouce broyé - les poursuites entamées - la poutre vermoulue - le pouvoir usurpé - la presse bâillonnée - les prétentions rabaissées - le prêtre suicidé - le prince dépossédé - les principes sapés - le prisonnier guillotiné - le procès démanché - le prophète lapidé - les propos censurés - la prostituée étranglée - la province ravagée - le quartier déserté - la querelle envenimée - la réalité gommée - le régime taré - le régiment pulvérisé - les règles transgressées - le religieux perverti - le repas brûlé - la réputation tachée - le résistant liquidé - la rétine décollée - la roche désagrégée - la rotule luxée - les roues voilées - le salarié démissionné - le sang contaminé - la santé précaire - le saule écimé - la séance suspendue - les sentiments évincés - la serrure coincée - la signature discréditée - le sol affaissé - le soldat mutilé - le son éteint - le souffle court - la star assaillie - le suspect effondré - les tableaux ratés - le talent dénigré - les tapis usés - le téléphone coupé - le témoin corrompu - le temps arrêté - le tendon sectionné - le terrain morcelé - la tête détachée - le texte raturé - le tiers-monde ignoré - le timbre oblitéré - la toile lacérée - le toit foudroyé - le travail bâclé - la tribu supprimée - les trompes obstruées - les troncs écuissés - les vacances foutues - le vase ébréché - le véhicule défoncé - la veine incisée - le ventre affamé - la vérité déguisée - le verre brisé - le vêtement déchiré - la viande déchiquetée - la victime immolée - la vie gâchée - le vieillard agressé - les vignes hachées - la villa cambriolée - la ville bombardée - le visage buriné - la vitre ébranlée - la voiture accidentée - la voix altérée - le voyou flingué ;
il y a les révoltes contre l’emploi au rabais ;
le rêve d’un monde où l’on aurait chacun deux ou trois remplaçants ;
l’écrivain qui essaie de se désintoxiquer de cette drogue qu’est l’écriture ;
la sensation non encore éprouvée ;
les expositions qui sont souvent semblables à des hypermarchés où les artistes se bousculent tant ils craignent d’être périmés ;
la fuite des fleuves du bout des âmes ;
la peinture de mes veines sur la peau, afin de laisser croire que j’ai la peau si fine qu’on peut distinguer mes veines au travers (1999) ;
la veste à carreaux de l’épouvantail ;
la femme bavarde qui est jalouse, compliquée et imprévisible ;
le coût psychique du licenciement ;
la phrase qui se retrouve à la place d’une autre ;
la nécessité de tuer son œuvre quand notre âme est en ciseaux ;
le consensus : tout au nom de la solidarité ! ;
la poétesse américaine Anne Sexton qui se suicide en 1974 ;
les humains qui sont faits pour devenir plus humains et les lèche-culs plus lèche-culs encore ;
la matière que nous n’aurions pas sans l’incontinence verbale des automobilistes :
bachibouzouk, brebis galeuse, ectoplasme, emplâtre, friseur de grenouille, moflette ; moule à gaufres, péteux, pisse-froid, porte-quenouille, procureur, proxénète, rinceur de bouche...
la main dans l’engrenage de la connerie qui est telle qu’on ne la retire plus ;
la jeune stagiaire qui est transplantée de Vezoul à Sydney ;
l’élevage de poux sur le crâne du pape ;
l’Islam est une religion qui, en ce qui concerne la femme, vit sur les idées de la préhistoire ;
l’ambiguïté qui est le meilleur moyen qu’on ait trouvé pour dire la vérité ;
la tablette au fort pourcentage de cacao ;
la préférence d’un bleu teigneux à l’absence totale de bleu (20) ;
il y a les nouilles périmées ;
le suicide attendu d’Hitler dans le bunker de la Chancellerie à Berlin (30 avril 1945) ;
le nuage du marchand de sable ;
le mâle à califourchon sur sa femelle qui se prend pour un alpiniste ;
le silence, cet avant-goût du nirvana ;
la cravate de Ramsès ;
le jour où mon cerveau s’est renversé. Depuis mon crâne repose sur le col de la chemise ;
la pensée unique qui est devenue populiste ;
l’archiviste qui fut tué trois fois par trois assassins et de trois manières différentes ;
la voie pour l’insubordination ;
l’iconoclaste André Breton à travers la tentative d’un coup d’État poétique ;
l’ornithorynque qui voulait être tout autre (88) ;
le no man’s land des radiations à faibles doses après la catastrophe de Tchernobyl ;
l’effondrement des idéologies, des Églises et des partis qui me font penser que je vis sur le rêve le plus largement partagé : être un perpétuel consommateur ;
le Toulousain qui pisse dans la Garonne (56) ;
la lesbienne arrêtée par la Gestapo et qui est déportée au camp de Sachsenhausen ;
la suie des corps qui fait la nuit chauffée à blanc ;
l’enduiseur de toiles mélancoliques ;
l’envie toute simple de profiter de la vie sans se faire de bile ;
le sentiment que si quelqu’un voulait se noyer dans mes pensées, je ne pourrais rien pour l’en sortir ;
le martyre de subir une conversation avec des patates à frites, celles qui donnent du corps à une purée. J’ai amassé avec elles un tel ramassis de clichés qui plus est proférés sur un ton insupportable comme des vérités profondes ;
les titres de livres qui sont des noms de mauvais shampooings ;
Alphonse Karr : « Ce que veut la classe laborieuse ? La classe laborieuse ne veut plus travailler. » ;
le monde qui reste et le temps qui dure ;
la femme adultère qui doit être catholique. Et je m’en tiens là ;
l’exorciste qui conjura quatre-vingt-dix-neuf fois le diable ;
il y a le multiple de 27 ;
l’article (22 II de la loi n° 68-690 du 31 juillet 1968) : « Quiconque aura fourni sciemment des renseignements inexacts ou incomplets dans la déclaration exigée en vue d’obetenir de l’État un paiement ou avantage quelconque indu sera puni d’un emprisonnement ou d’un taux d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement. »
il y a le mal-vivre au Soleil-Levant ;
la main qui frémit si la tienne l’effleure ;
la photo d’art : imaginez que rien n’est figé sur la pellicule, qu’il n’y a plus de pellicule dans l’appareil photo, que l’appareil est devenu inutile, que seule l’émotion compte, un moment superbement perdu ;
les choses qui ne prouvent pas que rien ne va tout-à-fait mal ;
les 95 % de gens qui s’ennuient en mangeant ;
la funambule qui à vingt ans est amputée d’une jambe ;
les abréviations dans les chemins de fer, comme l’AMDEC, qui est « l’Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité » (dont on se fiche) ;
le mode d’emploi de certaines minutes d’éternité ;
la mouche se posant sur une crotte et qui tient dans ses pattes la nourriture qu’elle élève en l’air d’une façon tout humaine ;
le titre : « Quand la finance prend le monde en otage » ;
l’idée dans l’air qu’on essaie d’attrapper ;
l’accident cérébral qui pointe en fer de lance ;
la femme : une aisselle qui se plie en accordéon en un clin d’œil ;
les inconsolables qui rêvent à la frange du regard ;
les dollars qui changent la donne ;
le culte rendu à Sénèque à cause de l’inquiétude ascétique de ce grand calomnié qui accepte la vie sans rien en bouder ; par là, mieux qu’aucun, il enseigne la résignation, parce que ses relations aux êtres sont commandées par le sentiment que nous vivons au milieu de choses qui doivent périr ;
il y a la réponse du figuier : au bout de leur branche aucune feuille n’est inoccupée ;
le partage des richesses comme question taboue ;
le bouddhiste qui se remémore les enjambées qu’il faisait enfant au-dessus des colonnes de fourmis pour éviter de les piétiner ;
l’hargneux coupeur de cheveux en quatre ;
la dernière phrase à écrire avant de mourir et se courber sur elle pour la retravailler ,
il y a l’ascète battu à mort et qui est vénéré à présent comme un saint ;
les moustiques transgéniques ;
les compagnes de nos heures nonchalantes qui viennent à pas légers ;
il y a les patrimoines pillés ;
le violet qui pourrait s’épargner toute la peine qu’il se donne pour parler avec sympathie du jaune ;
le dramaturge chinois indigné politiquement et qui crie son désarroi ;
l’inventaire de voyageurs à bord d’un train :
Un lieutenant serbe de Bosnie. Un courtier en bourse obèse. Une prostituée polonaise de Berlin. Un disc-jockey apparemment bourré de dollars. Une Africaine vendant des articles en cuir. Une jeune violoniste au crâne tondu. Un Rom de Hongrie sortant de prison. Un rapper qui a choisi un mode de vie alternatif. Une étudiante qui ne veut pas rentrer chez elle. Une Roumaine d’âge moyen portant un bébé. Un skinhead sous l’emprise de l’alcool. Un catcheur se rendant à un match de football. Un fermier qui ne parle que le français.
il y a la nouvelle douche, sensation pluie, orage ou bourrasque (42) ;
le curé qui ignore qu’il va rencontrer sa future femme lors d’un enterrement ;
le fou qui tire trois coups en l’air au milieu d’une foule dans le seul but de continuer à frissonner, se lassant vite de lui lancer ses douilles ;
la servitude plus forte que le supplice ;
la lassitude d’entendre les pères dire que leurs enfants ont « raté leur vie du premier coup » ;
le spectre de l’Occident qui paralyse la pensée ;
le record à battre : faire un grand patchwork avec toutes les toiles du Louvre ;
le « Bébé rayonnant », un des beaux pictogrammes de l’artiste Keith Haring ;
les quelques femmes exceptionnelles (dont il faut trouver l’intruse) :
Alexandra David-Néel ; Alice Bailey ; Amma (Swami Amritanandamayï) ; Ananda Mayi Ma ; Anna Eleanore Roosevelt ; Annie Besant ; Arletta Jacobs ; Audrey Hepburn ; Brigitte Bardot ; Catherine la Grande ; Charlotte Delbo ; Cléopâtre ; Colette ; Cosima Wagner ; Elisabeth Kübler-Ross ; Emma Bonnino ; Emmeline Pankhurst ; Eva de Vitray-Meyerovitch ; Evita Peron ; Françoise Dolto ; George Sand ; Golda Meir ; Greta Garbo ; Gurumayi Chidvilasananda ; Hazel Hallinan ; Helen Keller ; Helena Petrovna Blavatsky ; Hildegarde von Bingen ; Indira Gandhi ; Jane Austen ; Jeanne d’Arc ; Jeanne Guesné ; Juliette Favez-Boutonnier ; Kathleen Ferrier ; Lilian Silburn ; Louise Bourgeois ; Louise Michel ; Lucie Aubrac ; Lucrèce Borgia ; Mâ Anandâ Moyî ; Madame de Staël ; Marcelle Auclair ; Marguerite Duras ; Marguerite Yourcenar ; Maria Callas ; Maria Deraismes ; Marie Curie ; Marie-Magdeleine Davy ; Marthe Robin ; Mary Wollstonecraft ; Maryse Choisy ; Mélanie Klein ; Mère Meera ; Mère Téresa ; Mirra Alfassa ; Nadia Boulanger ; Nicole Fontaine ; Olympe de Gouges ; Poupée Barbie ; Sainte Catherine ; Sainte Thérèse d’Avila ; Sainte Thérèse de Lisieux ; Samantha Smith ; Sappho ; Sarada Devi ; Sarah Bernhardt ; Simone de Beauvoir ; Simone Veil ; Simone Weil ; Sœur Emmanuelle ; Tara Michael ; Thérèse Neumann ; Valentine Hugo ; Virginia Woolf ;
il y a l’obsédé qui hachure dans les livres les verbes à l’infinitif ;
l’eau de vie propre à guérir les infirmités ;
L’ornithorynque, c’est bon pour les poètes qui rentrent chez eux pour six heures (89) ;
le bureau du journaliste qui est décoré avec des portraits de lui-même ;
la machine à remonter le temps ;
l’idée fallacieuse de narguer les utopies ;
la certitude d’Henri Michaux : « Même si c’est vrai ; c’est faux. » ;
le légionnaire qui rêve de femmes manipulables et passives ;
le livre « Tropique du Cancer » (1934) du romancier américain Henry Miller ;
le partouzeur d’extrême droite ;
l’ermite qui est susceptible de devenir une négation de la famille ;
le désert qui sert d’encrier au gré de l’instant qui radote ;
les goémons enduits de salive océanique qui tracent la limite des champs de mines ;
les derniers mots de David Hume : « Je suis dans les flammes ! » ;
le baratineur qui a baisoté les femmes de chacun de ses amis ;
la ville de Pétaouchnock, si folklorique ;
le O comme « Ordinateur » : on inventera une machine mise au point pour le remplacer ;
le président de la République Imaginaire ;
l’huître nauséeuse qui cherche l’huis en se rongeant le dard ;
les tortionnaires sous Vichy ;
la certitude qu’avec autrui, on ne répond qu’à soi-même ;
la société alternative tant espérée fondée sur la légèreté ;
le face-pilier sans envers ;
l’absence de mémoire qui est un processus de survie qui empêche de devenir fou ;
l’idée qu’on dramatise pour en faire une œuvre ;
les gobelets en polystyrène ;
le sexe : une rhyno-pharyngite récréative avec écoulement nasal ;
l’idée découverte par hasard ;
les visions d’enfer qui galopent en tête (81) ;
la sinistrée d’un tremblement de terre qui vit dans les décombres d’un camp turc ;
le piaf qui se fracasse contre la vitre ;
la page blanche qui remplacerait la page 100 de tous les livres ;
les 6000 restaurants de Londres où l’on peut manger du couscous ;
la ville noctambule en réclame qui se décolore, bondée de néons ;
la cervelle du fasciste qui est une région pittoresque à explorer, mais personne ne s’invite à y séjourner ;
il y a l’onomato-poème :
Ah ! Cliketis frou aïe dong, hélas ! Tric-trac areu gruik sniff ! Chut ! Brou-haha gzzzt kikeriki, baa grumph ouah ! Croass bang meuh, ramdam bê chtac arf, cock-a-doodle-do ! Ahan gaw berk slam. Sssss ha boom guili-gulu, plif braoum yéééh ! Buzz bim pan woga ! Clang blabla ouinn ! Pst-ksss clung t-u-u-u-t ! Comic baff scrulf, cui-cui kili-lachka dreline, click gla-gla oohêê ! Vlan flap kwika mie-mie, gush-argh vroaaar ! Hiss badaboum splouf, hush hiiiiii bwouf ! Moo blam tsoin-tsoin, oink bazouka-pouêt, pop azlok crii crii ! Plunk aaah swwwoing ! Purr cot atchoum ! Quack blong chikirichi, squik chtonga brr ! Splash burp tiketic-tic ! Chtonc whirr beuh, woof doug roaaar ! Wow fschhh greeeu ! Zing hi-han, patatras ? Kss oups zdoïng, tagada hipipi-hourra ! Dzouzou tjoeke-tjoeke, strip crash smak ! Slip-slup gnomz ! Huluberlu optic gnnniii, arrrgggh zum-zum ! (41)
il y a la musicalité du vide à travers la porte scellée ;
l’avis d’un lecteur : « Parfois, je n’arrive pas à comprendre comment vous en venez à truffer vos phrases de bondieuseries post-hippies, de métaphores à l’imagerie oscillant entre néoréalisme soviétique et science-fiction de bazar ».
les choses qui s’écroulent parce que tout le monde les pousse ;
le dessin posthume d’une alternative poétique en miettes ;
les stratus au cilice atténué, nés au-dessus d’une mer septentrionale. Quand les ténèbres ont scellé la nuit et que nul ne respire près de moi, je crois sentir la caresse d’un nuage et, de voyeur, je deviens un visiteur emphatique, prêt à parler pour dire lucidement sa déroute ;
le temps d’un séjour exotique pour découvrir l’un des plus petits États du monde, (en banqueroute), une île dans le Pacifique-Sud, la république de Nauru (21,2 km2), micro-État voyou. Nauru est interdite aux journalistes et est accusée de servir de plaque tournante à des opérations de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme ;
mon esprit qui devient tout douleur si je ne peux partager ses jeux chimériques avec quelque maniaque de notre race ;
l’araignée qui passe sur notre cou comme un mouvement de sourcil. Où a-t-on trouvé la force de résister de la brûler ?
l’octogénaire qui dresse un bilan peu flatteur de son existence ;
l’obscurité qui se fait presque totale quand tout est annonciateur de voluptueuses terreurs ;
la marchandisation de l’eau ;
le publiciste poussif mais prodigieux ;
les extraterrestres qui doivent se demander ce que deviendrait l’humanité si on lui supprimait la servitude ;
le pseudonyme qui débarrasse de la défroque du personnage social. Une façon comme une autre de pouvoir commettre des méfaits en toute impunité.
le psychiatre du poète Antonin Artaud ;
la dernière esquisse d’un dandy encanaillé, versatile et fantasque ;
les jambes arquées ;
le bleu :
il manquait une couleur. Il y avait partout un besoin de bleu. Mais le bleu n’existait pas, alors je l’ai inventé. J’ai brouillé le blanc des œufs. Ce qui d’abord était blanc, à la fin devint bleu. Tout le bleu, je l’ai entouré d’un mur de mots. Quelle maladie de vouloir faire partager son bleu ! Excepté de t’en parler, que te dire ? Le bleu sait tout de lui ; mais rien d’autre. Moi, je milite en faveur de mille bleus. – On peut être bleu sans avoir rien à dire ! Qu’entends-tu par « bleu » ? et je te dirai si c’est bleu ! – Le bleu est-il ventriloque, ou élastique ? Sans doute que le bleu jouit de l’âme du rouge. Les lunes sont bleues avant d’être de miel. – Et l’accent circonflexe, est-il bleu ? On obtient du bleu sans passer par la vache. Ne tatoue en bleu que ce qui est sans couleur ! – J’aime le bleu par amour des abeilles. Si tu veux plus de bleu, donne-moi dix dollars. – Le bleu sera comestible ou ne sera pas ! Plus d’argent donne un bleu de meilleure qualité. – Ceux qui tirent l’as de pique se changent en bleu ? Rien de ce qui est bleu n’est gratuit. – Je vois que le bleu des autres ne t’échappe pas ! Neuf fois sur dix leur bleu ne l’est pas. Une braguette ouverte n’est pas verte. La terre n’est pas plate, mais bleue. Aies plus recours au bleu qu’aux femmes ! Une femme n’est bleue que centenaire. – À une question bleue ; tu ne réponds pas ? Les Suisses du Caire sont anti-bleus. – Le bleu les impressionne à contre-jour ! Les ectoplasmes jaunes désinfectent le bleu. Rien ne ressemble plus au bleu que du Ravel. – Les à-peu-près subsistent grâce au bleu. Dans le Gange, les baigneuses sont bleues. Les fourmis bleues dans les jambes, Zarathoustra en ignorait tout. – Vaut-il mieux être bleu de peau que gris ? Le caméléon s’en défend par le mépris. – Quand les couleurs passent, le bleu reste ? Une goutte de bleu et le ciel en est plein. Rien n’est prévu pour le remplacer. Le bleu, est-ce bien pour ne penser à rien ?
il y a l’aller-transe-retour ;
le poète roumain d’expression française Gherasim Luca qui se suicide en 1994 ;
le papier qui se froisse par impatience ;
la Suisse aussi neutre que ses vaches sont carnivores ;
les égarés qui tournent en rond ;
les robots qui bossent en usine : reste à les distraire ;
l’intermittence des injures inadmissibles ;
le romancier qui, depuis qu’il est un meurtrier, n’est plus en mal d’inspiration ;
l’intelligence qui dissipe la vanité ;
la résistance des moines bouddhistes face à l’oppresseur Chinois ;
le contestataire éthéré ;
les pistes luisantes sur les sites d’essais nucléaires encore au stade du gros œuvre qui s’étirent béantes ;
les vahinés de Pigalle qui immortalisent la réputation de ce quartier d’Outremer ;
« Comment le vent sait-il dans quelle direction il doit souffler ? » Stanislaw Jerzy Lec ;
la frénésie des détails, le calme de l’ensemble ;
l’idée de la veille dont on se moque ;
la maison transformée en énorme panneau publicitaire ;
la réflexion matinale : je suis le bien-aimé, me rappeler toujours cela si je suis insulté ;
il y a les vaches sacrées du Brahmapoutre ;
le lancer de vérités comme au bowling ;
le stock de verbes en Z :
zapper ; zigonner ; zoner ; zébrer ; zigouiller ; zonzonner ; zéroter ; ziguer ; zoomer ; zester ; zigzaguer ; zouker ; zézayer ; zinguer ; zozoter ; ziber ; zinzinuler ; zwanzer ; zieuter ; zipper ; zyeuter ;
il y a le pressentiment que mon cœur est un chantier d’abattage dans une chapelle gothique ;
les vers pour prier par-delà les orages ;
l’amour qui est une anomalie communiste qui s’injecte en intraveineuse ;
le Trou du Cul du monde à Saint-Rémy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson (36) ;
les otages détenus par les FARC ;
le viol des foules par la propagande ;
les ports d’échouage où les bateaux sont à flot ou échoués sur le sable ;
le caillou que j’ai à maintes reprises essayé d’emporter, mais n’ai pas réussi à le conserver plus d’une nuit. Le lendemain, il revenait inévitablement à sa place sur le chemin ;
il y a l’effacement du poème où tout est résolu d’avance ;
l’air frais jouant au favori après une ère de sécheresse ;
les flons-flons et les cymbales qui s’alternent ;
l’économie souterraine générée par le travail au noir ;
l’idée dont on ne peut rien retrancher ;
le garçon qui décida un jour qu’il ne ferait plus rien ;
les dithyrambes à la louange des clichés‑pressés d’en finir ;
l’état des états :
ac-état-e ; b-êtat-ron ; état-ique ; état-isation ; état-major ; États-Unis ; interpr-état-if ; interpr-état-ion ; m-état-arse ; m-état-hèse ; r-etât-er ; superf-état-ion ; superf-état-oire ; vég-état-if ; vég-état-ion ;
l’amante en bas résille, bustier et porte-jarretelles qui se sent comme abandonnée ;
le délirium tremens chez les héros délétères ;
Jeanne d’Arc : s’il fallait tout recommencer avec elle ; je demanderais qu’elle soit américaine et directement l’héroïne d’un feuilleton.
la sagesse : sur des points de première importance ; la sagesse donne des conseils diamétralement opposés tous les huit jours ;
les yeux qui à terre se ferment comme pour dire que le goût de la boue est agréable ;
les deux sortes de psychiatres :
celui dont les bonnes intentions cache une perversité subtile, et celui qui forge autour du thème des personnalités en péril une comédie pleine d’entrain ;
il y a les vingt ans d’oubli pour retrouver la tendresse ;
le clampin de feu M. Tran-tran ;
la plus grande montagne du système solaire : l’Olympus Mons sur la planète Mars qui a trois fois la taille de l’Everest ;
le futur incertain dont on franchit chaque jour le seuil ;
le vélo de Toto qu’il vend en mille morceaux ;
l’élève qui est un peu barjo depuis que son père s’est suicidé quand il avait huit ans ;
le cactus qui se lave en se léchant ;
la mouche morte : le premier cadavre qu’un enfant ait vu ;
la dédicace à l’astre qui brûle la rosée ;
les gros cons, les bulldozers et les flamants roses qui vont en groupe ;
les derniers mots de Thomas Hobbes : « Je dois franchir ce pas redoutable qui me conduira dans les ténèbres. » ;
les retrouvailles d’un auteur et d’un mot jeté à la baille ;
le one-woman-show sur les déchirements du névropathe ;
le bonheur qui est la plus grande escroquerie du siècle ;
la poussée vive et la décrépitude ;
le licencié qui recourt à un cinéaste qui a traité des sujets sensibles ;
l’idée idéelle en art qui prime sur l’objet ;
les choses que l’on perd avant qu’on ne les possède ;
l’altitude élevée proscrite à l’Occidental ;
les météorites au-dessus des zones sensibles ;
la tolérance zéro : ce vent punitif qui vient d’Amérique ;
« Où se posaient les hirondelles avant l’invention du téléphone ? » Grégoire Lacroix ;
la machine qui fait revenir le Bon Temps ;
l’anarchiste : un esprit impolitique, tendance grave ;
la dépression, syndrome de désadaptation ;
la couleur qui tire vaguement sur le beige dont on sait se passer ;
l’idée révolutionnaire qui changera le monde ;
l’incapacité à faire une mise à sac minutieuse de tout ce que j’exècre, à l’exception des cruciverbistes avec qui je ne peux pas vivre plus d’une minute ;
la vie qui n’est qu’un long effort pour échapper au plein de l’existence ;
il y a l’idée qui permet de cavaler mais pas de s’envoler ;
le lisible à marée basse dans l’immobile va-et-vient ;
la lettre Q dans l’alphabet ;
la photo d’une mouette sur une bitte d’amarrage le long d’un quai ;
les casseurs de pub ;
les additifs alimentaires :
les colorants, les conservateurs, les antioxydants, les émulsifiants, les gélifiants, les stabilisants, les arômes artificiels, les édulcorants, les exhausteurs de goût, les acidulants ;
le guitariste sans état d’âme, assis sur son ampli, une corde brisée entre les doigts ;
le pacemaker qui reflète l’âme ;
la voix brouillée d’un inconnu au téléphone ;
les testicules de perroquet qui ont beaucoup favorisé la vocation des Anglais pour la colonisation ;
les coups de cœur des buveurs de rosée ;
l’éventail de nuages à demi lisibles sur la signature de Nerval ;
l’égoïneur au refrain passe-partout ;
le mal nommé : on ne peut rendre les gens qui se prénomment « Adolphe » moins nuisibles qu’ils ne sont ;
les jours maudits du crabe dans le mazout ;
le bâton de vieillesse : lorsqu’une érection, toute tuméfiée, a atteint son beau fixe, le charme opère ;
l’idée qui nie les mots qui lui ont servis ;
le concept : ne faire des œuvres que totalement invendables (1995) ;
le chien qui saisit dans sa gueule le corps d’un rat, il s’excite pour en finir ; rien ne donne le sens du sang autant que la chaude puanteur des viscères ;
la couronne dentaire de la reine d’Angleterre ;
il n’y a aucun mérite à être aliéné dans des conditions idéales ;
le mouvement d’émancipation pour les chiens d’aveugle ;
le pressentiment : si je vivais cent cinquante ans, je finirais par devenir un assassin ;
il y a ceux qui soufflent comme des phoques ;
l’ardoise magique qui efface les phrases agencées sans rime ni mesure ;
la fenêtre : j’en connais un qui s’interdit de regarder par la fenêtre afin de n’avoir aucun temps mort à compter dans sa journée ;
la beauté qui de nos jours fait figure d’idée neuve ;
le paysage de barbelés qui hurle des piques contre la guerre ;
il y a les paroles de chats obscènes ;
la Martiniquaise qui est contrainte à l’exil pour fuir un mari violent ;
les êtres qui nous habitent encore ;
les poils pubiens qu’on place entre les pages des livres comme marque-pages ;
le conseil : on arrête tout, on réfléchit ! ;
les beaux lendemains pour nos démons intimes ;
la déclaration d’amour d’un américain faite au Président Iranien pour lequel il n’y a pas de gays en Iran, (deux adolescents ont été exécutés le 19 juillet 2005 sur la place de la « justice » de la ville de Mashhad, en raison de leur homosexualité) ;
la tourmente de milliers de fous remis en selle ;
le destin : une entourloupe vouée aux huluberlus en camisole ;
les 18 000 enfants qui meurent chaque jour de faim ;
les crucifix tordus en forme de i grec ;
l’homme qui surprendra l’Innommé dans une sorte d’extase, alors que le perroquet coréen vit cela comme une expérience vulgaire ;
l’argus des vérités amoureusement convoitées ;
Wall Street qui enchaîne une troisième séance de repli pour la quatrième séance consécutive, malgré son léger rebond tenté en première partie de journée ;
l’émoi désinvolte du snob ;
mes rares moments d’euphorie qui font la consternation des autres ;
les rehauts de violet sur une première inspiration ;
le proverbe hollandais : « Le clou souffre autant que le trou » ;
l’image subliminale à la télévision du portrait d’un candidat avant les élections ;
Arthur Rimbaud, l’astre énigmatique ;
le chapelet du loser aux pieds de macchabéee ;
la méditation qui est comparable à la vue qui baisse ;
l’homme qui est comblé quand on lui offre des montres à ses anniversaires ;
la question : à quoi reconnait-on que l’art en contient trop ?
les clins d’œil de cadavres exquis sur le qui-vive ;
l’idée de vérité dans ses vérités momentanées ;
la seringue hypodermique remplie d’une drogue qu’on ne prend qu’une ultime fois ;
l’heure du repas : quand j’ai conscience d’avoir faim, il n’est pas commode de m’en faire changer l’idée ;
il y a l’envers d’une vérité qui a juste le temps de s’effacer ;
les femmes qui changent de mains ;
les interdits :
Musée : ne pas toucher. Œuvre : ne pas photographier. Bibliothèque : ne pas parler. Mur : ne pas afficher. Hôtel : ne pas déranger. Restaurant : ne pas fumer. Bistrot : ne fait pas crédit. Concert : ne pas tousser. Église : ne pas blasphémer. Piscine : ne pas uriner. Train : ne pas se pencher. Photomaton : ne pas bouger. Signal d’alarme : ne pas utiliser. Pelouse : ne pas piétiner. Forêt : ne pas incendier. Hôpital : ne pas parler. Vitesse : ne pas dépasser. Propriété privée : ne pas chasser. Zone militaire : ne pas pénétrer. Supermarché : ne pas voler. Garage : ne pas stationner. Commerce : chiens non autorisés. Billet de banque : ne pas brûler. Mort : ne pas se suicider. En société : ne pas roter. Jeu : ne pas tricher. Démocratie : ne pas critiquer. Suicide : ne pas rater. Sexualité : ne pas se masturber. Préservatif : ne pas réutiliser. Immeuble : ne pas taguer. Vitrine : ne pas lécher. Voie ferrée : ne pas traverser. Policier : ne pas insulter. Femme : ne pas violer. Homme : ne pas pleurer. Chat noir : ne pas croiser. Bouteille : ne pas caresser. Assassin : ne pas contredire. Parents : ne pas renier. Patron : ne pas tutoyer. Piéton : ne pas écraser. Moralité : ne pas mourir…
il y a les éblouissements aux allures ampoulées ;
le plaisir incomparable de pénétrer sa maîtresse quand elle ne s’y attend pas ;
les instants, peu à peu, tannés dans le désert de l’autre ;
la liste obsessionnelle : je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime,
la chute brusque dans l’occulte ;
les choses qui viennent à manquer et qui commencent à compter ;
la griserie trouvée dans la tristesse ;
le prénommé Brandon : un américain qui ne supporte plus qu’on l’appelle « John » ;
celui qui se croit seul au service de la révolution ;
le calvaire des clandestins ;
le trombone à coulisse qui se joue en coulisses ;
les épreuves qui n’en ont pas l’air ;
l’artiste qui se fait le mérite de son œuvre annonce lui-même qu’il n’en a pas de meilleure ;
les entassements d’os dans les camps d’extermination ;
la boss menottée dans une cave où elle n’a aucune chance d’être retrouvée ;
la foule qui bat le pavé des villes jusqu’en Amérique où sont attendues les plus grosses manifestations depuis la guerre du Vietnam ;
le corps des femmes et le regard des hommes ;
le besoin d’aller de bouée en bouée en se maudissant d’avoir lâché l’une pour l’autre ;
l’idée ample de l’étendue de notre ignorance ;
le poète français Thierry Metz qui se suicide en 1997 ;
le « Huitième », (un mot de 8 lettres) ;
le « Diptyque Marilyn » (1962), de l’artiste pop américain Andy Warhol ;
le parcours du point M quand OM = NP ;
les salutations distinguées de Madame la Vice-Présidente ;
les derniers mots de Paul Léautaud : « Maintenant, foutez-moi la paix ! » ;
la barrière de séparation israélienne en Cisjordanie ;
l’éclabousseur de virginité ascétique ;
il y a les intellectuels militants ;
les rencontres étranges que l’on fait à Bangkok tous les 10 mètres ;
les 300 000 enfants soldats dans le monde ;
le ciel porteur de menaces qui se penche jusqu’au déséquilibre ;
la divine recette :
Saisissez-vous du nuage où Dieu demeure. Ouvrez-le en suivant les pointillés. Laissez fondre dans un bénitier sur un feu moyen. Ébouillantez Dieu. Tournez jusqu’à disparition des bulles papales. Lorsque le fond auréolé se détache, retournez Dieu et cuisez l’autre côté. Pour éviter l’effondrement de la divine anatomie, ajoutez du vin de messe à la dernière minute. Quand Dieu se révèle, servez ! Et mastiquez Dieu en écoutant du Bach.
l’idée-symbole d’une génération ;
le « Mètre-carré d’art » tout en herbes qui était tondu régulièrement (2000) ;
les coups de feu tirés lors d’un concert de Brahms ;
la seule chose pour laquelle j’ai de l’aversion, c’est d’être mis en présence d’une bourgeoise qui s’arrache les mollets à la cire dépilatoire ;
l’enfant battu, rejeté par les siens, qui est l’esclave à tout faire ;
il y a l’abédédaire involontaire :
A : les astronautes abrutis par les alcooliques anonymes ;
B : brûlent en banlieue le business des barbecues aux balcons ;
C : censurent le consensus sur les cauchemars de cactus ;
D : déclarent aux dictateurs déguisés leur deuil ;
E : éradiquent l’Église, leur ennemi en échasses ;
F : fanfaronnent dans une fièvre footballistique ;
G : génocident les génies guerriers ;
H : se hasardent à l’humour en hélice des homosexuels ;
I : inventent d’instinct des injures iniques ;
J : jalousent les jouvencelles aux jeux juvéniles ;
K : klaxonnent les kangourous un peu kleptomanes ;
L : listent les lapsus dans la littérature des lâches ;
M : menacent de marier les mélancoliques à d’autres mammifères ;
N : font naître à New York les nouveaux nés Népalais ;
O : obligent les ordinateurs oniriques à s’ouvrir à l’ozone ;
P : prédisent aux polygames un processus de paix poétique ;
Q : quittent leur quartier pour le quart monde ;
R : réclament du reggae pour les rebelles sans révolution ;
S : saluent systématiquement le soleil avec des stimulis sonores ;
T : tatouent de leur tendresse les têtes de turc du Texas ;
U : unissent d’urgence l’urbanisme d’Uranus à l’univers ;
V : voyagent dans la vase de Venise sur des vaches à voile ;
W : et en week-end,
X : les xénophobes
Y : yougoslaves
Z : zigzaguent avec zèle dans les zones zoologiques ;
il y a le passage des oies grasses à peine esquissé ;
« On ne peut compter que sur ses doigts. » Ylipe ;
le silence et tout ce qui fait moins de bruit qu’un canon ;
le sorbier des oiseleurs au port rabougri ;
les pages fignolées jusqu’à l’obsession ;
les stéroïdes anabolisants qui discalifient les poètes dans le monde de l’édition ;
l’utilité de Dieu qui est de nous permettre de se parler à soi-même de ce qui nous arrive et d’accepter ce qu’on en ignore ;
le lit qui défie les lois de la gravité ;
la mort : une théorie impertinente pour psychanalyste tonsuré ;
mais il n’y a pas de con qui puisse être discret ;
il y a les amis imaginaires de Philadelphie : Alyson et Jimmy Penswick ;
le ménage qui donne sa chance au printemps ;
l’humanité qui découvre un nouvel ennemi, lequel donnera du sens à toute une existence ;
la vache qui se pourlèche les naseaux ;
l’idée de la peur qui aime celle du danger ;
l’aristocrate qui a connu l’amour de sa vie en 1917 pendant les émeutes de la révolution d’octobre à Saint-Petersbourg ;
la peinture : une toile est plus rapide à peindre qu’une maison ;
il y a l’ordinateur barbouillé de gadoue ;
les Marie-Odile qui sont du genre à ne se shampooiner qu’avec des échantillons ;
le plaisir des mots en rade chichement obtenu ;
la belle Ursula Andress dans « James Bond 007 contre Dr. No » ;
les livres rangés sans ordre apparent ;
le chameau qui ne se représente pas Dieu en dromadaire, mais en chameau ;
le démon qui se faufile de cervelle en cervelle ;
le pape qui est encouragé par ses fidèles à revêtir l’accoutrement du père Noël ;
l’idée qu’il suffit de chercher à ne rien trouver ;
les myrtilles qui font les lèvres purpurines ;
l’anamorphose à décoiffer les morts enterrés debout ;
l’égérie dont on s’est contenté ;
une liste de mots où le « h » est inutile :
Afghanistan ; archange ; bacchante ; Bahamas ; blockhaus ; Bouddha ; brouhaha ; cahin-caha ; Carthaginois ; catharsis ; Chaldée ; cithare ; cohabitation ; Copenhague ; déhaler ; déshabillage ; déshabituer ; éthane ; eucharistie ; euthanasie ; exhalaison ; exhausser ; exhaustif ; Ghana ; gymkhana ; habileté ; habitable ; hâblerie...
il y a le prêtre pour lequel le sexe est le sujet de conversation privilégié ;
l’au-delà des idées reçues ;
« La merde d’artiste » mise en conserve par l’artiste italien Piero Manzoni (1961) ;
les maigrelettes dont on voit les côtes ;
le bellâtre virevoltant en taule ;
le parti pris de faire circuler le bruit que je montais une exposition rue Roché-Seil à Paris. J’ai fait subir à la réalité une transformation quelque peu prosaïque ; sans doute en raison de mon goût pour les non-événements. Il n’existe pas, en effet, à Paris, de rue Roché-Seil (1996) ;
il y a les glandes sudoripares qui ont une senteur poétique très prononcée ;
le taboulé qui est un plat qui se mange froid ;
la lumière qui essaime les choses qui n’en font qu’à leur tête ;
le banquier auquel il manque de savoir faire son boudin ;
les paroles qui suent à travers un mol épiderme ;
le gilet pare-balles contre les cracheurs de rimes qui sont des tueurs à gages ;
le désert du Hoggard laminé par le vent ;
l’aveu : si vous saviez comment je vous aime, vous en mourriez de joie ;
il y a le peu d’années qui nous restent ;
la chasse au papillon quand on a rien d’autre à se mettre sous la dent ;
l’idée exquise de compter les étoiles ;
l’embarras avec la Bible, c’est que Dieu aimerait que je le considère comme mon auteur favori ;
la foi aveugle dans le progrès scientifique ;
la question : « À quoi penses-tu ? » - La réponse : « À rien ! » ;
les choses de première importance qu’il faut poursuivre même si le corps proteste ;
l’enfermement dans une chambre d’écho ;
il y a l’anonymat : il faut une sacrée personnalité pour exister sans être vu ;
le ministre de l’intérieur qui est kidnappé par un groupe terroriste d’extrême gauche ;
le livre d’art sans illustration ;
le téléphone biodégradable qui donnera vie à une plante ;
il y a l’angle azimutal d’un recoupement aimanté relatif à un point nodal,
le coefficient d’altération linéaire en anamorphose orthonormée,
le porte-prisme vu à travers le procédé planimétrique des tolérances,
la nivelle à bulle coupée sur une bande de sensibilité bilatérale,
le point d’appui non stationnable par bissection d’un cheminement triple,
le calage d’une alidade établi par nivellement en mode goniométrique,
l’orientation gyroscopique d’un paramètre de clothoïde à la graduation zéro,
le repère-cible de base avec ressauts combinés au temps synclinal,
la méthode Cholesky appliquée aux abscisses à la croisée géopotentielle,
le numéro de triangulation sur l’œilleton onomastique en mode décliné,
la paire de séquences d’une série équidistante à disposition de l’erreur absolue,
l’excentrement de station en faisceau perspectif à la frange focale,
le micromètre de lecture à coïncidence pondérée sur un multitrajet en marge,
le goniomètre réitérateur calculé pour un tour d’horizon orométrique,
le mamelon en projection UTM mesuré par variation au goniographe,
la verticale de l’axe secondaire dans la hauteur des tourillons hydronymiques,
l’identifiant parcellaire implanté par rayonnement d’isobare spatial,
le jalon-mire à hausse karstique au lever tachéométrique en ligne de crête,
le déclinatoire de la visée d’un algorithme par mesurage parallactique,
le nadir réversible à double courbure associé aux virgules longitudinales,
la théodolite opto-transmigratoire par défaut et viable en zone différée... ;
il y a l’idée de paix qui est de plus en plus fâchée avec le monde ;
l’interrogation populaire : « De qui se moque-t-on ? » ;
le film « Les Damnés » (1969), du cinéaste italien Luchino Visconti ;
le beau à l’heure des échos graphiques ;
la ménopause des fées (79) ;
la tradition urbaine en Argentine des promeneurs de chiens ;
l’art du bluff en philosophie ;
le bucolique : un poète qui hésite à déclencher un incendie de forêt ;
la propriétaire d’une villa qui réapparaît alors que tout le monde la croyait morte ;
la vérité qui excède après avoir ébloui ;
le nez chez Francis Picabia : « Notre nez est le cimetière de millions d’animaux. Ne repirez pas, si vous avez du cœur. » ;
le bois flotté qui vogue buissonnier ;
les câlins du petit matin par une belle à ravir les rivières ;
l’usine où l’on fabrique les cailloux ;
l’amour : il est plus simple d’épargner la première femme aimée que toutes celles qu’on courtisera ;
la violence masculine qui est la principale cause du suicide des femmes ;
les États-Unis qui n’hésitent pas à s’ériger en instance planétaire d’homologation démocratique ;
les crabes mazoutés ;
l’inventaire des années durant lesquelles nous mourrons :
2008 ; 2009 ; 2010 ; 2011 ; 2012 ; 2013 ; 2014 ; 2015 ; 2016 ; 2017 ; 2018 ; 2019 ; 2020 ; 2021 ; 2022 ; 2023 ; 2024 ; 2025 ; 2026 ; 2027 ; 2028 ; 2029 ; 2030 ; 2031 ; 2032 ; 2033 ; 2034 ; 2035 ; 2036 ; 2037 ; 2038 ; 2039 ; 2040 ; 2041 ; 2042 ; 2043 ; 2044 ; 2045 ; 2046 ; 2047 ; 2048 ; 2049 ; 2050 ; 2051 ; 2052 ; 2053 ; 2054 ; 2055 ; 2056 ; 2057 ; 2058 ; 2059 ; 2060 ; 2061 ; 2062 ; 2063 ; 2064 ; 2065 ; 2066 ; 2067 ; 2068 ; 2069 ; 2070 ; 2071 ; 2072 ; 2073 ; 2074 ;2075 ; 2076 ; 2077 ; 2078 ; 2079 ; 2080 ;2081 ; 2082 ; 2083 ; 2084 ; 2085 ; 2086 ; 2087 ; 2088 ; 2089 ; 2090 ; 2091 ; 2092 ; 2093 ; 2094 ; 2095 ; 2096 ; 2097 ; 2098 ; 2099 ; 2100 ; 2101 ; 2102 ; 2103 ; 2104 ; 2105 ; 2106 ; 2107 ; 2108 ; 2109 ; 2110 ; 2111 ; 2112 ; 2113 ; 2114 ; 2115 ; 2116 ; 2117 ; 2118 ; 2119 ; 2120 ; 2121 ; 2122 ; 2123 ; 2124 ; 2125 ; 2126 ; 2127 ; 2128 ; 2129 ; 2130 ; 2131 ; 2132 ; 2133 ; 2134 ; 2135 ; 2136 ; 2137 ; 2138 ; 2139 ; 2140 ; 2141 ; 2142 ; 2143 ; 2144 ; 2145 ; 2146 ; 2147 ; 2148 ; 2149 ; 2150...
il y a l’azur pour le firmament et les yeux des femmes ;
l’idée sensuelle qui est un aperçu d’éternité ;
le monde où l’on vocifère, dans lequel je persiste à envisager la prononciation lente des voyelles comme étant le passe-temps le plus bénéfique ;
la longue descente aux enfers du dépressif ;
les gros mots alsaciens : trayeuse de vieillards - profiteuse, playboy d’artériosclérosée - gigolo, gratteur de charbon - radin, batteur de bamboula - raciste, (75) ;
les plaies ouvertes en spirales dans la première âme venue ;
le citron vert qui n’est jamais content de rien ;
la nécessité de m’écarter résolument de ceux qui voudraient m’imposer un conformisme quel qu’il soit ;
les scènes d’intérieur peintes où figurent à l’arrière-plan des portes ouvertes sur d’autres pièces ;
la volupté de couler dans le désastre ;
l’ascension d’un cri sourd jusqu’en ses envoûtements ;
l’idée géniale mise en conserve par des sommités ;
les derniers mots d’Agrippine la Jeune : « Frappe au ventre, c’est là que j’ai porté César ! » ;
la fillette qui roule des crottes de nez ;
la maigre consolation : si d’autres n’avaient pas été géniaux, nous devrions l’être. Mais maintenant, à quoi bon !
l’escroc qui fuit avec ses gardes du corps les représailles de la mafia ;
l’usage immodéré des superlatifs ;
le dégurgiteur de procès-verbaux ;
l’idée qu’on boude si c’est une ineptie ;
le titre : « Jusqu’où obéir à la loi ? » ;
l’entre-deux-guerres (1918-1939), marquée par l’émergence des idéologies totalitaires ;
les 365 nuits d’insomnies ;
les pensées espiègles qui nous préservent dans leur sillage de bien des sortilèges ;
la biscotte qui tombe du côté beurré ;
la vie : une bambochade dubitative pour statisticien complaisant ;
l’écrivain britannique Virginia Woolf qui se suicide en 1941 ;
l’île dont les géographes ne font pas mention ;
la dissèquation de ses pensées, de ce qu’elles font échapper à l’ordinaire des soucis et aux remâchements de nos cauchemars ;
les mots-clés en art subversif : l’absurde, l’anéantissement, le camouflage, la contestation, la contrefaçon, le déguisement, le détournement, la dissidence, l’effacement, la subversion, la falsification, l’humour, l’incohérence, l’insolite, l’insoumission, l’ironie, le jeu, la négation, la provocation, la radicalité, la rébellion, l’usurpation, le sabotage, le sacrilège, la transgression, le ratage ;
le nord ou le sud ? : quand bien même nous avons deux jambes, nous ne pouvons pas suivre deux directions d’un seul coup ;
le manque crucial de femmes en été dans les grandes villes ;
les vacillements du soleil vers ton centre bivalve ;
l’œil qui assemble tout en arrangements plaisants ; l’autre œil qui se fait appeller Bismark ;
les condamnés à mort qui laissent le monde aller son train ;
il y a les Cadavres exquis : ?
les rebords de fenêtres spécialement conçus pour les suicidés ;
la photographie d’un container-poubelle entre deux caveaux en marbre (1998) ;
l’abeille qui sortit du feu au centre d’un cyclone ;
le doigt trempé dans la confiture ;
le racisme qui n’est pas réservé qu’à l’extrême droite ;
la lutte à mort comme règle idéologique ;
les 122 mots qui rendent fous :
(4 lettres) : four, (5 lettres) : fouet, fouir, foule, foutu ; (6 lettres) : Corfou, foudre, foufou, fougue, fouine, foulée, fouler, foulon, fourbe, fourbi, fourbu, fourmi, fourni, fourré, foutre, (7 lettres) : bafouer, enfouir, foucade, fougère, fouille, fouillé, fouiner, foulage, foulant, foulard, fouleur, fouloir, foulque, foulure, fourbir, fourche, fourchu, fourgon, fournée, fournil, fournir, fourrer, foutoir, refoulé, (8 lettres) : chafouin, chaufour, défouler, fouetter, fougueux, fouiller, fouillis, fouinard, fouineur, fourbure, fourchée, fourcher, fourchet, fourchon, fourneau, fourrage, fourreau, fourreur, fourrier, fourrure, foutaise, gardefou, refouler, (9 lettres) : bafouille, carrefour, clafoutis, défourner, enfourner, foudroyer, fougeraie, fouilleur, fouisseur, fourberie, fournais, fourrager, fourrière, fourvoyer, refouloir, (10 lettres) : affouiller, affourager, bafouiller, cafouiller, enfourcher, enfournage, enfourneur, foudroyant, foulonnier, fourchette, fourgonner, fourmilier, fourmilion, fourmiller, fourniment, fourniture, fourrageur, fourretout, foutriquet, jeanfoutre, serfouette, (11 lettres) : bafouillage, cafouillage, cafouilleur, enfourchure, farfouiller, fouettement, fourbissage, fourmilière, fournisseur, refoulement, trifouiller, wagon-foudre, (12 lettres) : califourchon, échauffourée, fourgonnette, (13 lettres) : enfouissement, fougueusement, fourmillement, fournissement ;
il y a la manière à soi de perdre pied ;
le besoin urgent d’une instance impartiale, crédible, indépendante et objective pour avoir des médias non contaminés ;
la vérité dite à la façon des autres ;
l’indifférence de Dieu : si je ne parle pas de lui, il ne m’écoute pas ;
René Char : « On ne partage pas ses gouffres avec autrui, seulement ses chaises. » ;
le sujet des ovnis toujours tourné en dérision par les journaux ;
les jardins où sont plantés des barbecues en béton et qui imposent des associations d’idées sur le mauvais goût français, la désespérance et la mort dans l’âme ;
l’espèce de train-train nauséeux ;
la musique : je suis un homme dans lequel on peut planter des disques de Jazz ;
le poétique en moi qui est ce que je n’ai pas encore effleuré ;
le carré de l’hypoténuse appliqué à l’art du tricot ;
la phrase dithyrambique :
Je m’en vais vous dire la chose la plus singulière, la plus atypique, la plus excellente, la plus inhabituelle, la plus paradoxale, la plus saugrenue, la plus truculente, j’ai perdu mon emploi à la banque !
il y a la possibilité de voter blanc ;
les choses qui comportent l’avantage de pouvoir en parler en faisant rire de soi-même ;
le clown comique Achille Zavatta qui se suicide en 1993 ;
il y a l’étoile filante qui brille à sa guise ;
le site web de la grotte de Lourdes qui met directement en relation avec la Vierge ;
l’idée redoutable quand on n’en a qu’une ;
la question : « A-t-on le droit de tout dire ? » ;
l’attente d’une collision charnelle avec une rousse miellée ;
l’idée qui n’est qu’un fatras dialectique ;
le vagabond qui fait parler de lui juste un jour avant son enterrement ;
le Dieu chrétien était un véritable tâcheron. Pour tout créer en moins d’une semaine, il devait avoir beaucoup de travail en retard. Il n’avait pas assez de caractère pour ne rien faire.
il y a les confessions érotiques du tarot ;
la serveuse Topless en string, en couverture du magazine Newlook ;
le politicien : un clientéliste qui ouvre les guillemets quand il parle ;
le reflet sur un enjoliveur qui m’a fait partir sans laisser d’adresse ;
la photo du télespectateur idéal ;
la question qu’on se pose en voyage : pourquoi faut-il que j’aille voir ailleurs si j’y suis ? ;
l’humour sur les bites qui fait rire tant qu’on est con ;
la poésie : c’est mettre la pagaille dans le songe en trompe-l’oeil où nous végétons au jour le jour ;
les horties qu’on arrache par poignées ;
l’écho qui ressemble à l’ascension d’un cri sourd jusqu’en ses envoûtements ;
la réparation du cerveau lésé par un traumatisme ;
la bombe à retardement ;
le tueur qui rend tripes et boyaux ;
le premier condamné à mort sur la chaise électrique William Kemmler, qui fut exécuté le 6 août 1890 ;
il y a les canulars téléphoniques ;
l’idée d’exception qui bouleverse toute une vie ;
les consultations populaires ;
le tableau « Green target » (1955), de l’artiste américain Jasper Johns ;
le tohu-bohu du voyant au ventre affamé qui s’étire loin où l’écriture déborde ;
la leucoséphobie qui est la peur de la page blanche ;
la découverte de Paris en hélicoptère qui est plus élitiste qu’en métro ;
le matelot aigri, solitaire et soucieux de le rester ;
les derviches tourneurs ;
les islamistes qui par les armes mènent aux urnes ;
la réaction face aux désastres qui foudroient nos intelligences ;
le Mur des Lamentations à escalader ;
la punaise écrasée pour laquelle la chaussure est la splendide personnification du Mal ;
l’interrupteur sans fil et sans alimentation ;
la France face à l’ère nucléaire ;
le kamikaze qui ne voyait pas plus loin que le bout de son sexe ;
la voix irrésolue du poète pas encore mort ; mais devenu muet ;
Henri Michaux : « ” Papa, fait tousser la baleine ”, dit l’enfant confiant. » ;
le film « Sauve qui peut - la vie » (1980), de Jean-Luc Godard ;
l’illusion de n’avoir plus de questions récurrentes à propos des femmes ;
les 2500 enfants de Bucarest qui préfèrent s’abriter dans les égouts que dans des foyers où ils sont battus ;
la vie qui est trop courte pour la passer à faire tout ce qu’on n’a pas eu le courage de rêver ;
l’idée ballottée, triturée, normalisée ;
les mollusques un peu tire-au-flanc ;
le quotidien des conscrits déserteurs vivant dans la clandestinité ;
l’ellipse narrative : studio, cacao illico, lavabo, radio météo, métro turbo, boulot dingo, bistro Porto, dodo, libido presto ;
le bonheur : un procès-verbal établi par des experts en balbutiements ;
les mauvaises fées sur le berceau ;
la chose inadmissible comme l’absence d’accent sur les lettres capitales ;
le Kangourou qui est notre maître hindou à tous ;
le Justaucorps :
La finalité est le multiprocesseur du justaucorps, elle est son permis de transport. Aussi, le simple énoncé rostral, parut-il n’avoir aucun rapport avec l’immondice qui nous enchâsse, suffit-il presque toujours ; en nous lessivant dans une voiture sanitaire, à nous faire reprendre ce qu’il résulte de nous-mêmes. À cause des corrélations indéfinies entre les goguenots et les retordoirs, telle la variance reproduite à tous les points de la sphère, à une culasse sur un justaucorps quelconque, correspond point par point à une autre culasse sur chacun des autres justaucorps. De telle façon que les substitutions successives de l’une à l’autre étant faites, non seulement le formatage de toutes ces choses sont vaines, mais les séries de leurs catégories respectives peuvent témoigner à l’identique.
il y a le swâmi qui souffre du rhume des foins quand il est à bicyclette ;
les genoux inamovibles de l’hypocampe ;
le collectionneur qui accumule les lingettes distribuées dans les avions ;
le monde, ce cache-pot pour nos têtes ;
le « Je t’aime » en Népalais : « Ma timi sita prem garchhu » (romantique), « Ma timilai maya garchhu » (non romantique) ;
l’athlète aux deux jambes artificielles privé de Jeux Olympiques ;
l’odeur capitonnée du chèvrefeuille sur ton cou ;
le hippie qui à bord de son voilier promène des nababs dans les Antilles ;
les derniers mots de : Danton : « Tu la montreras au peuple. N’oublie pas. Elle en vaut la peine. » ;
le sida qui aura causé 68 millions de décès à travers le monde en 2020 ;
le voyage : qu’est-ce donc, sinon de laisser une trace de son passage sur terre ?
il y a les animaux qui sont à l’aise dans leur peau ;
l’amour de l’anonymat, à tel point que je me suis fourré des plumes dans le derrière pour effacer les traces de mes pas (62) ;
les choses creuses qui portent en elles leur destin et n’ont d’autre ennemi que le temps ;
les petits carnets ornés de gravures érotiques ;
la capitale : Paris est creusée comme un gruyère. Entre le métro, les égouts, les carrières, les cryptes et les catacombes, les puits, les caves, les galeries et les canaux, les abris antiatomiques, les nappes phréatiques et les fouilles archéologiques, il y beaucoup de vides qui soutiennent la capitale. Faire des travaux supplémentaires peut voir s’effondrer tout un arrondissement ;
il y a les caractères : celui qu’on a, celui qu’on montre, celui qu’on croit avoir ;
l’animation foraine (très désirée) au Musée du Louvre ;
le A et le Z perdus au milieu des autres lettres ;
la lucidité : il s’agit d’empêcher ma propre imbécillité de me gêner ;
l’idée incohérente que rien n’arrête ;
le dollar quarante-neuf la nuit, trois par chambre, dans la 74e rue ;
le sérieux qui est l’allégresse des fossiles ;
les voisins qui comprennent mal un paysage sans ciel et se refusent avec obstination au bleu sans s’en expliquer à personne ;
le guitariste exilé sur une île de la Baltique qui a pour égérie Arlette Laguiller ;
la question : que puis-je pour un homme en socquettes hors d’âge, qui le matin boit un bouillon de poule et le soir un rhum au lait chaud, qui évite ses voisins, a tout de la chiffe molle, est gras du bide et mou du fessier et qui détaille sa garde-robe en pleurnichant sur les ravages de l’âge ? ;
il y a la rengaine du libertaire : si on lui demande de respecter la morale, demain on lui demandera de respecter une idéologie ;
les bords du Tage par quoi se sentent humiliés les caractères les plus mous ;
les pensées qui m’effraient : j’en supprime beaucoup en secouant la tête. Ça m’évite d’écrire des mots raisonnables ;
la disposition à être joyeux pour s’entraîner à mourir ;
la subversion : il n’est rien de tel que de creuser très profond pour provoquer des éboulements formidables ;
l’apocope : (103)
Alex est le beauf de Flo. Il se la joue perso. Lui est accro au hasch, à la coke, elle, hallucin’ aux amphét'. L’ado passe son exam de bio dans l’amphi de la Fac à la déco en alu. Alex va à la cafét' pour fumer de la came. C’est tout bénef. Là, il n’y a pas de clim ni d’Hi-Fi. Fred, son coloc, un Viet, plutôt sympa, qui fait des abdos, n’aime que les compét'. Il lui souhaite bon app'. Il est reconnaissable à son nœud pap et sa montre en croco. Son pater est dans les Paras et parle le Jap. Sa mère est oto-rhino et proprio d’un labo sur le périf. Fred est un anar bi un peu dégueu qui ne boit que du déca. Au resto, les rejoint Domi, une Rasta de l’appart d’en face. Elle fait archi et va au ciné du Vel' d'hiv pour fumer un pèt. C’est une clito qui vit de stats sur la crim' et de compils de Led Zep. Il y a aussi la Catho, en pull, qu’est toujours d'ac pour donner son max en math. Elle ne va pas au Mc Do et suis les actus la tête dans le frigo. Quant à Elisa, toujours impec, elle sort d’une gastro. Elle est intox à Libé, à la psycho, au vibro et au Champ'. Elle voit partout des catas écolos et de la provoc dans les dires d’une nympho. Des pouffes, qui ont trop de kilos, lisent des mags. D’autres, schizos, au coin cyber, tapent sur ordi un résum’ de philo. L’interro d’Isa porte sur la pub dans la com. C’est l’heure de la récré. C’est extra. Ils vont aux percos. On parle météo, des mobs en occases, de Saint-Trop, de stups sensass, des gus de la télé, de promo sur les synthés et de Steph le trouduc de Sciences nat.
il y a les rues mornes d’un port industriel et cafardeux où dans cet univers déglingué les poulpes ont pour habitude de se planter dans le dos de leurs victimes ;
les nuages pommelés, au cilice atténué, qui semblent nés au-dessus d’une mer septentrionale quand nul ne parle plus et croit sentir leurs caresses ; les voilà prêts à dire lucidement leur déroute ;
le haïku avili par la prégnance du passé ;
le yaourt : parler de lui pour ne rien dire, c’est pour moi exprimer tout ce que j’en pense. Néanmoins, quand je dis aimer le yaourt, l’amour a beaucoup à y voir là-dedans ;
un slogan de mai 68 : « Le bleu restera gris tant qu’il n’aura pas été réinventé. » ;
le résonner/raisonner : renvoyer le son qui fait usage de la raison ;
la sornette du caillou : quand Dieu fera des ricochets, les cailloux auront l’air d’obéir à un ressort qu’ils auraient avalé ;
la page 46 de tel livre qui donne la réplique à la page 46 d’un autre ;
l’espoir qui réside dans la faculté de se leurrer, comme un coup de sonde vers un avenir farci d’anomalies qui compte plus de mille niveaux de lecture ;
les esprits qui sont comme on les voit ;
l’effet boomerang : pour chacun qui se fait chatouiller, un autre, quelque part au bout du monde, se bidonne ;
le dicton : ils sèment le vent, ils récolteront le temps qui pète ;
et le mot « Femme », comme disait Xavier Forneret, « qui doit être le dernier mot d’un mourant et d’un livre » ;
on voudrait me faire dire que je ne finirai jamais de dire qu’il n’y a plus rien à dire ;
toute chose a une fin, sauf le gnou qui en a deux...
Notes
(1) Voici ces phrases, une par une, dans un désordre qui est peut-être un ordre ou qui en tiendra lieu.
(2) Un cuisinier m’ayant reconnu dans son restaurant, mais me prenant pour un plombier, me fit remettre un mot : « Venez vite, j’ai une fuite ! »
(3)
(4) Inscription gravée sur le fronton du Panthéon de Paris.
(5) Le mathématicien peut lire cette phrase comme suit : Ap ; Ap+1 ; ... ; Ap2 + p-1.
(6) L’interjection « Saloperie » suggère l’impossibilité d’accéder à une terminologie plus appropriée.
(7) Raconter le bleu, c’est comme jouer du blues.
(8) Jamais une affirmation ne fut plus mensongère que celle-là. En réalité, la Joconde est célibataire, car Dieu n’existe pas.
(9) Quand j’écrivis cette phrase, aucun éditeur n’avait été pressenti.
(10) Il n’y a, sur le sujet à ce jour, aucune étude sérieuse.
(11) Quand un fou se sent percé de flèches bleues, cela lui est doux.
(12) Quelques vertus n’ont malencontreusement pas été décelées à temps.
(13) Il nous paraît utile de signaler que le sens est gravement faussé par des erreurs manifestes initialement commises et donc depuis conservées.
(14) « Le bleu est une plongée inconsciente interminable ». Malcolm de Chazal - Sens plastique.
(15) Quant aux désespérantes formes de suicides, on pourra en faire l’inventaire sur une feuille volante qui sera insérée dans le volume de la prochaine édition.
(16) Ces mots, rajoutés autour de l’année 2000, sont révélateurs du travail de distanciation qui s’opère chez le narrateur par rapport au reste du texte. Il s’agit ici d’une datation approximative ; on aurait lieu de s’interroger très précisément sur les raisons de cette date-là.
(17) Cette phrase peut d’un coup plonger le lecteur dans des abîmes de perplexité.
(18) Si les désillusions n’ont pas encore trop entamé votre foi en l’homme, continuez à lire, je n’ai pas l’âme mauvaise.
(19) Contrairement à ce qu’on peut croire au premier abord, il n’y a pas d’erreur à l’insertion de cette phrase.
(20) Si le bleu se mangeait, il serait une bibliothèque.
(21) Le mot « pacotille » peut être remplacé par « verroterie ».
(22) Monsieur Dupont se prénomme Georges et non pas Claude. Seize « Georges » ont été recensés dans ce livre. Nous renvoyons au Saint-Georges de San Giorgio degli Schiavoni à Venise que l’auteur a photographié des centaines de fois.
(23) Chloromercuripseudobutilfénol : l’auteur insista pour insérer ce mot pour l’excellente raison qu’il est difficile à se remémorer.
(24) « Conformément à ma nature, je ne peux me charger que d’un mandat que personne ne m’a donné. C’est dans cette contradiction, toujours dans une contradiction seulement que je peux vivre. » Franz Kafka, Préparatifs de noces à la campagne, Gallimard.
(25) S., sa troisième sœur, est une poupée de miel qui ressemble à la sirène Ligée, la mélodieuse. Elle ne se défait pas de ses boucles d’oreilles en forme de cerises.
(26) A., sa deuxième sœur, a des toilettes incomparables parce qu’elle est comparable à la Madone sculptée de la cathédrale de Chartres.
(27) L., son frère, est un parisien, combien stoïcien, quasi éolien et de maintien indien au quotidien. Il n’y aurait pas de risque avec lui qu’on paie un impôt sur les célibataires.
(28) N., sa première sœur, est un temple ; devant elle et sa grâce infinie, les saints, assoiffés de miracles, tremblent.
(29) Ceci est une version écourtée d’un texte dix fois plus long.
(30) Ce type de texte est classifié parmi d’autres divagations intitulées « Remue-méninges » dont l’auteur a usé pour les déclamer en forêt.
(31) L’auteur inventa une coiffure qui prit son nom. Les cheveux, très longs devant, recouvrent le visage et ils sont rasés complètement derrière.
(32) « Sésame, ouvre toi ! » est la formule que l’auteur vociférait chez son éditeur pour que les portes lui soient ouvertes.
(33) L’auteur aimait à répéter ce vers de Corneille : « Ô ciel, que de vertus vous me faites haïr ».
(34) Une représentation peinte de la Joconde se trouve au musée du Louvre. La Joconde n’a pas été peinte comme on le suppose par Léonard de Vinci. C’est Mona Lisa qui fit d’elle un autoportrait. Exactement, elle en fit des milliers pour la postérité, étiquetés au Louvre au prix de un euro si on les achète au format des cartes postales. Elle en fit un plus grand pour Léonard qui a été son amant lors d’une sieste dominicale en plein air, juste après qu’elle ait amorcée un bâillement de corneille exténuée dont le risque pris lui a fait avaler un vol piqué de bestioles.
(35) Il s’agit ici de pain grillé.
(36) Cette commune de la Marne a le nom le plus long de France (45 lettres et signes).
(37) Allusion non dissimulée à la folie de Charles VI, à l’épileptique Pierre le Grand, à Cromwell qui était hypocondriaque, à Richelieu qui eut des accès d’aliénation mentale, à Socrate halluciné, à Pascal névropathe, à Auguste Comte frappé d’aliénation mentale, à Linné apoplectique et mort en démence, etc.
(38) À l’Odéon, on y voit là le nombril du monde bonhouvrierien de par sa proximité avec le jardin du Luxembourg où l’auteur s’imaginait être en altitude à plus de 4000 mètres.
(39) Cette phrase a été identifiée comme appartenant à Harry Ergout, un pseudonyme d’Hervé Bonhouvrier.
(40) La mère le retient avec une île flottante décorée de choux à la crème Chiboust.
(41) Cette série d’onomatopées suggère une impuissace à accéder à l’expression littéraire.
(42) Allusion au fait que l’auteur ne chantait en prenant sa douche que la chanson « Il pleut bergère » de Fabre d’Églantine.
(43) L’insertion de cette phrase vient du désir de ne pas apparaître comme un écrivain qui a la nostalgie de son enfance.
(44) Une allusion voilée à sa fille Léa qui passait beaucoup de temps à dessiner.
(45) Citation extraite des œuvres complètes d’André Breton qui ont été éditées par Marguerite Bonnet, Philippe Bernier, Etienne-Alain Hubert et José Pierre aux Éditions de la Pléiade, en deux volumes, Éd. Gallimard, Tome I, 1988 ; Tome II, 1992.
(46) Ceci est à rapprocher du Miscaun Marry, un feu follet irlandais qui s'amuse à agacer les gens en se plaçant sous leurs pas et à faire croire qu'il souffre d'horribles douleurs.
(47) Son épouse Carole et lui montaient sur des montagnes de déchets pendant les grèves des éboueurs pour contempler le panorama.
(48) Puisque cela n’est pas vrai, c’est bien trouvé.
(49) Il s’agit d’un quincailler du Boulevard de la Bastille à Paris.
(50) La revue de poésie qui publia ce texte fit vite faillite.
(51) La musique classique correspondait à la période de surdité de l’auteur.
(52) Le nom de Choufleury a sans doute été emprunté au personnage d’une opérette d’Offenbach.
(53) L’auteur fut déçu d’apprendre que le titre « Ramasse-miettes » qu’il avait longtemps traîné avec lui, avait été retenu par le surréaliste Jean Schuster, un livre suivi d’une lettre différée a Philippe Soupault.
(54) Ce texte renvoie explicitement à un de ses poèmes absurdes en prose qui s’intitule « Ramasse-miettes ».
(55) Le narrateur cite de mémoire une phrase de Cavanna qui est exacte.
(56) À coup sûr, son ami toulousain se souviendra de cette déclaration.
(57) Allusion aux taureaux ailés assyriens et à la marque de riz « Taureau ailé ».
(58) On comprendra que l’auteur affubla sa carte d’identité d’une photo de son sexe, masculin en l’occurence.
(59) Insinuation frontale de son anticléricalisme.
(60) Le narrateur a traduit ici une tournure du langage des paysans tarnais.
(61) L’identification à Marcel Duchamp est nettement suggérée. Hervé B. avait dit : « Je rends un culte à Marcel Duchamp étant donné qu’avec la mort de ce grand artiste est morte une partie de moi-même. Les cellules de mon cerveau ne demeurent actives que quand elles travaillent pour le plaisir de s’accorder à lui. »
(62) Cette révélation est capitale pour apprécier sa décision d’avoir signé d’un pseudonyme son ouvrage précédent.
(63) Voici l’extrait d’une lettre d’un éditeur français : « Le reproche que je vous adresse est de faire comme si vous n’étiez pas vraiment là. Vous êtes incapable d’emmener le lecteur dans un tourbillon d’intériorités, sans que jamais celui-ci soit perdu ».
(64) Nous n’avons trouvé nulle part l’existence d’un tel record. Hervé B. ne l’a pas lui-même daté. Il s’agit sans doute d’une pure invention.
(65) L’auteur souligne le travers de la situation, mais il lui assigne une attitude artistique possible.
(66) Le narrateur rentre dans un état de somnolence.
(67) « Dadazone » perfectionne un style dont il est en même temps le résultat.
(68) Depuis la rédaction de cette phrase, Hervé B. se mit plus qu’à écrire la nuit.
(69) La vérité historique est ce qui lui importe le moins.
(70) Le narrateur n’a jamais été visité par la grâce.
(71) En rhétorique, une anadiplose est une figure de style qui consiste à la reprise d’un même mot en fin de phrase et en début de la phrase suivante.
(72) Un lecteur s’est reconnu dans cette phrase et nous a envoyé ce mot : «Il vous est assez facile de parler de moi qui suis défiguré par d’étranges excroissances. Je suis un petit peu taré, mais vous savez ce que c’est ! »
(73) Un vieil homme répondra à l’auteur : « Est-ce la désolation de mes derniers jours qui jette un flôt de sépia sur les écrits que je conserve de vous ? »
(74) Son ancien éditeur lui adressa une lettre dont voici un fameux extrait : « J’ai de vous un souvenir insupportable au point que mes nerfs sont ébranlés à cause de la certitude que je devrais encore vous publier si vous apparaissez avec un fusil dans ma chambre peu éclairée où je me suis terré ».
(75) Un Alsacien, qui n’apprécia pas ce passage, nous envoya un message à transmettre à l’auteur : « À vous lire, j’avoue généralement avoir mal au ventre, mauvaise haleine, envie de vomir et de péter ; voyez-vous, moi aussi je peux avoir le sens du détail crapoteux ».
(76) De mes yeux, disait Hervé B., parce qu’il en faut, enfoncés sous une arcade bien construite, il émane une ardeur si douloureuse que nul ne m’approche sans se sentir pénétré de cette fièvre qui effraie en moi.
(à mettre en page 13) Remplir une page 13 pour arriver rapidement à la page 14 n’est pas une démonstration acceptable, mais un produit de la superstition dont le générateur principal est la bêtise.
(à mettre en page 107) Il faut beaucoup d’ingéniosité pour s’abstraire des pages 107 existentes et de sottise pour croire que la sienne est très personnelle.
(à mettre en page 115) La cause ordinaire des déceptions vient, qu’à chaque livre, les écrivains se distraient à penser à la page 131, quand ils devraient s’employer tout entier à mettre en œuvre la page 130.
(à mettre en page 13) Arrivés à la page 5, de nombreux romanciers décident de changer de métier.
(77) Dans ce combat ininterrmpu qu’est le sabordage d’un livre, il faut se tenir dans la disposition de l’artiste qui, chaque matin, recommence vaillamment son tableau et, chaque soir, s’étonne qu’il est raté.
(78) Si ce texte mérite qu’on le lise à nouveau, sa seconde lecture n’est pas plus profitable que la première.
(79) Pour les attirer davantage, les fées ont longtemps laissé croire aux écrivains qu’elles étaient vierges.
(80) Ne nous voilons pas la face : nous veillons un Dieu moribond qui somnole dans la salle d’attente, alors que son médecin est alerté du fâcheux diagnostic. On a aboli la peine de mort, mais, même mourant, Dieu s’entête à nous tuer.
(81) Pendant que dans l’univers poussait le globe terrestre, Dieu jubilait. Il n’avait pas mis l’enfer sur terre, mais au centre, où le magma est en fusion.
(82) Dieu ne s’aperçoit pas qu’il occulte ce qui nous est essentiel de connaître.
(83) Sur Dieu, on ne doit ingérer plus de fadaises qu’on ne peut en digérer.
(84) L’auteur a choisi l’ornithorynque comme emblème. Dans la peinture flammande et italienne, on choisissait un élément pictural en guise de signature. Whistler, un papillon ; Garofalo, un œillet. Hervé Bonhouvrier avait dit : L’ornithorynque m’égare : c’est son principal mérite. Je peux le soumettre aux acrobaties les plus inattendues et lui faire chanter la Traviatta les pieds en l’air. L’ornithorynque n’est pas un mot, mais un rébus. Pour mille raisons, la bestiole mériterait d’être promue « Chevalier de la Grosse Boulette ». Il semble peu rancunier. La nature l’a disposé à recevoir des coups de pieds. En arrivant trop tôt, il arriva bâtard.
(85) Chaque ornithorynque a vingt-cinq ans. Ils sont tous nés à cet âge-là. Ils sont aussi méconnus que pût l’être Nietzsche de son vivant. Ils s’appellent tous Bazooka. Neuf ornithorynques sur dix valent la peine d’avoir été nommés Gœthe. Seuls ceux qui prennent le pseudonyme de Nietzsche meurent du parti pris qu’on a contre eux. De s’appeler autrement, ils le regrettent tôt ou tard. Et ils errent pour quelque chose qu’ils croient à moitié vrai. Les Gœthe ne sont pas mortels. De là qu’ils sont décontractés. Si tout cela est vrai, cela va loin dans le personnage de la bête.
(86) L’ornitorynquisme serait une bonne chose si quelqu’un l’essayait un jour. On aurait la religion la plus savante. Elle sera notre porte de sortie.
(87) L’ornithorynque se sent comme saoulé d’images à la Francis Bacon. Même rampant, il vaut trente intellectuels assis. Il deviendrait subitement laid qu’on ne s’en apercevrait pas. Il a deux bras gauches et ressemble à un culbuto rhomboïdal et désappointé. Un texte sur lui est toujours pilonné sur injonction ministérielle.
(88) Sa vie est semblable à celle que les paparazzi ont maintes fois contée. Il a le plaisir aristocratique de déplaire. Sa survivance doit quelque chose à la mauvaise littérature. J’ai greffé ma conscience à la sienne et j’ai appris plus sur moi qu’en dix ans de psychanalyse.
(89) Les ornithorynques ne font pas le bonheur, mais ce n’est pas pour ça que les gens n’ont pas d’ornithorynque. Les légendes enflent d’autant plus facilement sur eux qu’ils ne s’expriment jamais en public. Pourquoi donc les surveiller du ciel avec des bombardiers ?
(90) L’ornithorynque est l’un des leitmotive de « Dadazone ». L’auteur disait que l’ornithorynque est capable de supporter jusqu’à la fin le Réquiem de Brahms. Ses afflux de silence ne vous laissent rien de plus dans l’esprit que ne ferait un inventaire de choses qui nous sont invisibles.
(91) L’ornithorynque n’a sa vraie couleur fuchsia que lorsqu’il est à califourchon sur madame. Il lui suffit de parvenir à garder les yeux ouverts et fermés en même temps. Il rêve alors de l’ascension de l’Annapurna.
(92) On ne creuse plus comme un ornithorynque, tout se fait sans désespoir.
(93) Ville française où Bonaparte dénicha sur un carte l’emplacement stratégique de la bataille d’Austerlitz.
(94) Ville française où Bonaparte a déclamé : « Songez que du haut de la Tour Eiffel quarante siècles vous contemplent ! »
(95) Ville française où, avant la bataille de Marengo, le cuisinier de Bonaparte, n’ayant plus de beurre y substitua de l’huile d’olive. Il importe de savoir que le « poulet marengo » est aujourd’hui accomodé de veau.
(96) Ville française où Bonaparte, sanglotant, a déploré les milliers de pertes humaines des 70 batailles qu’il a commandées. Cette aventure sanglante reste sans équivalent dans l’histoire de l’humanité.
(97) Ville française où Bonaparte a écrit un roman, « Clisson et Eugénie », dont le premier feuillet a été adjugé à 24.000 euros en 2007.
(98) Ville française à laquelle Bonaparte songe quand il remporte sa victoire à Austerlitz. Comme pour honorer le vainqueur, le soleil s’est levé sur le champ de bataille jusque-là submergé de brumasse.
(99) Ville non française où Bonaparte hésita à se faire sacrer empereur. « Si j’avais fait ça, s’était-il dit, que resterait-il de la Révolution française ? »
(100) Le narrateur vit pour la première fois un ramasse-miettes dans un bastringue de Marrakech. Il possédait des centaines de publicités le représentant dont il voulait faire une exposition.
(101) L’auteur de cet harmonica sybyllin qui fut, comme l’est le presse-purée, un adroit paradoxal, a écri sur la pressurisation une page qui le met en contradiction presque, mais elle serait la moins permissive préface de ce rare volume. Il peut y avoir quelque éboulis dans une page ignorée d’un auteur pousse pied. Il y a en dans les seringues perdues en l’incommensurable oubli et dans telle enjolivure de cimaise, plus que dans un cinémasope. Il y en a dans tel soupir d’un liftier qui s’encaserne sans éclat, mais si le coup d’œil est reconductible, son daltonisme risque d’échapper au plus grand nombre, car il faut avouer qu’une enrobeuse évoque en la plupart des esprits l’image d’une agrafe plutôt revêche qui se plaît comme toute prothèse dans les lieux pestilentiels où elle secrète son ennui...
(102) En 1999, l’auteur envoya à ses amis des cartes postales de pays très éloignés les uns des autres. Tandis qu’ils le pensaient en voyage, il restait au pays. Après s’être procuré des cartes postales de différents coins, il les rédigeait en France et recherchait des gens qui parcouraient le monde. Ils étaient chargés de les expédier à leur arrivée. Le tour était joué.
(103) L’apocope est l'amuïssement de phonèmes en fin d'un mot : photo pour photographie, ciné pour cinéma, pneu pour pneumatique, micro pour micro-ordinateur, séropo pour séropositif, etc.
(104) L’auteur nous dira en aparté qu’au XXIIe siècle tous les Français s’appelleront Dupont, les Anglais Smith, les Espagnols Martinez et les Turcs Yildiz.
(105) Ar-C'houskezik : petit diable breton qui a pour jeu d'endormir les gens à l'église.
(106) Dostïevski, Notes d’un souterrain. L’ouvrage se termine ainsi : « Il y a beaucoup de choses qui me reviennent sous un jour écœurant, mais... ne devrais-je pas arrêter là ces « Notes ». Je crois que j’ai eu tort de vouloir les écrire. (...) Car faire, par exemple, une longue nouvelle sur la façon dont j’ai raté ma vie dans mon coin, à force de perversion morale, d’isolation, de déshabitude du vivant, à force d’accumuler, dans mon souterrain, la vanité et la rage - cela serait sans intérêt, je vous l’assure ; pour un roman, il faut un héros, or ici, j’ai rassemblé exprès tous les traits de l’anti-héros, et surtout, cela produira une impression tout ce qu’il y a de déplaisante... »
Faute de conclure
Quand j’écris la conclusion dans ma tête, je m’aperçois que je commence à peine à l’écrire. Je me convaincs assez vite qu’il se trouve assez de mots pour que je ne crois pas nécessaire d’en rajouter. Et pourtant... je ne suis pas censé ignorer les annexes.