> L'irréparable



« Toutes les eaux sont couleur de noyade ».
Emil Michel Cioran - Syllogismes de l’amertume

Dieu dit : « Que la papaye soit ! » Et la carte à puce fut. Il dit encore : « Que le bonheur soit ! » Et les cordes à nœuds proliférèrent. Il se reprit : « Que le Diable soit ! » Et un piano à queue apparut. Dieu dit alors : « Que le bibliothécaire fasse le reste ! » Et tout disparut.
Le jour d’avant le premier jour, tout présageait que tôt ou tard il n’y aurait plus rien. Les êtres et les choses parurent indispensables au fur et à mesure qu’ils disparaissaient. Et ce n’était ni une guerre d’usure, ni l’apocalypse, sans doute la disparition progressive d’un tout à peine cohérent.

C’est ainsi qu’au premier jour, il n’y eut plus dans le monde le moindre Français, ni de battants aux cloches. Il n’y eut plus de patriarches chauves ni de cantonniers alités. Pas plus d’images à Épinal que d’aoûtiens en goguette. Les funiculaires montant à Fourvière, les trésoriers pédants, les feux d’artifice disparurent. Il n’y eut plus de fourchettes argentées dans les buffets, de typographes qui déjà se faisaient rares, de saindoux pour la friture, de pélicans dans les roseaux, de romans de gare, de courses aux flambeaux, de faussaires de Fra Angelico, d’égouts en plomb, de pin’s sur les corsages, de drugstores dans le Colorado, de congrès où l’on parlait l’espéranto, de quatre-mâts qu’on puisse affréter, de rhododendrons en fleurs, de packagings sur les produits en poudre, ni de victimes du bonheur obligatoire. Il n’y eut plus de macaques qui jadis sautaient dans les bras, de narguilés dans toute l’Albanie, plus rien qui provoquerait la moindre excitation.
Il n’y eut plus de chaussées à bétonner, de remblais sous les ponts, de dalmatiens à taches bien réparties, de guidons chromés sur les petites cylindrées, plus du tout de Guinéens aux mœurs hospitalières, ni d’armoires à cheviller, de misanthropes bien-pensants, de confessions dans les alcôves, d’abribus pour amoureux frileux, ni de dépôts de munitions dans les prisons, d’archevêques entraînant une suite de prêtres, de pets-de-nonne et de trous de beigne. Aucun rédempteur qui aurait pu sauver le genre humain, de papier-émeri suffisamment abrasif, d’amateurs de Hip-hop, de raticides puissants contre les ragondins, d’enfants qui ne soient couverts d’ecchymoses, d’harmonicas dans les poches revolver. Il n’y eut plus de chausse-pieds ou de tire-bottes en corne, ni de réservistes, on manquait d’acide ribonucléique, de romstecks comestibles et de joyeux goinfres, de mygales australiennes, d’abat-jour à suspendre et de clubs pour excursionnistes. Il n’y eut plus de lynx plus gros que leurs femelles, ni de nymphéas à Giverny, ni de cultures musicales comme antidotes à la violence.

« Il y a une certaine volupté
à se laisser couler dans le désastre :
quand il n’y a presque plus rien à perdre,
autant tout perdre ».
Jean-Jacques Schuhl - Ingrid Caven

Au deuxième jour, il n’y eut plus de chapeliers affables, de jeunettes heureuses d’être vierges, de vieux garçons Capricorne ascendant Scorpion, ni les noms des savants inscrits sur la tour Eiffel, pas plus que de velours côtelé bleu saphir, de jazzmen trompettistes qui puissent sonner à tout rompre, plus aucun Albanais dans le quartier parisien des Batignolles, il n’y eut plus de surfacturations frauduleuses, de baisemains en ville, il n’y eut plus de neuroleptiques sans effets secondaires, plus d’agnelles à vendre en boucherie, de contrepèteries poétiques, de lobotomies préfrontales, de scarabées bousiers montés en pendentif, de clôtures en état d’être cadenassées, de blockhaus sur le mur de l’Atlantique, ni de galaxies jusqu’à 100 000 années-lumière. Il n’y eut plus de leaders à la tête des partis, d’omnibus dans les rues désertes, ni de musées où l’on puisse enterrer les œuvres.
Il n’y eut plus de sagesse à transmettre, de fast-foods ni d’endroits où l’on mangeait sur le pouce, de girafon qui n’eut encore sa mère, de pouillots véloces, d’Harkis amateurs d’irish-coffee à Dublin, d’êtres respirant la mansuétude, de cédille à la lettre “ C ”, d’escarboucles se terminant par une fleur de lis, de baigneurs démonstratifs, d’imposteurs dont on dénonçât le discours, d’incinérateurs de déchets, il n’y eut plus d’attrape-nigauds, de carabines Winchester, de franc-parler, de types barbus avec une voix rauque, de contre-culture comme moyen de révolte, de trapézistes chez Pinder, de renouveau charismatique, de parc national qui ne fut symbole de fierté nationale, plus de Bissao-Guinéens avec des bésicles sur le nez, de ces javelots qui frappaient les emmanchés à la gorge, ni de piétons occasionnels sur les tapis roulants. Il n’y eut plus d’orpailleurs qui ne furent clandestins, de porteurs de kilts sans dessous, ni de gens qui dissimulaient adroitement leur bêtise.

« Il n’y a rien de plus compromettant que la folie
et l’on ne s’en passionne pas sans y ajouter sa part ».
Jacques Ferron - Rosaire

Au troisième jour, il n’y eut plus d’oiseaux palmaires, pas plus que de kibboutz autogérés, ni de brodequins à jambière attenante, de gastro-entérite qu’une mauvaise fièvre remplaçât, de jardiniers aristocrates et proprets, de péchés mortels qui ne furent pris pour des peccadilles, de montures pour faire de folles chevauchées, d’abrutis pour en manger d’autres, d’abaisse-langues médicaux, de mère qui ne fut castratrice, plus aucun Allemand, ni de laissez-passer à l’ONU, de monoblocs en pvc, d’abris en bambou à l’usage d’esprits raffinés, de régiments de vétérans, de grenouilles à décortiquer, de toboggans et de pistes où l’on put glisser sur les fesses, ni d’affluents au Rhin sur les cartes routières. Il n’y eut plus de saint-bernards affublés d’un tonnelet de schnaps, de talkies-walkies pour se parler aux alentours, ni plus personne pour se risquer à faire du neuf.
Il n’y eut plus de redingotes en alpaga, de bonnes blagues à mettre en sourdine, de saturnales réjouissantes, de textes de Lautréamont qui ne furent en lambeaux, de sagesse saharienne à faire pâlir les Grecs, de petite monnaie au Cambodge, de musique électronique par manque de courant, d’autocritique chez les contrebandiers, de monuments aux morts qui se changeaient en monticules de poussière, de votes à départager, il n’y eut plus de Guyaniens, de mortadelle même en Lombardie, de cheftaines meneuses d’hommes taillés en Hercule, de jerricans sanglés à l’arrière des jeeps, de chouettes hulottes avec des gros yeux ronds, de top-modèles pour en imiter les manières, ni de prières que la Vierge Marie put exaucer. Il n’y eut plus de safaris-photos au Kenya, de topinambours pour les cochons, ni plus d’ailleurs où l’on put trouver du repos.

« Le voyage est une suite
de disparitions irréparables ».
Paul Nizan - Aden-Arabie

Au quatrième jour, il n’y eut plus de cervelas à la table des chirurgiens, de suicidaires récidivistes en haut du Mont Steele, de nerfs de bœuf dans les opérations du maintien de l’ordre, d’antibiotiques contre la scarlatine infantile, de prénommés Swan depuis que le fleuve australien du même nom était asséché, de plaisantin qui ne mangeât la moitié de ses mots, de malfrats placés en état d’arrestation, de cloches pour sonner les vêpres ni d’accordéons chromatiques, il n’y eut plus de rentes viagères pour qui possédait une basse-cour, de festivals de musique Métal, de champs de blé qu’on effleurait de la paume, de story-boards dessinés pour le cinéma, de rez-de-jardin aux immeubles sur pilotis, d’eurodevises pour les investisseurs attirés par l’évasion fiscale, de porte-savons à proximité des lavabos, de sultans pour vivre au château de Versailles, plus d’Andorrans pour parler le catalan, de foulards aux motifs de corail, de vieillardes se ratatinant lors des concours de chant, ni d’images libérées de toute pudibonderie. Il n’y eut plus de ligne d’arrivée pour les athlètes du triathlon, d’urinoirs totalement hygiéniques, ni de cages de football pour les pendaisons publiques.
Il n’y eut plus de tôles gondolées sur les toits des bidonvilles, de geôliers abolitionnistes, de berlingots à l’anis, de franchissements frontaliers au Mexique, plus du tout de Protestants royalistes, de chromos sur bois célébrant le vermout, de chevaux Alezan qui ne se soient rompus l’épine dorsale en sautant une haie, plus le moindre Haïtien à Syracuse, ni de repose-pieds pour se tenir à califourchon derrière un motocycliste, ou de cerfs bramant, de jouets caoutchouteux made in China, de sous-chefs stationnées dans une métropole, de ponchos péruviens d’une longueur invraisemblable, de caves où s’aventurer, de synthétiseurs, de repris de justice, de shampouineuses, de questionnaires, de préfets, de picadors, de dialoguistes pleurnichards, de prosélytismes, ni de capucines grimpantes. Il n’y eut plus de trombinoscopes, de vacherins, ni de sagesses qui se distinguaient de démarches religieuses.

« Les disparitions sont plus affreuses
d’être sans traces ».
Dominique Noguez - Amour noir

Au cinquième jour, il n’y eut plus d’épistoliers, d’embuscades de maquisards, de polycopiés en psychiatrie, de pantouflards anxieux, de Tabasco, de musique Rap, de sportifs enrhumés, d’ombrelles télescopiques, de pacemakers, de fleuves côtiers, de rats photogéniques, de colporteurs, de notations mathématiques, de bottes de radis, il n’y eut plus d’Arméniens, de garde-meubles à Strasbourg, ni de bavards cyclothymiques.
Il n’y eut plus de squelettes de mammouths, de marchés à conquérir, de liftiers, de taxis qui maraudaient, de copistes au musée du Louvre, d’agglutinations de mots contradictoires, de mouffettes nauséabondes, de langues-de-chat au chocolat, il n’y eut plus du tout de Honduriens, de jungles luxuriantes, de notaires avec un gilet en soie à six boutons, d’hallucinogènes, d’explorateurs polaires, d’amicales boulistes, ni de guéguerres entre syndicalistes.

« Si tout homme avait la possibilité
d’assassiner clandestinement et à distance,
l’humanité disparaîtrait en quelques minutes ».
Milan Kundera - La Valse aux adieux

Au sixième jour, il n’y eut plus de génériques aux westerns, de nickel accompagné de cobalt, d’aspirine, de numérotage aux maisons, d’amulettes égyptiennes, d’arrière-petites-nièces gueulardes, de singes en semi-liberté, d’accélérateurs de particules, de romans-feuilletons, de langue italienne à baragouiner, d’iguanes aux petites Antilles, d’étrangleurs à Boston, d’asparagus, de débardeurs, ni de checkup.
Il n’y eut plus d’intermédiaires dans les commissions occultes, d’éclipse totale du soleil, de schnocks, de boutades provocatrices, plus du tout d’Autrichiens, ni de manutentionnaires sur les navires, plus d’art officiel, de favoritisme, de permissions dans les casernes, de tampons périodiques, de musiques du monde, plus aucun Indien, d’étymologistes, d’arsenic dans les pesticides, de galimatias informes, de jars, d’anesthésistes réanimateurs, de figurines mangas, ni d’accroche-cœurs.

« Quatre-vingts ans !
Plus d’yeux, plus d’oreilles,
plus de dents ; plus de jambes,
plus de souffle ! Et c’est étonnant
somme toute comme on arrive à s’en passer ».
Paul Claudel - Journal

Au septième jour, il n’y eut plus de cornemuses dans la vallée de Bergame, de cellophane pour les dialyses, de mouches tsé-tsé, de cale-pieds, de morgues à l’Institut médico-légal, de marionnettes à fil, de prédicateurs franciscains, de Blues, d’oléoducs, d’alligators aux abords des marécages, de rugbymans, d’amibes, de protège-cahiers, plus d’Azerbaïdjanais, d’oripeaux, de salles d’aérobic, ni plus aucune consommation de masse.
Il n’y eut plus de calembours éculés, de collations pour se ragaillardir, de missions nippo-européennes, de déclarations de naissance, de brownings, d’abonnés aux revues de joaillerie, de miaulements dans les gouttières, plus aucun Indonésien, ni de fanfreluches poussiéreuses, de chapitres au livre du prophète Ézéchiel, de vins qui ravigotaient, de magnolias à feuilles persistantes, de banditisme théorisé comme pratique révolutionnaire, ni de barbus.

« Et où que j’aille, dans l’univers entier,
Je rencontre toujours,
Hors de moi comme en moi,
L’irremplissable Vide,
L’inconquérable Rien ».
Valéry Larbaud - Les Poésies de A. O. Barnabooth

Au huitième jour, il n’y eut plus de parachutes, de gens fautifs d’accidents, de géniteurs, de lacets élastiques, de dépassements d’honoraires, d’ornithorynques en Tasmanie, de capuchons aux stylos, de cross-country, de Boeings se ravitaillant, de dissidents chinois, d’arbrisseaux aux racines entremêlées, plus aucun Belge, de gingivites nécrotiques, de passages d’astéroïdes, de congés pour flemmarder, de carottes aux débits de tabac, d’Art vidéo, de prêtres catéchisant, de débarcadères, ni de régicides.
Il n’y eut plus de champs de pavot, de stalactites, de gabardines, de puits artésiens, de friteries ambulantes, de sauf-conduits, de courses à chronométrer, de représailles par l’arme atomique, de pataugeoires gonflables, d’allégrettos, de binocles, plus le moindre Irakien, ni d’actrices affriolantes s’affichant, de dormeurs ronflant, d’anoraks, de carafons, ni de mannequins seniors.

« Les mots... des tourbillons, voilà ce
qu’ils sont, à travers eux, on atteint le vide ».
Hugo von Hofmannsthal - Lettre de Lord Chandos

Au neuvième jour, il n’y eut plus de présidentielles, de gloutons en Sibérie, d’insuline faite en perfusion, de ladys, de biennales des antiquaires, de volaillers, de sérigraphies sur les ampoules pharmaceutiques, d’échelles à dix barreaux, de neurasthénie chronique, de bustes de Napoléon, de ressortissants colériques, plus de Biélorusses, de docks le long des quais, d’oliviers aux racines pivotantes, d’acné, ni de lesbiennes.
Il n’y eut plus d’audimat, de princes à introniser, de litanies, de valises Samsonite, d’ambassadeurs, de chemins à gravillonner, de narcodollars, d’énarques, d’exploits à commémorer, de voilettes de mariées, de dessous-de-plat, plus aucun Iranien, ni de pandémies, de mangeoires pour vaches, de robes à paillettes, d’onomatopées, de schizophrènes inconsolables, de frises, de visages bleuis de coups, de stylisme, de moucherons, ni de dessins couleur sépia.

« ... le droit élémentaire de toute personne
vivant sur cette terre : disparaître sans
rendre compte de sa disparition ».
 Christian Bobin - La folle allure
 
Au dixième jour, il n’y eut plus de chocolatières, de miracles comparables à la multiplication des pains, de poules pondeuses, de brins de muguet, de visioconférences, de jokers, de vulnérabilité financière, de dispensaires, d’interlocuteurs kafkaïens, de citées fortifiées, de carrières de sable, de culture urbaine, de représentants à commissionner, de landaus poussettes, de psalmodies poétiques, plus le moindre Bosnien, ni de découvertes qui auraient révolutionné notre vision de l’Univers.
Il n’y eut plus de chichekébabs, de taxiphones, de cercles vicieux, de quincaillers grognons, d’éliminatoires aux phases finales de la Coupe du monde, de Sgraffito, de batraciens à nageoires, de tapettes à souris, plus du tout d’Israéliens, de bougainvillées roses, d’anthropologie cognitive, d’adversaires à contre-attaquer, de cités-dortoirs à Bratislava, de lits gigogne, de dodécaphonisme, de taxidermie, ni de tableaux impressionnistes.

« L’histoire est tout aussi légère que la vie
de l’individu, insoutenablement légère, légère
comme un duvet, comme une poussière qui s’envole,
comme une chose qui va disparaître demain ».
Milan Kundera - L’insoutenable légèreté de l’être

Au onzième jour, il n’y eut plus de mezzanines africaines, de layettes à tricoter, de rockeurs psychédéliques, de cirrhoses, d’officiers même des plus bienveillants, de publipostage par voie électronique, de fabricants de pâte à papier, de décorateurs de vitrines, de fioles de laboratoire, de décombres, d’aquariophilie, ni d’armes bactériologiques.
Il n’y eut plus de vérités a posteriori, d’extrême-onction, plus le moindre Bulgare, d’histoires à multiples détours, de métiers à marginaliser, de régurgitations chez les nourrissons, de mandataires, de films à sous-titrer, de mosaïques, d’échappatoires, de garrigues sur le pourtour méditerranéen, de fluorescence induite par laser, de poupées Barbie, de fox-terriers à poil dur, de code-barres sur la robinetterie, de gourmettes plaqué or, de jet setters à Ibiza, ni d’agendas en moleskine.

« Qui donc des hommes ose se juger puissant
quand n’importe quel accident peut l’anéantir,
effacer jusqu‘à sa trace ?»
Euripide - Fragments

Au douzième jour, il n’y eut plus de betteraviers joufflus, de raccourcis entre Albi et Gaillac, de guitaristes de blues, de blanc de céruse, de bombes calorimétriques, de punching-balls, de moutardiers en cristal, de gazettes, de remords lancinants, d’obstétriciens franco-français, d’ascendants illustres, d’avions observateurs, d’immunités parlementaires, d’expressionnisme abstrait, plus du tout de Chypriotes, ni de cadavres à autopsier.
Il n’y eut plus de Grande Arche à la Défense, de fétichistes inoffensifs, de rouquins, d’infographistes, de dextérité chez les prestidigitateurs, de destroyers, d’aumôneries dans les prisons, de falaises de 30 mètres de haut, de météorologistes chauvins, plus aucun Jamaïcain, ni de moudjahidines, de ronchons, de Caisses où cotiser, de minigolfs, de chats persans, de restoroutes, d’avenues Charles-de-Gaulle, de thermos, ni de rouflaquettes.

« Qui n’a pas rêvé, à un moment donné, d’effacer la vie ? ...
L’embêtant c’est que la vie, il faut la vivre à la file.
Ça commence et, à partir de là, ça tire du long jusqu‘à la fin.
On ne peut pas choisir ».
Jean Giono - La Femme du Boulanger
 
Au treizième jour, il n’y eut plus de mélomanes lituaniens, de sauteries entre milliardaires, de pyramides sur le site d’Uxmal, de draps-housses, de lupanars, d’essence de térébenthine, de postiers désopilants, de rince-doigts, de quarante-huitards, de gitans emblématiques, de gerboises, de saintes-nitouches, de négligence de la part des médecins prescripteurs, de cactus à mescaline, d’insectes nécrophages, ni plus du tout de Croates.
Il n’y eut plus d’hormones qui masculinisaient, de jaunisse, d’harpistes fantasques, de pelouses à tondre, de généalogies de rois de France, de germanophones, de romans possédant plusieurs fins, de poissons volants, de gaffeurs gauches, d’appuie-nuques, de choses qui vont par trois, d’Ikebana, d’échappatoires, d’embarcations, de pommes granny-smith, d’ovins s’attroupant, d’échafauds, plus du tout de Japonais, ni de géants.

« Qui sait raser le rasoir
saura effacer la gomme ».
Henri Michaux - Tranches de savoir

Au quatorzième jour, il n’y eut plus de pirogues polynésiennes, de magistrats du parquet, de longs-métrages, de ménagères se morfondant, de religieuses quadragénaires, de clubs d’avirons, de librairies multiculturelles, de valium, de lutrins, de calissons d’Aix, de serpillières à Oslo, de robinets dégoulinants, de prénommés Auguste, d’épreuves déroulées sans embûches, de hordes nomades, plus de Danois, de préludes du soleil sur l’horizon.
Il n’y eut plus de territoires à coloniser, de chevaux de Przewalski, de chaussettes à appareiller, de libres penseurs athées, agnostiques ou rationalistes, de chowchows, de sages-femmes obtuses, d’activistes grassouillets, plus aucun Jordanien, de papillons virevoltant, de nombres compris entre 0 et 100 séparés par des points, de traitements à prescrire, de connaissances révélées, de bikinis, de rougeauds, ni de télécabines.

« Il est plus facile de marcher que d’effacer
la trace de ses pas après avoir marché ».
Zhuangzi

Au quinzième jour, il n’y eut plus de scolastique médiévale, de lieutenants-colonels, de sarbacanes à air comprimé, de ciguë, d’entrées dans les labyrinthes, de soufrières sur l’île de Montserrat, de chemisettes fendues au col, plus aucun Kazakhstanais, de jeux de rôles, de lèche-bottes, de tulipes à hypnotiser, de dinanderies, d’assassinats à préméditer, de tapenade pour les toasts, ni de bombardements sur l’Afghanistan.
Il n’y eut plus de vérités émises hors desquelles tout pourrait être ténèbres, d’écoles artistiques, de perchistes avec leur matériel pour la prise de son, de déforestation, d’hélicoptères radiocommandés, de facéties, de scénaristes, d’Origami, de champs où s’embourber, d’arobase, plus le moindre Espagnol, plus de guimauve, de gazinières, d’enterrements civils, de ballonnements, de graphologues obséquieux, de gueules-de-loup, ni d’échafaudages multidirectionnels.

« La vérité, que personne n’avoue,
c’est qu’une fois les illusions enfuies,
on passe sa vie à souffler sur le miroir aux regrets.
Mais toujours la buée s’efface ».
Henri Béraud - La Martyre de l’obèse

Au seizième jour, il n’y eut plus de banjos à cinq cordes, d’hellénistes, de jalousie maladive, de squelettes décharnés, d’haciendas, de nymphomanes échangistes, de biens quantifiables, de panneaux pour les lieu-dit, d’éléphants de mer, de jachères industrielles, de voie triomphale menant à l’Arc de Triomphe, de tambours tendus par de la peau de requin, de néologismes, de biographies de Corneille, plus d’Estoniens, ni d’agissements sans feintes.
Il n’y eut plus de publics à galvaniser, de macédoine de légumes, d’impérialisme colonial, de sulfateuses, de mauvais joueurs, de vassalité moderne, de teinture d’iode, de design, de proses dont l’issue serait heureuse, de queues-de-pie, de quote-part des subventions d’investissement, de bureaux à climatiser, plus le moindre Kényan, de groseilles, d’hyperboles, d’émirs, ni de pendeloques.

« Le temps passe. Et chaque fois
qu’il y a du temps qui passe,
il y a quelque chose qui s’efface ».
Jules Romains - Les hommes de bonne volonté

Au dix-septième jour, il n’y eut plus de sauterelles, de royalties, de presqu’îles dans le Pacifique, de geignards, de films d’horreur tournés avec des reptiles, d’électroniciens, de roublards, d’ivrognerie, d’invendus recyclés pour le papier, de sensations de chute dans des trous sans fond, de bastions des Talibans, de puéricultrices, de rhinopharyngite, de pétaudières, d’élus dramatisant, ni de daguerréotypes.
Il n’y eut plus d’alexandrins, de tortues géantes de plus de 100 ans, de tronçonneuses, ni plus de Finlandais, de femmes sur qui fantasmer, d’hémorragies à juguler, de rois trônant, de sucre dans la barbe à papa, d’impresario aux théâtres, de macroéconomie, de carambars, de sorbetières, de finasserie, de gravures, de prostitution clandestine, d’houppelandes, d’émaillage de mosaïques, plus aucun Kirghize, ni de tachycardies.

« Un livre est un grand cimetière où,
sur la plupart des tombes,
on ne peut plus lire les noms effacés ».
Marcel Proust - Le temps retrouvé

Au dix-huitième jour, il n’y eut plus de borsalinos, de filatures, de taxes foncières, de magnétophones, de traducteurs péteux, de palais royaux, de chênes rouvres, d’épigrammes qui ornaient les tombeaux, de Belges Florentins d’origine, de basketteurs omnivores, de mots d’esprit, de canaux aux berges artificielles, de finesses au langage, ni plus de Georgiens, d’éphémérides, de superpuissances, ni d’emprunts à la langue l’occitane.
Il n’y eut plus de déserts à irriguer, de saints issus de familles princières, de talonnettes, d’attentats suicides, d’estampes, de minibus Volkswagen, de mots avec huit voyelles, de tableaux à encadrer, de cachou, de phrases qui s’achèvent, de Kiribatiens, d’hommes se vautrant, d’orthoptères du genre criquet, d’arpèges, de lave-vaisselles, de stars à interviewer, de Viagra, ni de chaises longues.

« Certains jours, j’ai rêvé d’une gomme
à effacer l’immondice humaine.
Louis Aragon - Journal du surréalisme

Au dix-neuvième jour, il n’y eut plus de logisticiens, d’accessoires amphibies, de criminels orgiaques, de jambières, de tagliatelles, de tondeuses à gazon, d’écoles de pilotage, de sauce béchamel, d’écrémeuses centrifugeuses, plus aucun Américain, d’anamorphoses en peinture, de coulées de boue, de braquages, de parcs de loisirs à thème, de facilité du déprimé à reconnaître ses troubles, de policiers accommodants, ni de yo-yo en Asie.
Il n’y eut plus de desserts à caraméliser, de ronds-points à New York, de bleu céruléen étalé sur du bois flotté, de scientifiques boute-en-train, de caniveaux, de blizzard, de ventouses, d’écoutilles sur le pont des bateaux, de trigonométrie, de groupes à recapitaliser, d’arcboutants, d’ingéniosité dans les mécanismes, d’enluminures, plus du tout de Kosovars, de houppettes, de chloroforme, d’absolutisme, ni de mousmées moulées dans de la cotonnade.

« Nous devrions sécréter une gomme
spéciale effaçant au fur et à mesure
nos œuvres et leur souvenir ».
Francis Picabia - Revue Littérature

Au vingtième jour, il n’y eut plus de larves d’acridiens, d’écritoires portatifs, de lis, de grosses cylindrées, de chêne-liège, d’aphorismes sur la générosité, de nourriture ragoûtante, d’arbitres dans les débats, de yourtes mongoles, de télégraphistes, d’expertises judiciaires, de récitals au piano, de caddies, de columbariums, de vespasiennes, de lettres contaminées à l’anthrax, de coéquipiers à bord des voiliers, ni plus de Grecs.
Il n’y eut plus d’intelligences inouïes, de stagiaires à chapeauter, d’anneau diffus du soleil, d’enseignants vacataires, de Collagisme, de troïkas, de légionnaires mystérieux, de proverbes sentencieux, de palliatifs au cannabis, de jeux comme colin-maillard, de bidasses, de quatre-vingt-dixième chapitre aux ouvrages culinaires, de colombes à relâcher, plus de Koweïtiens, de lamaïsme, de yaourtières, de volleyeurs, ni de coccinelles.

« La mer, c’est une chose
d’une monotonie formidable,
une chose qui efface tout ».
Jean-Pierre Amette - Jeunesse dans une ville normande

Au vingt-et-unième jour, il n’y eut plus de chants tyroliens, de filets en résille pour tenir les chignons, de képis, de manèges d’équitation, de burettes graduées, de rhinocéros de deux mètres de haut, de jumelles dans les gendarmeries, de sadisme psychologique, de marcheurs en Cornouaille, de missiles balistiques, d’atolls pour y faire de la plongée, de sadomasochisme, de bouledogues nommés Vacarme, ni plus aucun Laotien, ni de textes administratifs.
Il n’y eut plus plus du tout de Hongrois, de chambres d’ionisation, d’hippocampes, de villages comparables à Rocamadour, de films à rembobiner, d’intrigues policières, de biftecks violacés, d’émeutiers incarcérés, d’embouteillages à Bogota, de bonbons acidulés, de jumbo-jets, d’interstices nulle part, de dynamisme à insuffler, de Turcs originaires de Grèce, de céramiques, de travaux abêtissants, ni de vitrocéramique.

« N’oublie pas qu’on écrit avec
un dictionnaire et une corbeille à papier.
Tout le reste n’est que litres et ratures ».
Antoine Blondin

Au vingt-deuxième jour, il n’y eut plus de photographies exemptes de toute demi-teinte, de beffrois à Bruges, de régions meilleures auxquelles on se serait préparé pour s’y rendre, de bateaux‑mouches, de hit-parades, d’arquebusiers, de Lesothiens, de vidéocassettes, de coupe-vents, de choses qui seraient invisibles, de come-backs retentissants, de cols à 5000 mètres, d’arabesques en entrelacements de feuillages, ni plus d’Irlandais.
Il n’y eut plus de foules où s’infiltrer, de café décaféiné, de salopettes à bretelles, de crucifiements, d’hispanisants, d’actes notariés même gribouillés, de sciences à rationaliser, d’inventions nées du hasard, d’étain oxydé, d’orques se nourrissant d’otaries, de zazous, de confucianisme, de calligraphies, de baronnets, de démagogues, d’héliocentrisme, de feuillets enluminés de lettrines, ni d’attrape-mouches.

« On n’oublie rien de ce qu’on veut oublier :
c’est le reste qu’on oublie ».
Boris Vian

Au vingt-troisième jour, il n’y eut plus de rapaces qui s’abattaient sur leurs proies à la surface de l’eau, de yé-yé, de martyrs kamikazes, d’hibiscus, de fabriques de barreaux de chaise, de chinoiseries, de néonazis, de gnôles, d’apostrophes, d’arbres ébourgeonnant, de barracudas, de physiciens, de carrières solo, d’assistanat, de dandinement chez l’oie, de recettes pour les hosties, de roches à brouetter, ni de jésuitisme.
Il n’y eut plus plus du tout d’Islandais, d’émissions de télé-réalité, de pronostiqueurs, de détonations dans les films d’horreur, de subterfuges aucuns, de maillots de bains deux-pièces, de hachoirs, d’Art numérique, d’iridium, plus le moindre Libanais, de moteurs diesel, de libations en l’honneur de Cérès, de chamallows, d’emporte-pièces, de farfadets, de leadership, de contrées à médiatiser, d’analphabètes, ni de capacité de vivre sans dépendre des autres.

« Le progrès est le processus
par lequel l’homme a supprimé
les moustaches, l’appendice et Dieu ».
Henri Louis Mencken
Au vingt-quatrième jour, il n’y eut plus de préhistoriens, de bernard-l’ermite qui muèrent au fur et à mesure qu’ils grandissaient, d’halogènes, de somnambules, de génoises pour fraisier, de revolvers à barillet, de ventilateurs, de haïkus, de récits à la première personne, de subventions, de petits pots pour bébé, d’imprimeries offset, de circuits intégrés, de macareux, de national-socialisme, plus d’Italiens, de procès à instruire, ni d’Aspartame.
Il n’y eut plus de statistiques exhaustives, de fongicides biologiques, de punks, de machiavélisme, rien qui fut sous la forme d’hélice, de ratages en art, de machines-outils, plus de Libériens, de Trans-avant-garde, de Mah-jong, de bornes le long des routes interminables, de fontaine de jouvence, de living-rooms, de trouillards, de haillons souillés de boue, de complots à fomenter, ni de cadenas dans les vestiaires.

« Plus je vieillis, plus je vois que ce
qui ne s’évanouit pas, ce sont les rêves ».
Jean Cocteau

Au vingt-cinquième jour, il n’y eut plus de bijoux, de choux, de cailloux, de fourrage, de cleptomanes inconscients, de claustrophobes à bord des avions, d’auto-stoppeurs à Caracas, de quincailliers, d’enclumes scellées sur socle, de couples folâtrant, d’anarchistes, de brasiers, de free-jazz, de guenons, d’horodateurs, de tarentules, de Kazakhstanais, de vaudevilles en littérature, de prédélinquants, ni de sombres machinations.
Il n’y eut plus de fumées d’incendies, de maladies à dédramatiser, de pièces d’Hamlet à Broadway, de gestions à informatiser, d’holographies, d’arabophones, d’abris antiatomiques, de trompe-l’œil, de gouvernements provisoires, de chimiothérapie, de ronchonneurs, de serpettes druidiques, de francophones, plus de Libyens, de chatterton, de porte-voix, de ouistitis, de semi-grossistes, de grues cendrées, ni de récits de rêves.

« Les hommes sont de petits nuages
qui se forment, qui passent et qui
s’évanouissent sans altérer aucunement
les conditions météorologiques ».
F. Fischer

  Au vingt-cinquième jour, il n’y eut plus de biens des défunts en vue de leurs successions, de murs à jointoyer, de missions jésuites, de perruques style rococo, d’archivistes en micro-organismes, de frangipane, d’hospices, de réformes de la police, d’espaces entre les lignes, d’experts-comptables, de trépassés à détrousser, de Tachisme en art, de pachydermes, plus du tout de Lettons, d’ovules à fertiliser, ni de gentilhommières.
Il n’y eut plus de salles des machines, de peuples guerroyant, de tatouages tribal situés au bas du dos, de scorbut, de mégaphones, d’accompagnateurs spirituels, de garde-chiourmes, de guimauves, de sectes, d’inhumations, d’orphelinats, d’oiseaux-lyres, de night-clubs, plus de Malgaches, d’aides-soignants, de castagnettes pour main droite, de bas-côtés, d’emballages, de haches, d’artistes se travestissant, ni de jeanfoutres.

« On est et on demeure esclave
aussi longtemps que l’on n’est pas guéri
de la manie d’espérer ».
Emil Michel Cioran - Ecartèlement

Au vingt-sixième jour, il n’y eut plus d’accusés de réception, de fast-foods, de lettres anonymes, de refuges en montagne pour les temps de guerre, de méthanol, de limonadiers petit-bourgeois, de couleur fraise écrasée, d’arrière-grands-parents, d’inculpations de complicité de génocide, d’abandons au sixième round, ni de malices enfantines, de guitounes, de renoncules aquatiques, de sodas au cola, ni d’uniformes à revêtir.
Il n’y eut plus de Symbolisme en peinture, de boxeurs à blackbouler, plus de Liechtensteinois, de souffre-douleurs, de diapasons, de bathyscaphes créés selon le principe d’Archimède, de couvents bénédictins, de sanctificateurs, d’alouettes victimes de la déforestation, d’ex-voto, de manoirs, de gymnastes, plus aucun Malaisien, de phraseurs tergiversant, ni de renards à moins qu’ils ne s’étaient déplacés avec le museau près du sol.

« Qui peut n’être pas convaincu
de son inutilité, quand il considère
qu’il laisse en mourant un monde
qui ne se sent pas de sa perte, et où
tant de gens se trouvent pour le remplacer ? »
Jean de La Bruyère - Caractères

Au vingt-septième jour, il n’y eut plus de terminus dans le quartier Vaugirard, de bas-reliefs sur les façades et les plafonds, de white spirit, de prolétaires, de saxophones dans les groupes de rhythm’n’blues, de gouvernantes, de plantes médicinales, d’arrière-saisons, de beignets aux pommes, de girafes, de férocité meurtrière, de débuts de phrases sans suite, de strapontins dans le métro, il n’y eut plus que faillites des compagnies aériennes.
Il n’y eut plus de malignité publique, de faucons, de passantes racoleuses, de pinces-monseigneur, il n’y eut plus de Lituaniens, de Pop art, d’étangs où pagayer, d’eunuques, de hotdogs, de karaokés, d’autocuiseurs, de tricots à boulocher, plus le moindre Malawite, de duffel-coat, de mollusques aux coquilles nacrées, de skate-boards, de tchadors, de dictons français, de lacs jaunâtres, ni de puissances faramineuses.

« À l’oubli succède l’indifférence
de l’oubli comme un écho muet
qui prolonge la durée et augmente
l’espace de l’oubli ».
Jacques Ferron - L’Amélanchier

Au vingt-huitième jour, il n’y eut plus d’intérêts à garder ses distances, de myrtilles arbustives, de non-fumeurs, de cafouillages dans la communication entre pays, de prédicateurs, de linguistique structurale, de fumigations, de traîneaux tirés par attelage, d’orchestrations d’œuvres musicales, plus de Luxembourgeois, de manèges forains, d’exorcistes, de bobsleighs, de leaders haranguant les foules, ni de cordons ombilicaux.
Il n’y eut plus de Néoclassicisme, de revanchards, de remblais à niveler, de gastroentérologie, de disc-jockeys, de garde-chiourme, d’adoptés, de tocsins, de parkinsoniens, de crayons à mâchouiller, il n’y eut plus de Maldiviens, d’asservissements, de kératine dans le cheveu, d’accordeurs de piano, de suspects à confondre, de discoboles, de fantasias, ni d’archives françaises depuis l’époque des Mérovingiens.

« Chaque fois que tu oublies,
c’est la mort que tu te rappelles en oubliant ».
Maurice Blanchot - L’attente, l’oubli

  Au vingt-neuvième jour, il n’y eut plus de canards semblables à celui de Pierre et le Loup, de dictaphones, de répression par la contrainte ou la violence, de basilique à Saint-Denis, d’eucalyptus, de Rotary club, de gynécologues, de voltigeurs pressés, de professions se marginalisant, de vers de terre dans les composts, de manœuvres à déjouer, de lieux où se situerait un eldorado, de rôdeurs, ni de lancements de sondes spatiales.
Il n’y eut plus de Macédoniens, de charrettes à klaxonner, de gens qui léchaient la main de ceux qui leur avaient nui, d’étendards, de peintures où le modelé était rendu par le jeu des tons, de diagnostics à affiner, de réglisse en pharmacie, de conciliateurs temporisant, d’intrusions même symboliques, plus aucun Malien, de porcs-épics, de géomètres, de quintuplés, de décathloniens, ni de salissures adhérentes.

« L’oubli est la condition
indispensable de la mémoire ».
Alfred Jarry - Le Périple de la littérature et de l’art

Au trentième jour, il n’y eut plus de parfumeurs chez lesquels il n’y avait qu’accusations de partialité, d’intrigues et de cabales, il n’y eut plus de faïenceries, de livres d’occasion avec des cahiers de 24 pages, d’astéroïdes observables à l’œil nu, de babyfoots, de vandalisme, d’ultramicroscopes, de projectionnistes, plus aucun Maltais, de doyens, de kiosquiers, de fonctionnaires outrepassant leurs devoirs, nid’écrans à paramétrer.
Il n’y eut plus de pseudonymes pris par les Durand, de Surréalisme, d’architectonique, de cardinaux de la curie romaine, de méandres des routes en montagne, de pigistes, de proxénètes, de palissades en bambou, d’électro-aimants, de babouches assez larges pour les pieds, d’extases comparables à celles de sainte Thérèse, de terroristes à gracier, de Marocains, de publicistes, d’adoucissants, de géologues, ni de brioches.

« Toute la création est fiction et illusion.
La matière est une illusion pour la pensée ;
la pensée est une illusion pour l’intuition ;
l’intuition est une illusion pour l’idée pure ;
l’idée pure est une illusion pour l’être.
Dieu est le mensonge suprême.
Fernando Pessoa - Le livre de l’intranquillité

Au trente-et-unième jour, il n’y eut plus de prisonniers de guerre, de surenchères boursières, d’embaumeurs recommandables, d’ergots aux volailles, de journalistes décapités par leurs ravisseurs, de maquereaux, d’auteurs-compositeurs-interprètes, d’ingérence humanitaire, de postes à souder, plus de Moldaves, de volumes équivalents à la taille d’un œuf, de paroissiens, de rabat-joie, de marmottes qui hibernaient, ni de digicodes.
Il n’y eut plus d’ouverture d’esprit chez les parnassiens, de prescriptions de méthadone, de mauviettes, de calebasses brésiliennes, de preneurs d’otages, d’anthropophages, d’emplâtres, de pays à décontaminer, de scalpels, de Pointillistes, de lieux saints, plus de Marshallais, de teinte rouge provenant de la cochenille, de liqueur de Chartreuse, de positivistes, de cygnes noirs, ni d’accessoiristes sur les tournages.

« La fuite est futile, nous sommes
tous prisonniers au milieu d’un
cercle, quelle que soit la façon
dont nous vivons notre vie,
l’anéantissement nous attend,
la mort n’oublie personne ».
Andrei Stoiciu - Alors, la tempête...

Au trente-deuxième jour, il n’y eut plus de croix, de jacuzzis, de bréviaires, de vice-présidents, de bachibouzouks, de glycines, d’endoctrinements et de manipulations mentales, de tabatières, rien sous la forme d’une sphère, plus de romantiques allemands, de cyclones qui frappaient l’île de la Réunion, de toxicos, plus le moindre Monégasque, de fruiteries, d’épileptiques, de trous noirs, d’emballeurs de boîtes de conserve, de Mauriciens, ni de plagistes.
Il n’y eut plus de drapeaux blancs, de cassonade, de dragueurs, d’accents gutturaux, de pénétrations des troupes en territoire ennemi, de baleines à harponner, de mazurkas, de peinture informelle, de non-croyants, de transgressions de toutes sortes, d’éternels dilemmes entre la vie et la mort, de gyroscopes, de stratèges sanguinaires, d’États se surarmant, de sanctuaires, de cure-dents, d’essoreuses, ni de nappes phréatiques.

« Plus on veut se souvenir
du détail d’une image lointaine,
plus le temps nous prouve que
l’on a déjà oublié ».
Dominique Blondeau - Que mon désir soit ta demeure

Au trente-troisième jour, il n’y eut plus de pugnacité chez les recordmans, d’infrastructures dans la sécurité nationale, d’apiculteurs russophones, de montgolfières bleues, de pères de famille pantouflant, de basmati, de catéchèses, de bateleurs, de monuments commémoratifs, de dactylos sachant taper en grec à la machine, de perfidies impardonnables, de dragées, d’éoliennes, de datchas, de pourvoyeurs, ni de dissuasions nucléaires.
Il n’y eut plus de Monténégrins, de plantes dont l’efflorescence fut mâle et femelle, de doubles saltos arrière avec vrille, plus du tout de Mauritaniens, d’événements à immortaliser, de balalaïkas, d’aristotéliciens, d’assemblées constituantes, d’estafettes, d’art figuratif, de bras détournés des cours d’eaux, de villas à cambrioler, de rambardes aux balcons, d’échalotes, d’armadas de voiliers, de dancings, d’hommes tapinant, ni de saignement nasal.

« L’oubli n’est autre chose
qu’un palimpseste ».
Victor Hugo - L’Homme qui rit

Au trente-quatrième jour, il n’y eut plus de gibecières équipées de munitions, de démesure chez les astrologues, de choléra, de lunettes noires, de chaises percées, de barmaids de nuit, de franquistes, d’ambroisie, de décalcomanie, de gaieté, d’enfants aguicheurs, de polochons, de muses, de policiers perquisitionnant, plus le moindre Norvégien, de perruquiers, de teckels, d’antimilitaristes, de bouviers, de pièges à ions, ni de confettis.
Il n’y eut plus de glèbes à moissonner, de vaseline, de paracétamol, de maniacodépressifs secourables, de viandes à racornir, de dos-d’âne, de poltrons, de rondes sabbatiques, d’aborigènes, de putréfaction des cadavres, de gris anthracite, de Touaregs se sédentarisant, d’aoûtats, de peinture baroque, de demoiselles douillettes, plus aucun Mexicain, de psychanalystes savoyards, de duplicatas, de pépiniéristes, ni de carambolages.

« Nous savons que nous sommes
provisoires et qu’après nous,
rien ne viendra qui vaille la peine
qu’on en parle ».
Bertolt Brecht - Du pauvre B.B.

Au trente-cinquième jour, il n’y eut plus de mobiliers kitsch, de liberté de changer de maître, de cure-pipes, de cyclothymiques, de porcelainiers poitevins, de buanderies dans les hôpitaux, de routards en Thaïlande, de bégaiements chez les pervers, de plaisanteries subtiles, de macarons verts, de portraitistes silencieux, ni de rancœurs définitives.
Il n’y eut plus de fruits sauvages comestibles, de figure de la résistance communiste, plus de Néerlandais, de bracelets en bronze portés aux chevilles, de dattiers, d’héliotropes, de cabochards, de marchandises à dépaqueter, plus de Micronésiens, d’armatures en béton armé, d’art concret, de rues réputées pour leurs maisons closes, d’épigraphes placées en tête des autobiographies, de dadais, de beurriers qui avaient pour forme la cathédrale de Rouen, de durites, de sacoches Vuitton, de mares où patauger, ni de sectaires.

« Seul l’éphémère dure ».
Eugène Ionesco

Au trente-sixième jour, il n’y eut plus de caveaux comportant dix places pour les familles, de règles grammaticales, de champignonnières tibétaines, de débarcadères, d’illusionnistes transsexuels, de quatuors vocaux, de disquettes, d’hystériques se ressaisissant, de chapelets, de compositeurs pianotant, de Polonais, de belvédères, de fous au jeu d’échecs, de kangourous, ni de sages qui n’avaient abjuré aucune de leurs convictions.
Il n’y eut plus d’universités où professer, de dealers, de bourrasques impétueuses, de procès politiques, de fêtards qui biberonnaient, de Mongols, de godillots, de floralies, de divagations se rattachant à la Joconde, de bonimenteurs, de dédicaces au Salon du Livre, de coqueluche, d’escalators, d’étiquettes électroniques aux gondoles, d’art naïf, de daims, ni de tissus qui servaient à rapiécer les habits troués.

« Vous êtes tous les mêmes.
Vous avez soif d’éternité
et dès le premier baiser vous
êtes verts d’épouvante parce
que vous sentez obscurément
que cela ne pourra pas durer ».
Jean Anouilh - Pièces noires, Eurydice

Au trente-septième jour, il n’y eut plus de cure-dents, d’intelligence qu’il suffit pour bien écouter, de lambris aux plafonds, de curriculum vitae, de crécelles carnavalesques, de préludes du soleil sur l’horizon, de cathédrale à Chartres, de furonculose, de cercles où furent figurées les couleurs du spectre, de petites coquillettes, de miliciens en manœuvre, de cumulo-nimbus, d’autobronzants, ni de trimillénaire à la culture zoroastrienne.
Il n’y eut plus de ressources naturelles, de philanthropes, de chats de gouttières, plus de Portugais, de fibroscopies, de gousses d’ail à pendre, d’arbres coupés à mi tronc pour marquer une limite, de jars pour jargonner, d’audioprothésistes, de fenêtres à calfeutrer, de Mozambicains, de nuisettes courtes, de poches sous les yeux des blanchisseurs, de dîners conférences, de collégialité, de malades se recouchant, ni d’ultimatums.

« L’humanité n’est qu’une fleur
éphémère sur l’arbre du temps...
Tout ce mal, tout ce mal qu’on se
donne pour vivre, et puis plus rien ».
Olive Schreiner - La Nuit africaine  

Au trente-huitième jour, il n’y eut plus de liquidateurs en procédure de redressement judiciaire, de chimie bioinorganique, de gaufrettes, de mégalopoles européennes, de coïncidences cryptographiques, de plus-value immobilière, d’heures à carillonner, d’infirmières, d’oppressions dictatoriales, de fillettes pouffant de rire, de musiques influencées par le zouk antillais, de lance-roquettes, de bandanas, ni de glycérine cosmétique.
Il n’y eut plus de résidences thermales pour curistes, d’orangs-outans à Sumatra, d’ascenseurs où s’engouffrer, de matchs retour, plus de Tchèques, de suppléments à octroyer, de scribouillards du net, d’orangeraies, de favorites pour les maharadjas, de dérogations scolaires, de sénateurs utopistes, de pêches aux thons, plus de Namibiens, de blagueurs, de maisons avec un air d’abandon, de bakchichs, ni de zoothèques.

« Pourquoi douter des songes ?
La vie, remplie de tant de projets
passagers et vains, est-elle autre
chose qu’un songe ? »
Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie

Au trente-neuvième jour, il n’y eut plus de susceptibilité chez les prothésistes, de mandolines à huit cordes, de mort-aux-rats, de saluts militaires auxquels on faisait des pieds de nez, d’octogénaires presbytes, de rivières se jetant dans les bras de la Loire, de carnages dans les films américains, plus aucun Roumain, d’associations caritatives, de cyclotourisme, de séisme de magnitude 7 sur l’échelle de Richter, ni d’intersyndicales.
Il n’y eut plus de yaourts à aromatiser, de sots bien vêtus, d’œuvres éditées en Pléiade, de bonnetiers, d’escaliers mécaniques, de croque-madame, de ravisseurs, d’animaux captifs des rets, d’épingles à nourrice, de dindes qui becquetaient, de vitesses à enclencher, de contestations chez les sceptiques, de guillemets dans les citations, de jaune impérial, plus aucun Nauruan, de polygraphes, de nécromanciennes, ni de louves à Louveciennes.

« Avant notre venue,
rien ne manquait au monde.
Après notre départ,
rien ne lui manquera ».
Omar Khayyâm - Quatrains

Au quarantième jour, il n’y eut plus d’hitlériens, de funérariums, de lapalissades, de croisades, de paperasses qui avaient cessé d’être d’utilité courante, d’ambulances, de belcantos, d’élagueuses, de cybercafés, de certificats d’invalidité, de moulures situées à la jonction du fût et du chapiteau des colonnes, de roublardises d’hommes d’affaires, d’extralucides, d’ayant droits, d’escalades dans les guerres civiles, ni de cuistots.
Il n’y eut plus d’Opéra à la Bastille, plus aucun Anglais, d’ornières à empierrer, de bougies, de superstars, de débats où polémiquer, de saint-frusquin, de batavias, de cachotteries aux médecins, de secouristes en montagne, de nèfles, de sabotages, de caissiers, de grenadine dans les bars, de Népalais, d’assurances à renégocier, de conjonctivite, de cérémonies d’investiture, ni de jarres rondouillardes.

« L’incompréhensible,
c’est ça le plus difficile.
Nous ne le supportons pas.
Nous avons peur de l’inexplicable
comme du vide ».
Louise Bouchard - Les images

Au quarante-et-unième jour, il n’y eut plus d’états seconds, de métaphysique de la période scolastique, de chrysanthèmes, de fermetures Éclair, de ball-trap, de pollueurs, de vent qui d’ordinaire entrait par les carreaux fêlés, de rubriques des faits divers, de fonts baptismaux, d’azote, de manucures se déplaçant à domicile, ni de sites fossilifères.
Il n’y eut plus d’amuse-bouches, de fête des Catherinettes, de laryngite, de colis piégés, de rôles où l’on concourut, de préceptes végétariens, d’Écossais, de rosaires, d’amis se rabibochant, de crêpes à la Chandeleur, de chewing-gum, de galvanomètres, de clous à tordre, de boîtes couleur miel, d’anthropophagie, de réfugiés, de polka à l’Opéra de Paris, de nabots, de fioritures baroques, de censures cinématographiques, de vies à chambouler, de gages, plus de Nicaraguayens, de mammectomie, ni de sexagénaires ventriloques.

« Si Dieu n’était pas !
Alors que sommes-nous ?
Rien, rien qu’une sorte
d’excroissance absurde,
un lichen de vie et de conscience
sur une planète dérisoire
perdue au milieu du lent
ballet du monde ».
Thierry Maulnier

Au quarante-deuxième jour, il n’y eut plus de juments nommées Rossinante comme celle de Don Quichotte, de fructose, de fête de l’Épiphanie, de bastingages pour les hamacs, de réclusions criminelles à perpétuité, d’oisiveté chez les trouble-fêtes, de jaune qui donnait au teint l’aspect du cuivre, de costumiers, d’enfants à baptiser, de géodes, de rapiats, de motocyclettes à vendre, ni plus le moindre Russe.
Il n’y eut plus d’armoires à secrets, ni de pythagoriciens modernes, de gangs rackettant, de charançons, de longues-vues, de noisettes de chevreuil, de nougats, d’enfants qui fût à califourchon sur le dos de leurs pères, d’enfants à déculotter, de sons à mixer, de kitchenettes, de malachites, d’antiquaires en Normandie, de mégalomanie par manque affectif, plus de Nigériens, de culasses, de gardes des Sceaux, ni de chapeaux aux bords abaissés.

« Le vide nous attend
à tout moment ».
Shashi Deshpande - Question de temps

Au quarante-troisième jour, il n’y eut plus de fumées de cerf molles en forme de bouse, de giboulées mêlées de grêle, de mezzo-sopranos, de pasteurisation, d’enfants nés de rapports extra conjugaux, de chasse-neige, d’endroit où l’on put vivre à bon compte, de maquignons vindicatifs, de socquettes hors d’usage, de fuel, de marelles, de mécaniques ondulatoires, de nécrophilie, de pertes de 50 milliards d’euros, ni de Saint-Marinais.
Il n’y eut plus de protestataires retraités, de formica, de guillotines dans les musées, de publicitaires volubiles, de parquets à encaustiquer, d’intubations respiratoires, plus aucun Nigérian, de guérites pour les sentinelles, de maisons à rétrocéder, de mystères autour de choses frivoles, d’agiotages en bourse, plus de transformistes, de délinquants à amnistier, de cruciverbistes, de gorgonzola, d’hévéas, ni de crémeries à proximité de Lyon.

« La théorie, c’est quand on sait
tout et que rien ne fonctionne.
La pratique, c’est quand tout
fonctionne et que personne
ne sait pourquoi. Ici, nous avons
réuni théorie et pratique :
Rien ne fonctionne... et personne
ne sait pourquoi ! »
Albert Einstein

Au quarante-quatrième jour, il n’y eut plus de dynasties des Tudors, de régionalistes, de nuits où la lune parût à l’autre bout du ciel, de shampouineurs, de bouillottes, d’extravertis, de lézards sur les murailles, de rapatriés, de professeurs d’hématologie, de nains rapetissant, de bienheureux, plus de Serbes, d’expositions de miniatures, de saccharine, de chaussures à prix discount, de parieurs, de pornographie sur le web, ni de couplets à fredonner.
Il n’y eut plus de tenues à érotiser, de vélos passe-partout, de pamphlets orduriers, de bibliothécaires encapuchonnés dans les abbayes, de génisses à l’abattoir, de Néozélandais, de dynamomètres de traction, de troupes itinérantes, de combinaisons aux coffre-fort, de rosée, de cadavres à momifier, d’épargnants à la petite semaine, de devantures, de rengaines mélodramatiques, ni de pastèques.

« Je sens que je progresse
à ceci que je recommence
à ne rien comprendre à rien ».
Charles-Ferdinand Ramuz – Journal

Au quarante-cinquième jour, il n’y eut plus de lapidations en Arabie Saoudite, d’épinoches à trois épines, de tourtières, de goinfrerie propre aux typographes, de stéréophonie, de fiançailles entre vacanciers, de rallyes, de grands abats de pluies échevelées, de fidèles s’agenouillant, de spéculations, de chauffards, de surimpositions, de doigts ampoulés, de nonces apostoliques émérites, plus de Slovaques, ni de cornets à pistons.
Il n’y eut plus de fanfaronnades chez les pédagogues, de roudoudous, de schizophrénie, de casquettes avec visière, de nouvelles recrues à aguerrir, plus du tout d’Omanais, de lapins à dépiauter, d’observations ethnologiques, de bodhisattvas, de vanilline, de télécopies, d’abandon qui rendait les femmes si délicieuses, de murs à jointoyer, d’autorails, d’épuisettes pour piscines, de dindes, de harems, ni de doctoresses flagorneuses.

« Voici deux vérités que les hommes
en général n’admettent jamais :
l’une qu’ils ne savent rien, l’autre
qu’ils ne sont rien ».
Giacomo Leopardi - Pensées

Au quarante-sixième jour, il n’y eut plus de bananeraies en Guadeloupe, de laïcité obligatoire, de basalte, de progressistes, de referendums d’initiative populaire, de corps lumineux dans l’espace, de vocations à devenir scaphandrier, de poètes du Moyen Âge antérieurs au XIe siècle, d’usurpations, d’auteurs de science-fiction, de valse-hésitation des années soixante-dix, de motopompes, plus de Slovènes, ni d’os à ronger.
Il n’y eut plus de voleurs qui se carapataient, de romans d’aventures, de désœuvrés s’expatriant, d’équerres métalliques, de lieux les plus tristes du monde, d’abréviations aux mots, de têtes qui s’agitaient en signe de dénégation, de limogeages, plus aucun Ougandais, de mausolées, de topazes, de mièvrerie, de gagnants à l’Euro Millions, d’îlots à ravitailler, de vendangeuses, de nacelles, de neurosciences, ni d’intouchables.

« Rien n’est plus agaçant que
de ne pas se rappeler ce dont
on ne parvient pas à se souvenir
et rien n’est plus énervant que
de se souvenir de ce qu’on voudrait
parvenir à oublier ».
Pierre Dac

Au quarante-septième jour, il n’y eut plus de personnalités figurant sur les timbres, de craintes irraisonnées des grands espaces, de casse-pieds, de frisbees, de black-jack, de hallebardes, de ruines au creux le plus étroit des vallons, de tubes cathodiques, de mentors, de léproseries nauséabondes, de trains de marchandises, d’esclavage, de malversations, de bihebdomadaires, d’écuries, de publics applaudissant, d’odalisques, ni de misogynes.
Il n’y eut plus de noir de fumée, plus le moindre Suédois, de murs à peinturlurer, de vertébrothérapie, d’achats à renchérir, de faisanderies, d’automates, de gens que les pisciculteurs méprisaient comme les êtres les plus abjects, de livres érotiques, de goguenardise, de rince-doigts dans les restaurants de crustacés, plus d’Ouzbeks, de garde-barrières, de pontificat, ni d’hémiplégie.

« Il y aura toujours deux mondes
soumis aux spéculations des philosophes :
celui de leur imagination, où tout est
vraisemblable et rien n’est vrai, et celui
de la nature où tout est vrai sans que
rien paraisse vraisemblable.
Rivarol - Maximes, pensées et paradoxes

Au quarante-huitième jour, il n’y eut plus de vespasiennes, de lorgnettes, de profanateurs, de photographies ougandaises, de musicographes, de glace pilée, de surveillants, d’îles abordables en un seul point de leurs côtes, plus de Suisses, d’isorel, de tableaux abrégés de l’humanité complète, de bêtes ânonnant, d’épilepsie, de fresques historiques, de bétail à émasculer, de retours à la case départ, de clandestins, ni de vagues dans l’Océan Arctique.
Il n’y eut plus de pipelettes s’interrompant, de merguez, de râleurs, de bizarreries dans les paysages, de lampes qui irradiaient, de revues monastiques, de frontières, de voiturettes, d’écrevisses, de jouets mandchous, de jupes indécentes, de bossanovas, de sans-abris, plus de Pakistanais, de mouchoirs en papier, de gens têtus, de chiquenaudes, ni de montreurs de serpents.

« Moi, lorsque je n’ai rien à dire,
je veux qu’on le sache ! »
Raymond Devos - Parler pour ne rien dire

Au quarante-neuvième jour, il n’y eut plus de bourgeois hongrois, de rastaquouères dévergondés, de prophètes exaspérants, de demeures à rebâtir, de loggias spacieuses, de sociopathes, de pénitenciers défectueux, d’olivettes, de campagnards, d’oiseaux-mouches aux Antilles, de marbreries funéraires, de romans-feuilletons, de laissés-pour-compte, de lions s’apprivoisant, de pétitionnaires, ni de visionneuses.
Il n’y eut plus d’ultrasons qui repoussaient les souris, de surplus de gaieté pour acérer la douleur, de pierres à fusil, plus de Turcs, de résultats à égaler, de sangliers âgés de trois ans, de klaxons, de courbes du chômage à infléchir, d’illustrateurs crayonnant, de synthétiseurs, de palefreniers dans les boxes, de vahinés, de paperasseries, d’orties, plus de panthères, de parthénogenèse, ni de vaporisateurs valant moins de trois cent euros.

« Rien ne m’est sûr que
la chose incertaine ».
François Villon

Au cinquantième jour, il n’y eut plus de thrillers en bande dessinée, d’implantation d’une idée en soi-même par soi-même, de salamalecs entre Maghrébins, d’acrobates dont les corps à la renverse formaient un arc, de retombées radioactives, de thrillers, de truffières, de statuettes mauritaniennes, de sous-préfectures, de sarriette, plus d’Ukrainiens, de babouins, de livres vendus à un seul exemplaire, ni de mangoustes à queue blanche.
Il n’y eut plus de carafes à transvaser, de polytechniciens, de ciels s’uniformisant, de poils de chameau, de bouibouis, d’usines à tire-fesses, de cours à ingurgiter, de brioches aux raisins en forme de spirale, plus de Panaméens, de Maïzena, de ciseaux de dentellières, de besognes qui asservissaient, de tribalisme ethnique, de footballers à ovationner, ni de mitraillettes de la deuxième guerre mondiale.

« La mémoire, c’est comme une valise.
On met toujours dedans des choses
qui ne servent à rien ».
Walter Prévost - Luc-sur-mer

Au cinquante-et-unième jour, il n’y eut plus d’enfants qui firent éclater des bulles de savon, de cochons tirelires comparables à Porcinet, de vieillards sommeillant, d’avalanches de questions qui abasourdissaient, d’hockeyeurs en Caroline du Nord, d’arquebuses, de midinettes pleurant de se voir abandonnées, d’œuvres apocryphes de Shakespeare, de pillages des tombeaux, de rues à rebaptiser, ni de gens abreuvés d’amertume et gorgés de dégoût.
Il n’y eut plus de paquebots traversant l’Atlantique, plus personne au Vatican, de romans libertins, de berniques comestibles, de propriétaires terriens nord-coréens, de disques à dupliquer, plus le moindre Papouasien, plus de calligraphies cursives, de chevilles en bois, de médicaments qui abrutissaient, de conteneurs sur palettes, de fillettes se débarbouillant, de caddies de golf, ni de coiffeuses répondant au nom de Dupont.

« On ne possède rien, jamais,
qu’un peu de temps ».
Eugène Guillevic - Exécutoire

Au cinquante-deuxième jour, il n’y eut plus d’échantillons cylindriques prélevés lors des forages, de barbelés, de borgnes, d’attentats à la voiture piégée, d’inspecteurs d’académie, de comptoirs d’acajou soigneusement cirés, de célibataires, d’autruches en captivité, de partis factieux, plus personne dans les îles dépendant de la Couronne britannique, de livres d’espionnage, de clonage à visée thérapeutique, ni de rabots à demi varlopes. Il n’y eut plus
Il n’y eut plus de pays se singularisant par leurs recrues militaires, de manucures Bengalis, de tarifications, de moissonneuses-batteuses, de cotisations à déplafonner, de nids-de-poule, de différences à abolir, d’agrochimie, de galéjades entre soixante-huitards, de secrets auxquels on fut astreint, d’insouciance bohème, plus de Paraguayens, de milkshakes, de chefs de rébellion, de bétonnières, de métaphores alambiquées, de peintures de centaures, ni de biochimistes.

« La raison est donnée à l’homme
pour lui faire reconnaître
qu’elle ne sert à rien ».
Erich Maria Remarque
 Le ciel n’a pas de préférés

Au cinquante-troisième jour, il n’y eut plus de panthéisme, de bonhomie chez les vieux rabougris, de superstructures philosophiques, de forains, de parcmètres transformés en boites aux lettres, de poussettes, de gobe-mouches, de dilettantes drolatiques, de feuilles tourbillonnant, de retardataires, plus le moindre Afghan, de contes merveilleux, de mini poubelles à pédale, de drogués, d’abris sous roche où chacun pût se serrer contre l’autre, ni de traces de François Ier, d’Henri III et de Louis XV.
Il n’y eut plus de réimpressions en quadri, d’égoïstes, de mercurochrome, de fournaises, de pactes avec le diable, de brise-glaces, de plates-bandes à ratisser, de Péruviens, de caisses à réceptionner, de mots à bien orthographier, de trappistes dialoguant, de reine-claude, de finalistes en tournois, de chabichous, de roturiers demi-pensionnaires, ni de palmiers à huile.

« La pensée pure doit commencer
par un refus de la vie.
La première pensée claire,
c’est la pensée du néant ».
Gaston Bachelard
La Dialectique de la durée

Au cinquante-quatrième jour, il n’y eut plus de chutes de météorites, d’autoportraits du Titien ni de Vélasquez, de coqs aux clochers, de bonnets d’âne, de néocolonialisme au Mozambique, de sagouins, de couches-culottes pliables, d’ostensoirs, d’abréviations plus belles que leurs mots complets, de djellabas pour cul-de-jatte, de visites guidées en autocar, d’adolescents s’émerveillant, plus de Sud-Africains, ni de décors à angliciser.
Il n’y eut plus de sottisiers politiques, de grelots tintinnabulant, de signaux sinusoïdaux, de gens frappés d’ostracisme, de logiciels à pirater, de petite musique que tout homme portait en soi, plus aucun Philippin, de science-fiction, plus de livres invendus, de cancers à métastaser, de mouchards, de réverbérations acoustiques, de télépathes qui étaient clowns, de casoars, ni de nuages stratiformes qui auraient fixé le ciel à l’immobilité.

« Né en - (ici la date)
Néant - (ici la date) ».
Hervé Bazin - Epitaphe

Au cinquante-cinquième jour, il n’y eut plus de receleurs, d’empoignades avec des attaques à la matraque, de gibelottes, de voyagistes congolais, de communiants, de pandémies, de fumeries d’opium clandestines, de couleur queue de vache, de sans-logis, de francisques, d’impasses dans le 15e arrondissement, d’armées insurgées, de belladone, d’ambivalences en philosophie, de lamaseries où trouver refuge, plus d’Algériens, ni de courriers à affranchir.
Il n’y eut plus de variateurs de vitesse, d’espions à confondre, d’économistes vulgarisant, plus de Qatariens, de sécheresse, d’autos tamponneuses, de justaucorps avec jupettes, de coffres-forts, de romans de cape et d’épée, d’estivants en bermuda, de mésanges charbonnières, de chefs de file à plébisciter, de rêveries où l’on se serait trouvé absorbé, ni de mots qu’il eût été absurde de croire qu’on les inventât.

« Chaque mot est comme une souillure
inutile du silence et du néant ».
Samuel Beckett

Au cinquante-sixième jour, il n’y eut plus d’assassins du type Jack l’éventreur, de clochards Japonais, d’avant-dernier dimanche au mois d’août, de corpus, de meuniers bravaches, de couleurs Pantone, de chancelleries, de modèles à reproduire, d’Angolais, de verre cathédrale, de claviers d’ordinateurs, d’année chinoise du coq, de constellations de la grandeur de Cassiopée et Andromède, ni de bâtons de dynamite.
Il n’y eut plus de routes se rétrécissant, de potagers à clôturer, de ludothèques, de défilés de couturiers, de pare-avalanches, d’ormes de Sibérie, de lactose, de karatékas auvergnats, d’éditorialistes atrabilaires, de Mémoires, de mélodies de la Renaissance, de bals masqués, de magasins où l’on trouvait du papier à mouches, de Russes, de manivelles, de Sirocco, d’enquiquineurs, de textes à réduire à des anecdotes, ni de seringues.

« Le néant se nie s’il se nomme ».
Maurice Chapelan - Main courante

Au cinquante-septième jour, il n’y eut plus d’hommes que les chimères emportaient dans l’absurde, de disc-jockeys, d’enjoliveurs, de cookies, de sous-sols riches d’artefacts, de kakatoès amnésiques, de chouchous, d’amiraux, de mondanités entre arrivistes, de septicémie, de hamburgers flapis, d’Antiguayens, d’arbres à dégrossir, de biographies, de fortunés se restreignant, ni de comédies tournant en dérision un travers à la mode.
Il n’y eut plus d’orgues de Barbarie, de rumba catalane, de mustangs vagabonds, de chroniqueurs sportifs, de mouches à capturer, de femmes qui se faisaient accoster, de Cupidon en plâtre, de réchauds à gaz, de Rwandais, de triangulations topologiques, d’ultramontains asthéniques, de cuistres à subir, de presse-purée, de restructurations drastiques, de demi-cercles, ni de sucettes géantes.

« Le zéro, collier du néant ».
Jean Cocteau

Au cinquante-huitième jour, il n’y eut plus de profiteurs de guerre, d’obsèques catholiques, de salmonelles, d’acupuncteurs macrobiotes, de mercenaires, de bâton de réglisse, de solderies, de ritournelles, de mantes religieuses, de deux-mâts, de superficies de 50 hectares, de nitrate, de saucières, de testostérone, de valses, de prénommés Ricardo, de cracheurs de feu, de varappeurs, de Saoudiens, ni de friandises à suçoter.
Il n’y eut plus d’enfants nés de dix pères et de la même mère, de saprophages, de fourreurs, de journaux intimes, de brûle-parfums, de brouettes qui se seraient accommodées d’un sol inégal, de majordomes flegmatiques, de mythes à désacraliser, de Christophiens, de baby-sittings, d’objets rouge Bismarck, de libellés à réécrire, de courses de lévriers, de pataugas, de commémorations, d’Ashkénazes moustachus.

« Les cimetières sont éclairés au néant ».
Frédéric Dard

Au cinquante-neuvième jour, il n’y eut plus de tentatives d’escroquerie, d’adorateurs maoïstes, de fièvres aphteuses, de nénuphars blancs, de Yéti, de pierres meulières, de fac-similés, de dessinateurs d’ameublement, d’arrache-clous, de faux-semblants de tendresse, de tequila, de termes orduriers, d’Argentins, de baccara dans les casinos, d’hypocrites, de remorques en haute mer, de variables attribués à la vitesse, ni de correspondances littéraires.
Il n’y eut plus de hiboux à empailler, de centres de rétention administrative, de proies qui furent asphyxiées par des boas, de candidats à auditionner, de collègues se querellant, de gaines-culottes, d’émigrants, de procédures informatiques, de Saint-Marinais, de gardes-chasse, de tombe de Arthur Rimbaud, de lieux qui s’accordaient avec leurs odeurs, de pansements antiseptiques, de garde-corps, ni de compétitions de pick-up.

« La poussière n’est pas encore le néant :
elle aussi doit être dispersée ».
François Mauriac - Journal

Au soixantième jour, il n’y eut plus de baraquements, de myosotis nains, de fanfarons, de ravitaillements en vol, de gardénias, d’air vivable dès l’approche du crépuscule, d’œils-de-bœuf, de missels sur les prie-Dieu, de poésie, de parc aux Buttes-Chaumont, de privatisations, de polygamie, de furets, de procès pour pédophilie, ni de lucioles.
Il n’y eut plus de juke-box où passait Charles Aznavour, de contorsionnistes, de cockers à toiletter, d’anémones de mer, de malédictions, de chats se pourléchant, de nymphettes, d’Australiens, d’échographies, de bon accueil à tout ce qui sortait de terre, de hannetons à grosse tête, de meubles à transbahuter, de Vincentais, de filtres s’entartant, de chorégraphes apolitiques, d’économies insulaires, de bouquets d’ancolies, d’handicapés, ni d’animosité entre diamantaires.

« Quel chien vorace est-ce donc que le néant ?
Faut-il qu’il nous prenne jour par jour
cette vie si courte dont la totalité
lui appartient tôt ou tard ? »
Alfred de Musset - Le roman par lettres

Au soixante-et-unième jour, il n’y eut plus de vols à la tire, de vols en rase-mottes, de radicalité religieuse, d’acheminement à des idées plus justes, de perfectos, de gredins débrouillards, de jacinthes des bois, de saligauds, de kayakistes dans les gorges, de romans picaresques, d’hommes se féminisant, d’hippodrome à Longchamp, d’eaux polluées à assainir, plus de Bahaméens, de sténodactylographes, ni de mallettes de bricolage.
Il n’y eut plus de politiciens écologistes, de chapelet à égrener, d’aspartam, de bulldozeurs, de footballeurs homophobes, de bazookas, de donateurs, de chemins vers Saint-Jacques-de-Compostelle, de chanteuses à vedettiser, d’huisseries à deux battants, de laborantins, de pape excommuniant, de mansardes, de contrefaçons, de Salomonais, de fume-cigarettes couleur indigo, ni de flambeurs migraineux.

« Un homme qui aurait
« absolument nette » la vision
du néant se tuerait tout de suite ».
Jules Renard - Journal, 1908

Au soixante-deuxième jour, il n’y eut plus de maîtresses entretenues par des hommes mariés, d’invalides, de félons, d’aéroglisseurs, de programmes scolaires à homogénéiser, de Franc-maçonnerie, de vantards bordéliques, de mandragores, de loupiotes, d’auvents contre la pluie, d’homicides sur les mathématiciens, de pète-secs, de monnaie-du-pape, d’anorexiques bilieux, de malaria, d’angélisme en art, de Bahreïniens, ni d’oiseaux se déplumant.
Il n’y eut plus de trombinophobie, de martingales, de linoléum rouge grenadine, de soudures à mater, de calembours, de brahmanisme, de goujateries chez les funambules, de carnets de voyage, de circonscriptions électorales, de Salvadoriens, de politologues déviationnistes, de gallinacés en élevage, de portes gauchissant, de cloportes, de fusains, ni de véhicules de moins de 3.5 tonnes immatriculés en W. 

« La vie est le seul raccourci
d’un néant à un autre ».
Jacques Sternberg 

Au soixante-troisième jour, il n’y eut plus de martins-pêcheurs, de A noir, de E blanc, de I rouge, de U vert, et de O bleu, de nuages de sauterelles aux détentes d’acier, d’hystériques bigleux, de cache-misères, de statues du Maréchal Moncey, de propos doux-amers, de plaies cicatrisant, d’incendiaires érudits, de lumbagos, de crises électorales, de marchepieds sur les tracteurs, de fatalistes envoûtants, d’autofictions, ni plus de Bangladais.
Il n’y eut plus d’images à surexposer, de compagnies à faire fusionner, de noisetiers de Byzance, de journalistes mythomanes, d’empoisonneurs fougueux, d’immeubles à ravaler, de comédiens monologuant, de conflit arabo-sioniste, d’andropause, de marqueterie, de sirop d’orgeat, de malhonnêteté, de jongleurs qui faisaient un numéro de massues, de marmelades, ni de suppléants aux Chanceliers.

« La lumière, qui fait voir toute chose,
se voit elle-même comme un néant...»
Gustave Thibon - L’ignorance étoilée 

Au soixante-quatrième jour, il n’y eut plus de complexes industriels, de lilliputiennes, de cabines de photomaton, d’alcootests, de mines de charbon, de fondamentalistes excusables, de caricaturistes, de semi-remorques, de charme acide dont on mesurait l’attrait, de manettes aux jeux électroniques, de tuberculose, de coursiers à bicyclette, d’ethnologues élisabéthains, de métis, de sondes spatiales, de Barbadiens, ni de prés à défricher.
Il n’y eut plus de vins se bonifiant, de léninistes emphatiques, d’allocutions élogieuses, de colonnes de fourmis, de descendants d’Aménophis IV, de bergeronnettes lavandières, de tankas, de jugements à surseoir, de cassoulet des Asturies, de gares bondées, de coupe-cigares, d’épreuves de force, de bancs où roucouler, de Santoméens, de garrots, de je-m’en-foutistes, ni de caniches voués aux cirques. 

« Nous étions au bord de l’abîme,
mais, depuis, nous avons fait
un pas en avant ».
Pierre Daninos 

Au soixante-cinquième jour, il n’y eut plus de puzzles difficiles, de poètes en exil, de cultes fétichistes, de télécommandes partout, de filles reconnaissables à leurs faux ongles, de gastroentérologues malintentionnés, de mozzarella, d’élégies, de casques empanachés, d’exégètes napolitains, de greffes du visage, de quêteurs, de Béliziens, de cryptes contenant le tombeau d’un martyre, ni de culturistes orgueilleux.
Il n’y eut plus de carpes à asticoter, de toilettage, de gamelles, de non-initiés, de pupitres aux contrebasses, de hulottes qui chuintaient, de rempailleurs, de gouvernails avec pilote automatique, de pinailleurs, de tord-boyaux, de sans-papiers, de mises en géométrie de problèmes complexes, de montgolfières, de timbres à oblitérer, de Sénégalais, de rabatteurs, de marihuana, de sprinters, ni de niches pentues. 

« Eternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Alphonse de Lamartine
Méditations poétiques, le Lac

Au soixante-sixième jour, il n’y eut plus de plongeoirs olympiques, de serviettes-éponges, de chats siamois athlétiques, d’avenue du Libérateur dans la ville de Buenos Aires, d’isoloirs, d’ardillons aux ceintures, de chasses aux bartavelles, de fables politiques, de populations à alphabétiser, de pamplemousses de huit kilogrammes, de tranches horaires qui précédaient les heures de grande écoute, ni de paraboles sur les toits.
Il n’y eut plus d’enrichissement de l’uranium, de Béninois, de comptes à totaliser, d’onanistes pâlichons, de cale-pieds, d’igloos insonorisés, de textes dont il fallait rayer les mentions inutiles, de chevelures à oxygéner, de matraques aussi longues qu’un bras, de Seychellois, de sidérurgistes, de tavernes, de call-girls perplexes, de prêchiprêchas, de meneurs d’hommes planétaires, de puisatiers hippies, ni de passe-montagnes. 

« La vérité du drame est dans
ce pur espace qui règne entre
 la stance heureuse et l’abîme
qu’elle côtoie : cet inapaisement
total, ou cette ambiguïté suprême ».
Saint-John Perse - Sur Dante

Au soixante-septième jour, il n’y eut plus de jours où l’on aurait abrogé des coutumes inhumaines, de serre-têtes, des déités vénérées en Inde, d’humidificateurs à vapeur, de barboteuses, de cratères sur la lune, de lignes de tramway, d’acrostiches, de paumés hirsutes, d’arrosoirs, d’épidémies, de hautbois pour orchestre symphonique, de crèmes contre les bouffissures, de camions s’embourbant, ni de Bhoutanais.
Il n’y eut plus de tuyauteries à siphonner, de cercopithèques, de béquilles aux bicyclettes, de repas bourratifs, de grimpeurs exemplaires, de gants de boxe ni de coquilles, de boules Quiès, de caravanes de bédouins, de contrats à durée déterminée, d’ostracisme à fustiger, de monuments à ornementer, de bavoirs, de vers soucieux de musicalité, de Sierra-Léonais, de fossoyeurs dégingandés, de bel canto, ni d’agnostiques hollywoodiens. 

« Songeur ! Qu’est-ce que l’homme ?
Un entre-deux d’abîmes !
Victor Hugo - Toute la lyre

Au soixante-huitième jour, il n’y eut plus de prévenus à comparaître, de notions d’absolu qui se seraient substituées à la notion du relatif, de goélettes, de cohues antipathiques, d’hommes casaniers ou de femmes décoratives, il n’y eut plus de tennismans, de bâtards comme Charles Martel ou Guillaume Apollinaire, d’ironie chez les gaullistes, de bondieuseries hélicoïdales, de boursouflures, d’amphétamine, de cantatrices gouailleuses, plus de Birmans, ni de juridictions à bafouer.
Il n’y eut plus d’essais, de poissons s’échouant, de friandises, de corruptions des mœurs, de va-t-en-guerre luxembourgeois, de cartables à soupeser, de fiestas, d’additifs alimentaires, de lance-missiles depuis un lanceur terrestre, d’Américains obèses, d’intentions à édicter, de volonté de toucher la cible qui eût faussé le tir, de Singapouriens, de sauvageons, d’encensoirs, de délocalisations, ni de flûtes traversières. 

« Par-delà le vide, le rien,
l’homme perçoit la réalité.
Il la saisit un instant, puis
la perd à jamais, car elle
échappe à l’homme ».
Monique Corriveau
Les Témoins

Au soixante-neuvième jour, il n’y eut plus d’adagios ampoulés qui gémissaient sur les archets, de feuilles de châtaigniers, de névropathes folkloriques, de brebis galeuses, de couleur rouge avec une légère addition de violet, de martyrs s’immolant, d’insoumission des peuples, de matelassiers extralucides, de dysfonctionnements des moteurs, de modélistes, de séances de tirs aux buts, de loups-garous, de Boliviens, ni de grands-oncles.
Il n’y eut plus de sermons, de lanternes magiques, de gratte-ciel, de fanfares pendant les chasses à courre, de grosses girouettes, de couvre-lits en patchwork, d’hommes violemment épris de vérité, d’aliments à poêler, de fauves à dompter, de pédophiles, d’échauguettes, de glapissements en forêt, d’impôts à exonérer, de Somaliens, d’étourneaux, de meurtrières, de tigres, ni de pestiférés. 

« Beaucoup craignent
de tomber sur le vide,
et ne savent pas que leur
propre esprit est le vide ».
Huang-Po - L’Esprit du Zen

Au soixante-dixième jour, il n’y eut plus d’électricité au Panama, de maladies du cerveau, d’hégémonies culturelles, de sophistes, de cires pour l’épilation, de cultes des saints, de vérandas, de faux nez en carton, d’excursionnistes eczémateux, de glaise, de second tour à la présidentielle, de tempéraments grincheux, de cadavres à exhumer, de gare à Saint-Lazare, de versificateurs, de bouteilles consignées, ni plus aucun Botswanais.
Il n’y eut plus de contre-utopies, d’icônes du pop art, d’aéro-clubs, d’auteurs ridiculisant la censure, de politiciens à parodier, de gadgets roses, d’excréments de bisons, de vols avec effraction, de contrevérités, d’années-lumière, de peinture Ripolin, de colocataires, de prostituées, de bœufs à saigner, de dépôts de tartre dans les tuyauteries, de Soudanais, de geishas, de gâteaux grumeleux, d’usuriers, ni d’éternels étudiants. 

« Le langage est l’équivalent
pour la bouche vide du rêve
pour les yeux fermés ».
Pascal Quignard - Vie Secrète

Au soixante-et-onzième jour, il n’y eut plus de steppes environnées de buissons, de raseurs, de clarinettistes guatémaltèques, de jeûneurs, de couloirs volcaniques par lesquels le magma atteignait la surface, de plats écœurants, de guéridons, de tour à Montparnasse, de planètes naines, d’intelligentsia chez les ingénieurs, de chaises dans les universités, de bagnards à Cayenne, de squelettes d’Australopithèques, ni d’antibiotiques contre les furoncles.
Il n’y eut plus d’asticots sur la viande putréfiée, de valeurs à boursicoter, de comédies musicales, d’Adonis blanc d’albâtre, de camions frigorifiques, de Brésiliens, de véhicules à immobiliser, de couleur taupe, de Srilankais, de langues à parfaire, de papiers froissés comme s’ils furent jetés dans une poubelle géante, de grandiloquence chez les xénophobes, d’incidents touristiques, ni d’abeilles de fleur en fleur. 

« Nous pouvons causer pendant
toute une vie sans rien dire que
répéter indéfiniment le vide d’une minute ».
Marcel Proust
À l’ombre des jeunes filles en fleurs

Au soixante-douzième jour, il n’y eut plus de nuages bien gorgés dont les gouttes eussent pu raviver les visages, de sous-secrétaires d’État, de cidreries, d’antivols, de condamnés blondinets, de catacombes à visiter, de pages sportives dans les quotidiens, de brillantine, de musiciens réorchestrant un ballet, de Cour Pénale Internationale, d’anticonformistes, de billets de loterie, de fête de l’Annonciation, de Burkinabés, ni de vaudevilles.
Il n’y eut plus de villes à moderniser, de fruits toxiques, de chapitres collégiaux, de condamnés sursitaires, d’asperges, de chrysalides, d’émeraudes au British Museum de Londres, de Surinamiens, de mystificateurs, de parapets aux ponts, de starlettes à Cannes, de réussites qui enorgueillirent, de perce-oreilles, de platanes où se plafonner, de non-combattants, de discriminations à l’embauche, ni d’hypocondriaques. 

« Si on fait le vide autour d’un souvenir,
il ne reste plus rien que ce souvenir
dans l’infini qu’on a, et ce souvenir
devient l’infini ».
Réjean Ducharme - L’avalée des avalés

Au soixante-treizième jour, il n’y eut plus de cerises avec queue, de visionnaires, de wagons citernes autonettoyants, de rastas, de vermicelles, de poèmes de Li Bai, de pédicures, de dolmens, de zones historiques, d’emmerdeurs, d’îles volcaniques, de tunnels, de Légion d’Honneur, de lance-pierres, de poussées de glaucome, de perroquets béarnais, de ginseng, de projets de lois inconstitutionnels, de Burundais, ni de drames bourgeois.
Il n’y eut plus d’huîtres, de rebouteux, d’intellectuels réfléchissant, d’égorgements de vieilles dames, de modes de vie à standardiser, de venelles à angle droit, de temps géologiques à découper, de gnous, de moteurs à trafiquer, de sardiniers, d’horloges aux mairies, d’oubliettes, de traditions à entretenir, d’autocuiseurs, de resquilleurs, de Swazis, de géopolitique, ni de pluies annonciatrices d’une pluie plus abondante. 

« L’important est de parvenir
à faire un grand vide en soi ;
se dépouiller du superflu,
savoir vivre avec l’essentiel,
être toujours en chemin ».
Paulo Coelho

Au soixante-quatorzième jour, il n’y eut plus d’hirondelles de mer, de paysannes qui n’avaient pour travailler leurs terres que la force de leurs bras, de stations-services, d’hôtels de ville, de steppes, de sculptures en ronde-bosse, d’église à Saint-Germain des Prés, de supernovas, de bestiaires du Moyen Âge, de grottes, de gagne-petit, de marché aux fleurs, de pissefroids, de tapisseries des Gobelins, de Cambodgiens, ni d’adaptations cinématographiques.
Il n’y eut plus de bénéfices à réinvestir, de femmes se remaquillant, d’indépendantistes, de peintures rupestres, de cartes où sont offerts les vœux, de bergers allemands, de ferraille à bazarder, de drag-queens, rien en forme de spirales, d’exutoires aux lacs, d’enfants à bizuter, de barbituriques, de Syriens, de gauloiseries chez les permissionnaires, de gouaches laiteuses, ni de fan clubs anglo-saxons.

« Pas d’aile, pas d’oiseau,
pas de vent, mais la nuit,
Rien que le battement
d’une absence de bruit ».
Eugène Guillevic - Sphère

Au soixante-quinzième jour, il n’y eut plus de chênes tailladés en estafilades, de cerf-volant quadrilatères, de chevrettes, de bleu de méthylène, d’écumeurs de mer, de rustines, de choses à double sens, de chiens à museler, de vert chartreuse, de Baigneuses de Renoir, d’endettés réempruntant, de refuges possibles au cinéma, de mélodrames, plus de Camerounais, de dame-jeanne, de météorologie, ni de logiciels compatibles entre eux.
Il n’y eut plus de pénitents incontinents, de festivités, de fumerolles sur le mont Fuji, de pythies modernes, d’édredons en duvet, de ramasse-miettes, de romans qui émerveillaient, de cochons sauvages en tant qu’incarnation de l’esprit saint, de fouilles archéologiques, d’émissions de téléachat, de serveuses à aguicher, plus de Tadjiks, de formol, de félonie, de jambes atteintes par la gangrène, de maquereaux, de dogmatismes, ni d’hérésies. 

« Rien ne prédispose davantage
à l’aspect pensif que l’absence
totale de pensée ».
Pierre Dac - L’Os à moelle 

Au soixante-seizième jour, il n’y eut plus de mélisse aux feuilles gaufrées, de starting-blocks dans les stades, d’épluchures de carottes, de licornes dans l’héraldique, de dyslexiques, d’ivraie toxique, de juges amazoniens, de romans épistolaires, de cow-boys en transhumance, de patients boulimiques, d’hémorroïdes, de Canadiens, de marées noires, de sans-le-sou, de troupeaux d’antilopes, de sols se réhydratant, ni d’extraterrestres au cinéma.
Il n’y eut plus d’héritages à gaspiller, de clans de matheux, de prisons à la Conciergerie, de lois à enfreindre, de massacres de phoques, de plurilingues, de guerres ni de révolutions, de culturistes, de bébés éprouvettes, de messages codés, de déguisements, d’incohérences grammaticales, d’esplanades à débroussailler, de Tanzaniens, de raisins attaqués par le phylloxéra, de smicards, ni de crashs d’avions. 

« L’angoisse n’est rien d’autre que
cette sensation étouffante d’impuissance ?
Cette absence d’espoir, cette absence de futur.
Rien. Rien à faire, rien devant, rien derrière ».
Marilu Mallet - Miami Trip

Au soixante-dix-septième jour, il n’y eut plus de péchés inavouables, d’hommes-grenouilles, de sourires de poivrots, de ringards, de bergeries en Haute Savoie, de partis se radicalisant, de méridionaux introvertis, de bakchichs, de spécialistes du Néo-Gothique, d’aiguilleurs du ciel, de camisoles de force, de cabarets pour snobinards, d’opéras, de trisomiques, de moules marinières, d’instances décisionnaires, ni plus du tout de Cap-Verdiens.
Il n’y eut plus de miroirs où se maquiller, de programmes d’alphabétisation, de libellules, de clients à arnaquer, d’Ave Maria de Schubert, de monarchie constitutionnelle, de luxations, de monnaies à estamper, de clans bellicistes, de Thaïlandais, de rimes finissant en con, de garden-party, de langues mortes, de risque-tout, d’ateliers de menuiserie, de ziggurats au Turkménistan, ni de boîtes de 30 à 50 cm de haut. 

« Les monomaniaques de tout poil, les gens qui sont possédés
par une seule idée m’ont toujours spécialement intrigué,
car plus un esprit se limite, plus il touche par ailleurs à l’infini ».
Stefan Zweig
Le Joueur d’échecs

Au soixante-dix-huitième jour, il n’y eut plus d’électroacoustique, de nébuleuses galactiques, d’aires protégées, de clientèles à satisfaire, de chemins frayés dans les brousses épaisses, de déjections transportées par les torrents, d’informaticiens, de sœurs bénédictines, de boursiers, de pauvres quémandant, de Centrafricains, d’épopées, de détournements d’avions, de cigognes, de porte-drapeaux, de circonstances atténuantes, ni de petites filles à exciser.
Il n’y eut plus de surimpressions du noir, de paysages cafardeux, d’eau-de-vie à base de cerises, de Tchadiens, de résine, de lamproies, de menées anticonstitutionnelles, de numérations duodécimales, de petits bonheurs dont on put jouir, de rames de train qui s’arrêtaient au milieu des voies, de variole à éradiquer, de pousse-pousse, de plages où se rembrunir, ni personne pour entrer en dissidence. 

« À côté du noble art de faire faire les choses par les autres,
il y a celui, non moins noble, de les laisser se faire toutes seules ».
Lin Yutang

Au soixante-dix-neuvième jour, il n’y eut plus d’échelles macroscopiques, de caryatides, de visions hallucinantes, de divisions euclidiennes, de grenouilles aux yeux rouges, de parkings, de querelles d’iconoclastes, de kalachnikovs, de romans noirs, de photos sous-marines, de statues des douze apôtres, de dessus de cheminée, de thésards éberlués, de bortsch, de filets de sole, de moquerie à l’encontre des urgentistes, ni de valeurs à méconnaître.
Il n’y eut plus aucun Chilien, de boutons de manchettes, de calembredaines sournoises, d’ingénues néerlandaises, de colorant outremer, de jonques fiables, de biens hypothéqués, de prénommés Richard, de Timorais, de fruits à épépiner, de sonotones durables, d’interdictions des droits civiques, de chaux à badigeonner, de lexicographes, de solutions de facilité, de méridiennes, ni d’échasses. 

« Réduire l’art à une question de «forme»,
c’est le rapetisser et le rétrécir outre mesure ».
Charles-Augustin Sainte-Beuve - Pensées de Joseph Delorme

Au quatre-vingtième jour, il n’y eut plus de déséquilibrés, de billets consacrés à jouer au poker, de grand Canyon au Colorado, de dômes allongés en forme d’œuf, de flippers électroniques, de spectres effrayants, de déficits, de racines carrées, de contes philosophiques, de princes protecteurs, d’abondantes floraisons, de trampolines, de métempsychose, de héros dans les bandes dessinées, d’usines sidérurgiques, ni de Chinois.
Il n’y eut plus de lentilles d’eau, de bracelets-montres, de mayonnaise en tube, d’enthousiasme patriotique, d’inventions à breveter, de lymphangite, de désaveux politiques, de lapins de garenne, plus du tout de Togolais, d’ardeur à éteindre, de bâtonniers, de Romanichels, de chauffe-biberons, de bric-à-brac dans les brocantes, de crimes à perpétrer, de binious, de poteries étrusques, de composés explosifs, ni de hors-bords. 

« Le Ciel ! Couvercle noir de la grande marmite
Où bout l’imperceptible et vaste Humanité ».
Charles Baudelaire - Le Couvercle

Au quatre-vingt-unième jour, il n’y eut plus d’émanations telluriques, de sociétés savantes, d’individus dont la vie fut réglée et qui s’en arrangèrent, de rues baptisées Gambetta, de cymbales, de déambulations théâtrales, de braseros, de joyeusetés familiales, de taxis jaunes, d’amoureux poireautant, de supérettes, d’aubergistes polyglottes, de scies égoïnes, d’équations à plusieurs inconnues, ni de felouques en Haute-Égypte.
Il n’y eut plus de tragédies lyriques, de défaitistes, de black-jack, de pitons à escalader, de Colombiens, de champions du monde de formule 1, de désarroi chez les Bigoudènes, de bow-windows, de rouspéteurs, d’endoscopies chirurgicales, de néoplasie cancéreuse, de messages à intercepter, de sort à maudire, de brainstormings, de cages à écureuil, ni de curiosités tricéphales. 

« En art, il faut que la mathématique se mette
aux ordres des fantômes. Le bon peintre est celui
qui enterre une couleur chaque jour ».
Roger Bissière

Au quatre-vingt-deuxième jour, il n’y eut plus de box-office, de réfectoires pour les sous-officiers, de chasse à la bécasse au chien d’arrêt, de Trinidadiens, d’acrimonie entre douaniers, de soucoupes volantes, de rigorisme monétaire, de nomenclatures en biologie, de librettistes d’opérettes, de barbecues, de soldats patrouillant, de littérature pour la jeunesse, de ratés, de sommeils réparateurs, ni d’ossements de brontosaures.
Il n’y eut plus d’ardoisières, de lanternes portatives, d’analyses factorielles, d’adhésifs publicitaires, d’œufs à gober, de brevets d’invention ayant un caractère industriel, de bretzels au cumin, de pelles excavatrices, de succès qui enhardissaient, de séducteurs, de Comoriens, de concerts à radiodiffuser, de soumission hiérarchique chez les veilleurs de nuit, de marathoniens enthousiastes, de tuteurs, de sylviculteurs, ni de trompettes-de-la-mort. 

« Lorsqu’on regarde sa vie passée,
on croit voir sur une mer déserte
la trace d’un vaisseau qui a disparu ».
François René de Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe

Au quatre-vingt-troisième jour, il n’y eut plus de tire-clous, de vagabonds à Rome, de tourterelles, de loustics, d’indécence bouleversante, de taxidermistes, d’anniversaires de Victor Hugo, de vasistas, de virtualité de l’identité numérique, de W.C. publics souterrains, de détracteurs, de cyclistes dans le Dauphinois, d’écrivains, de matchs à arbitrer, de nursery, de tâcherons, de mutinerie au cœur des prisons, ni de Congolais.
Il n’y eut plus de vieux s’offusquant, de treuils manuels, de non-violence, de ravages à prophétiser, d’orang-outan, de scoliose, de luminaires encastrés, de festivaliers, de cartomanciennes à consulter, d’arnaques à goupiller, de vaccins antigrippaux, d’indélicatesse dans les sentiments, de bruiteurs, de salles de bowling, de Tunisiens, de démissionnaires, d’acide citrique, de mortes-saisons, ni de strip-teaseuses. 

« Le désert c’était l’infini
mis à la portée des hommes ».
Maxime Chattam - Le Sang du temps

Au quatre-vingt-quatrième jour, il n’y eut plus de graineteries autrichiennes, d’islamistes, de maisonnettes campagnardes, de bromure, de hauts-de-forme, de courbes exponentielles, de marquis arrogants, de névroses, de mareyeurs, de hachisch, de Turkmènes, de bébés astigmates, d’oseille acide, de boat people, de falaises érosives, de moumoutes, d’interpellations de députés, de paillasses sans draps, ni d’hétérosexualité.
Il n’y eut plus de reliefs qui se déchiquetaient, d’attroupements de vandales, de papillons bleus, de critiques littéraires, de métros sur viaducs, de sommités dangereuses, de moustiquaires, de thaumaturges, de Sud-Coréens, de libéralisme culturel, de bronchitiques, d’État nationalisant, de cols pour emprisonner le cou, d’allergologues désabusés, de lave-vaisselles, d’imbroglios comiques, de nantis édentés, ni de renardières. 

« Quand vous aurez reconnu que le monde
est irréel et éphémère, vous ne l’aimerez plus,
votre esprit s’en détachera ; vous y renoncerez
et vous vous libérerez de tous vos désirs ».
Râmakrishna 

Au quatre-vingt-cinquième jour, il n’y eut plus de trisaïeuls, de promus lieutenants-colonels, de transsexuels opérables, de bétaillères, de culte dionysiaque, de sauce béarnaise, d’éviers en inox, de chiens contournant les troupeaux, de cérémonies de mariage, d’acier à rigidifier, de records de la plus haute construction, de boas, de grèves des éboueurs, de maisons d’édition, de mousselines, de cybercafés, ni d’architectes faubouriens.
Il n’y eut plus de saucissons à ficeler, de cutters à portée de main, de promesses emberlificotant la populace, de roues à créneler, de Costariciens, d’engoulevents, de bigoudis, d’arènes tauromachiques, de badauds incendiaires, de carmélites fouineuses, de chambres noires, d’aurore polaire, de véliplanchistes désespérants, de baobabs, de Tuvalais, de personnes avec un bec-de-lièvre, ni de colombophilie. 

« La simplicité décourage.
Elle ne s’acquiert qu’à force de détachement ».
Dominique Blondeau - Les errantes

Au quatre-vingt-sixième jour, il n’y eut plus de ballons-sondes, de paille d’avoine, de cover-girls, de bigotes diabétiques, de physionomistes vénézuéliens, de bouteilles de Châteauneuf du pape, de bilingues cupides, de palourdes farcies, d’exécutions par pendaison, de betteraviers coquets, plus aucune encyclopédie, d’oscilloscopes, d’Uruguayens, de cuvettes de toilettes pour handicapés, ni d’élections à remporter.
Il n’y eut plus d’offrandes rituelles aux dieux amérindiens, de trésors dont tous les hommes possédaient la clef, de réactionnaires courtauds, de lynchages médiatiques, d’autoritarisme, d’aveugles à guider, de tribus à évangéliser, plus le moindre Ivoirien, de testateurs, de symptômes de la mucoviscidose, de cerfeuil, de dramaturges, de becs de gaz, de mélodies de Charles Gounod, ni d’autosatisfaction chez les incompétents. 

« Si la poésie se comprenait,
elle deviendrait la philosophie et disparaîtrait ».
Théodore Jouffroy - Mélanges philosophiques

Au quatre-vingt-septième jour, il n’y eut plus d’ânes bâtés, d’emplâtres, de peintres enlaidissant les femmes, de gazoducs, d’adjectifs qualificatifs, de trompettistes, de racines incassables, de discours de bienvenue, de mi-carême, de pêcheurs moulinant, de canons dans les jardins du Palais Royal, de limonade, de Cubains, d’ensorcellements rompus, de garçons ensablant leurs sœurs, de flash-back, ni d’hippisme.
Il n’y eut plus de prix littéraires, de mégères centenaires, d’aires de jeux, de chants grégoriens, de tripots, de clientèles à fidéliser, de ballets à synchroniser, de lois à légiférer, de lithographies, d’objets concaves, de béribéri, d’agents secrets, de pies en train de nidifier, de tuberculeux, de badminton, d’appareils photo autofocus, d’hypothalamus, de lagunes, de crémaillères, ni de bois imputrescible. 

« Voir, c’est comprendre, juger, déformer,
oublier ou s’oublier, être ou disparaître ».
Paul Eluard - Dictionnaire abrégé du surréalisme

Au quatre-vingt-huitième jour, il n’y eut plus de turfistes, d’angines de poitrine, de daurades royales, de fondations sur les chantiers, de rêves se matérialisant, de cuissardes, de montée d’individualisme, de jupes-culottes, d’autoroutes de l’information, de virtuoses ulcéreux, de galeries marchandes, d’adeptes du kung-fu, d’anticalcaires, de houillères, de pongistes imperturbables, de dyslexie, de poitrinaires, ni de revues.
Il n’y eut plus de Djiboutiens, d’esthéticiennes à domicile, d’icebergs, de renégats, de lâchers de faisans, de climats politiques à alourdir, de sauces à épaissir, de manteaux imperméables, de scélérats, de labradors, de lieux idylliques, d’autocollants imprimés par la contre-culture, de fontanelles chez les nouveaux-nés, de lits où se recroqueviller, de morale judéo-chrétienne, de speakers, de hyènes, ni de motos pétaradant la nuit. 

« Le risque de se livrer à l’inessentiel
est lui-même essentiel ».
Maurice Blanchot - L’espace littéraire

Au quatre-vingt-neuvième jour, il n’y eut plus de cimetière au Père-Lachaise, de badges distinctifs portés à la boutonnière, de joueurs de baseball, de subtilités aux raisonnements, d’autofinancements possibles, d’aérofreins, de benzène, de vidéastes, d’astuces tactiques, de féculents, de costumes trois pièces, ni plus de Dominiquais.
Il n’y eut plus de formalités à accomplir, d’embarcations à manœuvrer, de bouleaux, d’étoffes mordorées, de cagoules, de romans du terroir, de russophones, de sacristains, plus de Vénézuéliens, de bouvreuils, de brevets d’inventions,  de phlébites, d’arlequins, de filles qui auraient eu un petit genre balnéaire, ni plus l’envie de mêler les petits mots avec les grands. 

« Et avec quelle quantité d’illusions ai-je dû naître
pour pouvoir en perdre une chaque jour !»
Emil Michel Cioran

Au quatre-vingt-dixième jour, il n’y eut plus de philosophes de boudoir, de bactéries produisant des troubles morbides, de péridurales, plus d’Égyptiens, d’élèves à féliciter, de batiks, de boy-scouts, de pluie floconneuse, de soins démaquillants, de bouquet satellite, de voitures décapotables, de travestis, ni d’animaux frugivores.
Il n’y eut plus d’ordre abécédaire, de vulgaires attrape-nigauds, d’aérolithes sur terre, de lie-de-vin, de tribunaux correctionnels, de phosphorescence aux lucioles, de brelans de dames, de pervenches, de dangers à flairer, de cartes du monde, de manières voyantes pour s’habiller, de stratégies offensives, de Vietnamiens, d’artichauts, de banalités aux désirs ordinaires, ni de trames aux romans. 

« L’imagination a été donnée à l’homme
pour compenser ce qu’il n’est pas.
L’humour pour le consoler de ce qu’il est ».
Saki

Au quatre-vingt-onzième jour, il n’y eut plus de voies qu’il était interdit de traverser, de badigeon beige affectant les murs administratifs, de patineuses sur glace, d’ashrams, de vacarme abasourdissant, de pissotières, de pataphysique, d’Émiriens, de tours de passe-passe, de gens méphistophéliques, de bidules cassés, ni de Reality show.
Il n’y eut plus de généreux seigneurs, de Berbères, d’actionnariat, de cantiques, de mannequins filiformes, de pratiques discriminatoires, de roches diamantifères, de brancardiers, de brûle-parfums, de quiches, de parachutes dorés, de sous-locataires, de persillades, de vaniteux, de Yéménites, ni de beaux lieux où l’on pouvait circuler avec la foule. 

« Quand on a pas d’imagination,
mourir c’est peu de choses,
quand on en a, mourir c’est trop ».
Louis-Ferdinand Céline
Voyage au bout de la nuit

Au quatre-vingt-douzième jour, il n’y eut plus de bloc-notes, de baffes humiliantes assénées par les pères, de traînards, de pyromanes, de chausse-trapes pour le gibier, d’Équatoriens, de téléastes, d’actes ignominieux, d’aficionados, de pièges à déjouer, de citoyens lambdas, d’héroïnomanes, de ressources à optimiser, ni d’humanoïdes.
Il n’y eut plus d’auteurs avilis par leurs propos, de gens grandiloquents, de plans millimétrées, de mabouls, de propos diffamatoires, de fusées oblongues, de brise-lames, d’Hispano-Américains, de poliomyélite, de Zambiens, d’Access prime-time, d’avortons, de tactiques militaires, il n’y eut plus à s’interrompre pour réprimer un bâillement.

« Il n’y a dans le visible que les ruines de l’esprit.
Maurice Merleau-Ponty - Le visible et l’invisible

Au quatre-vingt-treizième jour, il n’y eut plus de langoustines, de gens qui bafouillaient avant de jeter une injure, d’idées embryonnaires, de rustauds, d’Érythréens, de graines ovoïdes, de moutons galeux, de bazars, de combines de tricheurs, de fleurs ornementales, de raies, de colonnes phalliques, d’adresses électroniques, ni d’alambics.
Il n’y eut plus de Postmodernisme, de speakerines, de quartiers pavillonnaires, de jupes gorge-de-pigeon, de festivals, d’individus patibulaires, de procédés mnémotechniques, de toiles à noircir, de cultures exogènes, d’infrarouge, de Zimbabwéens, de balais-brosses, ni de balcons où l’on pu voir s’assombrir les montagnes.

« La suprême ambition de tout ce qui existe
Est de se perdre dans le néant, s’anéantir,
Dormir sans rêves… »
Gutierrez Najera - Poésies

Au quatre-vingt-quatorzième jour, il n’y eut plus de pierres angulaires, de bagarres odieuses au milieu desquelles on était jeté, de Kabyles, de duperies dont on serait les victimes, de maladies parasitaires, de conifères gymnospermes, d’art monochrome, de bicentenaires, de mort-nés, de projets pharaoniques, de retraités, ni de Sagas de l’été.
Il n’y eut plus d’américanisme, de peinture académique, de bandonéons, de pépiements éperdus, de tunnels à déboiser, de quetsches, de zinzins dans la finance, de nonagénaires obligeants, de baldaquins hauts jusqu’aux solives des plafonds, d’Éthiopiens, de ruses de Sioux, de tarifs rédhibitoires, de coussins raplapla, ni de pulls riquiqui.


« Libérez-vous du nom et de la forme.
Que reste-t-il ?
- Le néant.
 Oui, le vide.
Mais le vide est plein à ras bord ! »
Nisargadatta Maharaj

Au quatre-vingt-quinzième jour, il n’y eut plus d’enceintes sacro-saintes, de bagagistes qui se relayaient dans les aéroports, de ventriloques, d’échappatoires pour se tirer d’embarras, de sens giratoires, d’odyssées rocambolesques, de razzia sur les savonnettes, d’acteurs shakespeariens, de rainettes, de comprimés sécables, ni d’alchimistes.
Il n’y eut plus de bilboquets, d’Art cinétique, d’eaux saumâtres, de femmes pudibondes, de breuvages divins, de jonquilles, d’autodafés, de mines à appointer, de Fidjiens, de tempes qui grisonnaient, d’ustensiles de jardinage, de toiles cirées, ni de balivernes qui résultaient de querelles de plume. 

« Peut-être suis-je un compromis conclu
par l’être et le non-être aux dépens de moi-même…»
Alain Bosquet - Je ne suis pas un poète d’eau douce

Au quatre-vingt-seizième jour, il n’y eut plus de vigiles assermentés, de riches bagatelles ni de bijoux ciselés, de santiags, de secrets de Polichinelle, de jambonneaux, de sourdingues, de termitières, de boutons-d’or, de vermines, de théories irréversibles, de tromperies sur les marchandises, de crises à diagnostiquer, ni de modes tape-à-l’œil.
Il n’y eut plus d’air pur à exhaler, de volières, de bibliobus, de gens en vadrouille, de graffiti, de faux-fuyants auxquels répondre, de formules sacramentelles, de Gabonais, d’alpaga, de bâtiments submersibles, de canaux à écluser, de torgnoles parentales, d’avocatiers, ni de hameaux dans la péninsule des Balkans. 

« S’il y avait quelque chose de non-vide,
Il devrait y avoir quelque chose de vide ;
Mais si le non-vide n’existe pas,
Comment le vide existerait-il ? »
Nagarjuna

Au quatre-vingt-dix-septième jour, il n’y eut plus de chaînes que l’on traînait aux bagnes, de séropositifs, de visages télégéniques, de kermesses scolaires, de thanatopraxies, de corsaires barbaresques, de viennoiseries, de télé-réalité, de soubrettes, de langues voltaïques, d’aloès, de bouffons, ni de trains à propulser.
Il n’y eut plus de Gambiens, d’Hyperréalisme, de végétation tropicale, de stock-options, de vicomtesses, de trayeuses, de téléfilms, d’habiles stratagèmes, de ficelles viennoises, de gens colériques qui grimaçaient, de toccatas pour orgue, ni de voyages possibles vers des lieux relativement éloignés.
 

« Les hirondelles
Croient aux anges des nuages ».
Jean Arp

Au quatre-vingt-dix-huitième jour, il n’y eut plus de vesses-de-loup, de baguettes magiques dont les coups rendaient tout enchanté, de mycologie, de sous-tasses, de cinéma underground, de synagogues, de conseillers techniques, de truquages, d’anacondas, de filons à exploiter, de zibelines, de valérianes, ni de draperies.
Il n’y eut plus de passants à apostropher, de supercheries à dénoncer, de bicarbonate, de bannissements, de surdoués, de passoires, de sénescence, de puits à creuser, de Ghanéens, d’oiseaux versicolores, de salmonellose, de Maniérisme, d’erreurs à abjurer, de tendinite, ni de balourds pour tortiller les mots. 

« Seul les mots sont aptes à rendre compte du rien ».
Marc Gendron - Les espaces glissants

Au quatre-vingt-dix-neuvième jour, il n’y eut plus de buées ni de remous dans les baignoires, de réformateurs, de kakis astringents, d’orfèvrerie, de châteaux flanqués de tours, de statuaire antique, de paysannerie, d’argent à blanchir, ni de bistouris.
Il n’y eut plus de femmes sexy, de bidets, de passages à électrifier, de bouis-bouis, de récits de science-fiction, de formules incantatoires, de baptistères, d’apparatchiks au pouvoir, de turquoises, de Grenadiens, de titres en bourse à introduire, de paquets de schnouf, de toundra, de ballons à gonfler ou à faire rebondir, ni de quadrupèdes. 

« Parler, parler pour ne rien dire,
parler pour faire peur au silence.
Parler pour tout dire.
Mais on demande toujours trop aux mots.
Plus qu’ils ne peuvent dire.
Pierre Filion - Juré craché

Au centième jour, il n’y eut plus de refrains aux chansons, de trappes qui grinçaient sur leurs gonds, de cul-de-sac, de moratoires contre la peine de mort, d’importateurs mondiaux, d’œufs à conditionner, rien sous la forme du parallélépipède, plus de beuglements, de musaraignes, de pauses-café, de pourpre zinzolin, de sans-emplois, de Guatémaltèques, de prénoms mixtes, de Séfarades, de peur atavique, ni de systèmes informatiques infaillibles.
Il n’y eut plus d’Orientalisme, de bookmakers, de subversion nulle part, d’attaché-case, de grizzlis belliqueux, de brassards, de demi-bouteilles où les mouches captives pouvaient bourdonner, d’aquariums, d’étalons à chevaucher, de japonisants, de bonsaïs, de terres où nomadiser, ni de belles nuitées, de sabliers, d’artistes atypiques, de neige, de bidonvilles, de virgules, d’argent, de jarrets de porc, ni de victuailles, ni plus aucun humain. 

La meilleure façon de se taire
c’est de parler avec ses mains.
Yvon Rivard - Les Silences du corbeau

Au cent-unième jour, l’homme n’eut plus d’abdomen, de coccyx, de front, de colonne vertébrale, de genoux, d’aisselles, de cordes vocales, de glotte, de cornée, de gosier, de ventricules, de hanches, d’annulaires, de côtes, d’humérus, d’aorte, de cou, d’incisives, d’index, d’arcades sourcilières, de cristallins, de mollets, d’artères, de cuisses, d’intestin, d’articulations, de vertèbres, d’iris, d’auriculaires, de deltoïde, d’avant-bras, de jambes, d’orteils, de joues, de dents de sagesse, de barbe, de bas-ventre, ni de derme.
Il n’y eut plus de biceps, de cuir chevelu, de viscères, de langue, de diaphragme, de larynx, de bouche, de blanc de l’œil, de doigts de pied, de boyaux, de lèvres, de dos, de ligaments, de duodénum, de bras, de bronches, de vulve, de lobes, d’encéphale, de lunules, de mâchoires, de cage thoracique, d’endocrine, de majeurs, de mamelons, d’entrailles, de mandibule, d’épaules, d’épiderme, de maxillaires, de méninges, de carotide, d’épine dorsale, de menton, de cartilage, d’artère coronaire, d’épiphyse, de métacarpes, de cerveau, d’estomac, de crâne, de molaires, de mont de Vénus, de gencives, ni de muqueuses. 

« Chaque mot est comme une souillure inutile
du silence et du néant ».
Samuel Beckett

Au cent-deuxième jour, l’homme n’eut plus de chevelure, de muscles, d’anus, de faciès, de chevilles, de fémurs, de fesses, de chutes des reins, de cils, de myocarde, de foie, de clavicules, de narines, de poumons, de coudes, de prémolaires, de clitoris, de prépuce, de nerf sciatique, de prostate, de dents, de tâches de rousseur, de neurones, de prunelles, de pubis, de nez, de tempes, de pupilles, de tendons, de grains de beauté, de nuque, d’occiput, de testicules, d’œsophage, de tête, de rachidien, d’omoplates, de rachis, d’ongles, de thorax, de luette, de radius, de tibias, d’oreilles, de rate, de rectum, de torse, ni d’os iliaque.
Il n’y eut plus de trachée, d’os pariétal, de reins, de trachée-artère, d’ossature, de triceps, d’ovaires, de tronc, de palais, de rétines, de tympans, d’urètre, de pancréas, de papilles, de rides, de ridules, d’utérus, de rotules, de vagin, de mains, de paupières, de peau, de pectoraux, de sacrum, de veines, de pénis, de péricarde, de cubitus, de périnée, de veinules, de péritoine, de ventre, de péroné, de scrotum, de pharynx, de verrues, de pieds, de seins, de gorge, de pilosité, de vésicule, de vessie, de plèvre, de visage, de sinus, de plexus solaire, de sourcils, de voile du palais, de poignets, de sphincter, de poils, de poitrine, de squelette, d’yeux bridés, de sternum, de pommette, de pouces, de pomme d’Adam, ni de cœur.

« L’infini n’est jamais qu’un trou
autour duquel il n’y a rien ».
Adrien Vély

D’autres choses, avec les êtres vivants et les continents, disparurent à tout jamais. Preuve en est qu’aujourd’hui, il n’y a plus rien.